En déclarant cette semaine qu’il n’ y a pas d’esclaves en Mauritanie et que tout le monde est égal devant la loi pour dresser son bilan de deux années au pouvoir Ould Aziz accuse pour la première fois et ouvertement avec arrogance et mépris le président de l’IRA-Mauritanie et ses militants
anti-esclavagistes d’avoir déclaré la guerre à la police et la famille d’ Aïcha Mint Saïbott accusée par ces derniers de pratiques esclavagistes sur une fillette de 10 ans dans la capitale mauritanienne. Pour les observateurs, ces propos du chef de l’Etat réactivent la logique tribale et la complicité de l’Etat mauritanien dans la résurgence de ce fléau millénaire.
Des cas de pratiques esclavagistes sur des fillettes en général sont légion à Nouakchott comme celui cette semaine de Oueichita Mint Hamadi que le président de L’IRA et ses militants anti-esclavagistes ont dénoncé en occupant la brigade spéciale chargée des mineurs en conflit avec la loi
dans l’affaire d’Aïcha Mint Saïbott. Et sans surprise ils ont été agressés et arrêtés par les forces de l’ordre sans aucune explication.
Pour la première fois depuis son élection en juillet 2009 Ould Aziz sort de ses griffes pour clamer qu’il n’y pas d’esclaves en Mauritanie et prend partie en accusant Biram Ould Dah et ses amis d’avoir déclaré la guerre à la police et la famille mauresque susmentionnée. Une façon arrogante et méprisante pour banaliser les faits ouvertement devant le public et les journalistes contrairement à l’opposition, la société civile et les leaders d’opinion et ONG nationales qui se sont rangés du côté des faibles.
Et pourtant l’esclavage a été aboli officiellement en Mauritanie en 1981, et pour la deuxième fois en 2003 et pour la troisième fois en 2007 en vigueur actuellement. Ces différentes péripéties traduisent la difficulté d’éradiquer ce fléau millénaire dans un pays profondément ancrée dans ses valeurs tribales et ethniques. La faute incombe particulièrement à l’instabilité politique caractérisée depuis 1978 par des coups d’Etat militaires dont le dernier dirigé par le président Ould Aziz avant d’être élu en juillet 2009. C’est la promulgation de la dernière loi 2007 qui pose problème parce qu’elle prévoyait de responsabiliser les associations de lutte contre l’esclavage et ses séquelles.
Mais malheureusement les législateurs maures sont toujours prévoyants .Le volet d’agir à la place des victimes n’a pas été retenu dans le texte final. Malgré la carence de cette dernière loi, le nouveau locataire du palais de Nouakchott sait pertinemment que l’obligation est faite aux magistrats, préfets, chefs d’arrondissement et officiers ou agents de police judiciaire de donner suite aux dénonciations des pratiques esclavagistes sous peine de sanctions pénales. Et comme le dit le vieil adage qui veut noyer son chien l’accuse de rage. La non reconnaissance de l’IRA et de toutes les associations anti-esclavagistes fait partie de la panoplie de la puissance publique pour maintenir l’esclavage sous la forme moderne.
Mais c’est sans compter sur la vigilance et l’appui de la communauté internationale. La première reconnaissance de l’IRA hors les murs nous vient de la ville allemande de Weimar qui a remis récemment au militant Ould Abeid le prix des droits de l’homme 2011. Pour les observateurs, cette accusation du premier magistrat du pays est un pied de nez aux institutions mauritaniennes et relance par la même occasion la logique tribale dans un pays profondément ancrée dans ses valeurs ancestrales. Cette survivance du passé réside en grande partie dans ces putschs permanents qu’a connu la Mauritanie depuis 1978 et qui ont font perdre à l’Etat son rôle de régulation au profit de cette chefferie tribale en pleine mutation. A titre d’exemple l’ancien président Ely Ould Mohamed Vall tombeur de Ould Taya appartient à la même tribu que Ould Aziz, les Ouled Bou Sbaâ. L’on comprend mieux que cette donnée tribale est fondamentale pour la prise de pouvoir et qu’elle se retrouve maintenant sous forme hybride de lobbies d’affaires en grand nombre sur les bancs de l’hémicycle. Raison pour laquelle la fibre tribale est omniprésente dans toutes les élections et dans tous les rouages de l’Etat. C’est ce qui a permis à Ould Aziz de gagner les présidentielles de 2009 et de renvoyer l’ascenseur à cette nouvelle classe dirigeante dans le cadre de l’offre des marchés publics et dans la gestion des financements publics. Une gouvernance économique qui n’a rien à envier à celle de tous ces prédécesseurs entraînant un déficit abyssal des entreprises publiques comme la SONIMEX avec une ardoise de 19 milliards d’ouguiya et la palme d’or revient à la SOMELEC avec 35 milliards d’ouguiya.
Ce puzzle tribal n’épargne pas la communauté négro-africaine et haratine également dans le partage du gâteau au niveau des postes ministériels et des nominations dans toute l’administration à des fins de dosage ethnique. Jusqu’ici seuls les wolof sont oubliés. Peut-être pour des raisons de voisinage avec le Sénégal ou à cause de leur faiblesse numérique par rapport aux autres composantes ?
Tous les régimes politiques ont fonctionné jusqu’à présent sur ce modèle consensuel. Ould Aziz entend maintenir ce statu quo qui arrange bien l’élite dirigeante maure qui trouve son compte dans l’exclusion des droits des minorités ethniques menacées dans leur dignité et leur liberté. Cette justice à plusieurs vitesses est reprise à chaque fois que l’occasion se présente par l’opposition qui n’a pas manqué de réagir sur le bilan de l’ère Ould Aziz.
Le RFD de Ould Daddah appelle les mauritaniens à tourner définitivement la page du régime militaire qui gouverne le pays depuis 30 ans tandis que l’UFP de Ould Maouloud prône le sursaut national pour sauver la Mauritanie de la dictature actuelle. En niant la résurgence de l’esclavage, le chef de l’Etat se voile la face et utilise cette politique de l’autruche pour légitimer son pouvoir. Et pourtant le président mauritanien avait promis de combattre toutes les anciennes pratiques sous le vocable tryptique le tribalisme, le régionalisme et le racisme pour faire avancer ses réformes. On a beau chasser le naturel, il revient toujours au galop.
Bakala Kane
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