Les élections législatives et municipales d’octobre prochain pourraient être reportées à une date ultérieure si l’opposition en fait une demande express sur la base de justifications objectives.
C’est du moins la dernière chance qu’offre le président mauritanien cette semaine à la Coordination de l’opposition démocratique pour engager les dernières formalités du processus du dialogue inclusif. Pour les observateurs, cette perche tendue par Ould Aziz est un couteau à double tranchant dont l’une consiste à mieux diviser l’opposition pour l’affaiblir davantage et l’autre en la responsabilisant sur l’éventualité d’un échec du dialogue. La nouveauté dans cet imbroglio
politique c’est l’émergence de la société civile représentée par le Mouvement du 25 février issu du printemps arabe.
Les mauritaniens se croiraient un peu assister depuis des mois à un feuilleton sans fin entre le président mauritanien qui ne veut pas bousculer ses habitudes de peur de perdre la face et l’opposition regroupée au sein d’une coordination qui a envie d’en découdre au plus vite grâce à une feuille de route raisonnable pour sortir le pays de la crise économique et sociale.
Jamais ainsi les relations entre l’opposition et le pouvoir n’ont été aussi médiatisées à un mois et demi des élections législatives et municipales. Les observateurs notent beaucoup de points de frictions mais pas de rupture pour le moment. La dernière livraison de cette semaine par Oud Aziz porte sur la possibilité de l’opposition de demander le report des consultations d’octobre prochain à une date ultérieure à condition qu’elle le fasse le plus rapidement et objectivement. Une perche qu’il tend à la COD qui a saisi la balle au bond autour d’une concertation de ses présidents de conseil, le chef du parti El Wiam Boidiel Ould Houmeid et
l’ancien ministre de l’APP Correra Issagha qui avaient été reçus auparavant par le premier ministre Ould Laghdaf. Pas de surprise. Les médiateurs de la
COD sont pour la poursuite du dialogue à n’importe quel prix tandis que les partisans de la rupture représentés par les deux principaux leaders de l’opposition Ould Daddah du RFD et Ould Maouloud de l’UFP posent comme préalables un code électoral issu d’un consensus national qui va déblayer le terrain pour une commission nationale électorale indépendante ( CENI) et le retour aux accords de Dakar.
Le deuxième point porte sur l’ouverture des médias publics aux partis politiques de l’opposition et aux mouvements citoyens. La réponse du ministre de la communication est immédiate en donnant le feu vert au chef du RFD Ould Daddah la possibilité d’un face à face avec le public et les journalistes de la télévision nationale.
Sur ces deux tableaux, les deux camps se toisent. On en arrive surtout pour le dialogue à des points de vue inconciliables qui fragilisent l’opposition dont la scission bénéficierait naturellement à Ould Aziz .C’est clair, pour l’instant c’est impossible dans ces conditions d’en arriver à un accord.
Seulement la nouveauté dans cet imbroglio politique, c’est l’espoir que fait naître la société civile avec l’émergence de forces nouvelles de la jeunesse symbolisée par le Mouvement du 25 février issu du printemps arabe. Parmi elles, la jeunesse indépendante du 25 février qui regroupe des journalistes, des syndicalistes et des écrivains qui entendent donner de la voix et de la matière pour faire avancer la démocratie en Mauritanie. Il existe même d’autres rassemblements de jeunes qui se prononcent plus sur le terrain des manifestations régulières pour presser le gouvernement de Ould Laghdaf à engager des réformes concrètes en particulier dans la formation et
l’emploi.
Cette nouvelle pièce au puzzle mauritanien pourrait insuffler du sang nouveau aux relations entre l’opposition et le pouvoir. Les jeunes en tant que force d’appoint et de propositions aux difficultés économiques que traverse le pays et un bol d’air dans la gouvernance démocratique. Cette dynamique du changement intervient dans un contexte difficile au moment où l’ouguiya est sérieusement secouée par une baisse spectaculaire de ses taux d’intérêt par rapport à l’euro. Un mauvais signe de santé économique et financière dans un pays qui exporte des matières premières dont le prix est fixé par le marché international en perpétuel yo-yo et qui importe 70 pour
cent de ses besoins alimentaires. Alors que le président Ould Aziz lui-même avait annoncé publiquement il y’a quelques jours que la Mauritanie détenait une réserve importante de devises avoisinant plus de 500 millions de dollars.
Une situation paradoxale qui renforce la société civile à soutenir davantage l’opposition contre le régime de Ould Aziz dont les réformes ne profitent pas aux populations les plus démunies qui ne comprennent toujours pas que les productions records du minerai de fer, de l’or, du poisson enregistrés depuis des années les laissent sur les carreaux. Ce n’est pas un remaniement ministériel fut-il technique qui va changer les choses. A un mois et demi des législatives et municipales ce geste sera considéré comme une bataille électorale et rien d’autre.
Bakala Kane
(Contribution reçue à Kassataya le 19/08/2011)
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