L’opération d’enrôlement des populations et des titres sécurisés se poursuit en Mauritanie sur fond de crise d’identité nationale avec en toile de fond des dispositions humiliantes et dégradantes pour les citoyens et comportements provocateurs de la commission du recensement administratif 2011.
C’est du moins le constat de Kadiata Malick Diallo députée de l’UFP ( Union des Forces du Progrès) à l’Assemblée nationale après six semaines de démarrage de l’opération dont le coup d’envoi avait été lancé par le président Ould Aziz le 5 mai dernier à Nouakchott. Pour les observateurs ce recensement dont le coût est estimé à plus de 13 milliards d’ouguiya est un véritable gâchis et ne répond pas aux aspirations et encore moins aux attentes des populations. Ses résultats pourraient compromettre la cohésion sociale et l’unité nationale.
L’opération d’enrôlement des populations lancée il y a plus d’un mois par le chef de l’Etat Ould Aziz dans la capitale mauritanienne a très tôt viré au cauchemar pour les citoyens qui doivent se lever à 5 heures du matin pour faire la queue dans les Moughataas. Certains veillent au grain en passant même la nuit pour obtenir la meilleure place.
Et au final le candidat devra répondre à une enquête policière digne d’un Sherlock Holmes et avec beaucoup de chance pour être inscrit sur la liste des prétendants à la carte d’identité. Un véritable parcours de combattant qui n’a rien avoir avec un recensement normal administratif mais au contraire un recensement taillé sur mesure selon le bon vouloir d’un super administrateur de l’Agence National du Registre des Populations et des titres sécurisés cautionné par le gouvernement de Ould Laghdaf.
Une gestion des ressources humaines qui n’a pas manqué d’avoir des incidences néfastes sur le terrain à cause de l’opacité des tractations de la commission de recensement. C’est clair depuis le début les populations sont confrontées tant à l’intérieur du pays qu’à Nouakchott à des dispositions humiliantes et dégradantes selon les propres termes de la députée de l’UFP( Union des Forces du Progrès) qui interpellait récemment le ministre de l’intérieur à l’assemblée nationale. La représentante d’un des partis de l’opposition ne mâche pas ses mots. Elle parle même de provocation du régime de Ould Aziz qui profite de cette opération pour régler les problèmes de nationalité sur un fond de lutte contre le terrorisme et la mise en place d’un système biométrique de l’Etat-civil. C’est d’autant plus facile de faire avaler la couleuvre à des citoyens qui n’ont pas du tout été associés à cette opération encore moins la presse nationale et audiovisuelle.
Chaque jour qui passe est un calvaire pour des personnes qui arrivent au bout de la chaîne et qui doivent répondre à des questions relatives à la connaissance d’une personnalité politique locale ou tel notable, d’un lieu voire du coran. Qui peut croire que ces questions ont la moindre portée d’un système hyper informatisé?
C’est une vue de l’esprit d’une commission qui s’éloigne des attentes des citoyens et des normes administratives. C’est plus des pratiques qui ridiculisent le principe d’égalité entre tous les mauritaniens et s’apparentent à des moyens de pression et d’intimidation des populations à cause de la forte présence des forces de l’ordre dans les Moughataas. Pas moyens d’échapper à une autre équation de ce recensement avec d’abord l’exclusion des moins de 45ans, des personnes nées à l’étranger. Et la priorité est accordée aux parents avant les progénitures.
Cette politique officielle d’exclusion touche toutes les composantes de la population et en particulier la communauté négro-mauritanienne avec ses 35 000 réfugiés laissés en rade depuis deux ans et sans papiers.
Et c’est le contribuable mauritanien qui payera une ardoise de plus de 13 milliards d’ouguiya pour finalement un recensement par jour de l’ordre de 360 personnes en moyenne soit 10 800 par mois dans les 9 Moughataas que compte la capitale.
A ce rythme c’est 7 ans au minimum qu’il faut pour y arriver et plus d’une décennie pour recenser tous les mauritaniens. Pour les observateurs ce gâchis est un crime contre l’Etat mauritanien et pourrait non seulement ternir l’image du président des pauvres à l’intérieur comme à l’extérieur du pays mais surtout compromettre l’unité nationale.
L’instrumentalisation de l’identité nationale par une opération d’enrôlement pourrait déboucher sur rien d’autre que sur l’éclatement du pacte social. Une situation ubuesque qui fera des milliers de mauritaniens des citoyens sans droit de vote surtout pour les législatives et municipales d’octobre prochain. Pas étonnant que le projet d’un nouveau fichier électoral soit abandonné en cours de route par Ould Aziz au profit des anciennes listes électorales qui lui ont servi à bon escient la victoire écrasante aux présidentielles de 2009. D’ores et déjà son principal rival le chef du RFD Ahmed Ould Daddah n’ira pas pour ne pas cautionner ce hold-up électoral.
Par Bakala Kane