Dénombrement de la population : Une opération de recensement ou d’exclusion?

mauritaniens noirs et blancs manifestants ensemble à la place des blocsSamba Sarr est bien ton nom?Tu es peul et tu es de Boghé!Alors tu dois connaître Ba Sileye et peux nous dire le nom de sa femme?Tu ressembles plus à un soninké ?

Voilà un dialogue irréel ayant eu lieu dans un centre de recensement à Tevragh Zeina.Evidemment, le concerné a fini par s’énerver pour que les choses reviennent à la normale.Ba A.est votre nom?Après un coup d’œil minutieux sur les pièces originales présentées, les membres de la commission de recensement les remettent à l’intéressé l’invitent à effectuer le reste des formalités.

Cela se passait dans un centre de recensement à Sebkha. Celui-là, je ne le connais pas ! Donc pas de recensement pour ce demandeur ! Celui qui a répondu en ces termes à ce demandeur Halpular est aussi un Halpular mais membre de la commission d’un centre à El Mina. D’autres questions blessantes du genre : « Connais-tu le coran ? » ont été posées à certains. Ces propos ont été rapportés par des citoyens ayant subi avec ou sans succès (malgré la production de documents clairs et incontestables), l’épreuve souvent humiliante du recensement – exclusion. Tu es née à Dakar, nous ne pouvons pas te recenser ! Malgré le changement de centre, cette mauritanienne soninké native du Sénégal n’a pas pu se faire recenser car rencontrant toujours la même réponse étonnante. Le nombre de nos concitoyens d’origine Arabe, Halpular, Wolof ou Soninké nés à l’étranger de parents mauritaniens est important. Cela n’est pas spécifique à notre pays, c’est le cas dans tous les autres pays. Les codes de la nationalité y compris le notre régissent bien ces cas. Cette catégorie de citoyens touchent toutes les communautés nationales tels les arabes nés à Louga ou Saint Louis ou Djeddah, et les négro-africains nés à Dagana, à Saint Louis, à Dakar, etc. Les parents mauritaniens installés dans ces pays de naissance de ces enfants étaient soit des diplomates, soit des commerçants ou de simples travailleurs immigrés. Plus grave encore, souvent ce traitement infligé à nos compatriotes nés à l’étranger prend un caractère discriminatoire de type ethnique. Les premiers témoignages vont manifestement et de façon claire vers une application mauvaise et très sou vent discriminatoire de cette loi. Les cas rapportés sont nombreux même si les situations sont diamétralement différentes. D’un coté, il y a des membres de nombreux centres se croyant investis d’un pouvoir de police pour apprécier la « mauritanité » des personnes venant se faire recenser et de l’autre une minorité de personnes appliquant strictement les procédures prévues. Rappelons ici, qu’il s’agit d’un recensement général de l’ensemble des personnes résidant en Mauritanie, les nationaux comme les étrangers. Les mauritaniens âgés de plus de 45 ans sont actuellement concernés dans cette 1ère phase. Et comme le prévoit les dispositions réglementaires, les citoyens doivent se présenter avec leurs originaux et copies de cartes d’identité nationale et d’extrait de naissance. Les membres de la commission de recensement, après vérification de l’authenticité et de la légalité des documents présentés doivent immédiatement procéder au recensement des demandeurs. L’appréciation ne peut en aucune manière portée sur des éléments personnels ou à caractère discriminatoire. Que des commissions de recensement s’arrogent le droit de refuser de recenser un mauritanien parce qu’il a un accent saoudien, sénégalais, français ou qu’il ne parle pas l’arabe. Que ces même commissions s’octroient le pouvoir de contrôler la nationalité de leur compatriote alors qu’ils ne sont ni juges ni autorité administrative habilitée et enfin qu’eux même ne présentent aucune garantie de leur nationalité sinon la même carte d’identité nationale que leur présente leur concitoyen venu pour se faire recenser. Quand la loi confère la nationalité à une personne et lui délivre une carte nationale d’identité, elle prévoit aussi les autorités compétentes pour les vérifier en cas de besoin et manifestement les membres de ces commissions n’en font pas partie. Leur rôle se limite uniquement à vérifier si les personnes se présentant disposent des documents demandés. Aller au delà de ce rôle constitue un abus d’autorité et surtout conduit à des actes extrêmement dangereux pour la cohésion et l’unité nationale. La vocation d’un recensement est de dénombrer le nombre de résidents dans un pays qu’ils soient nationaux ou étrangers. Telle la tâche principale des commissions de recensement. Toutes les personnes ayant ou pas les documents requis (soit les 2 documents, soit seulement la carte d’identité, soit seulement l’acte de naissance, né soit en Mauritanie, soit à l’étranger…) peuvent et doivent être recensées. Le reste est un simple jeu de tri informatique à la portée de n’importe quel élève du secondaire pour le classement par catégorie, statut, par origine, par naissance …etc. Au bout des tris, des contrôles poussés ou d’autres compléments d’information pourront être demandés par la commission ou apportés par le demandeur à recenser. Devant cette situation où de nombreux citoyens possédant les documents requis, en particulier originaires de la communauté négro-africaine, n’ont pu se faire recenser dans certains centres, les autorités de tutelle doivent immédiatement se saisir de cette situation pour clarifier le rôle de ces commissions de recensement et apporter des solutions énergiques et définitives aux nombreuses dérives constatées. De nombreux cas en instance demandent aussi une solution rapide tels les mauritaniens n’ayant jamais été recensés, ceux ayant perdu leurs documents requis, les déportés ayant été rapatriés et ceux qui ne le sont pas encore, ceux n’ayant jamais eu de carte d’identité et tant d’autres catégories. Ils sont estimés entre 15% et 25% des citoyens répartis dans toutes les communautés nationales et dans l’ensemble du pays. Par ailleurs, la non implication des autorités locales (mairies) traditionnellement et planétairement compétentes pour tous les actes d’état civil réduit considérablement la qualité de la prestation et augmente les risques d’exclusion et de discrimination latente en cette période d’instabilité de l’unité nationale. L’Agence de l’état civil et la loi dont elle se réfère a subi de nombreuses critiques tant au niveau du parlement que des médias. Les réserves émises relatives à sa création, à sa composition et à sa qualification doivent la pousser à plus de vigilance et de contrôle interne de ses organes et de ses agents qui manifestement pour certains méconnaissent la nature de leur mission mettant ainsi an danger la fragile cohésion nationale et l’unité nationale à reconstruire.

EHOT

Source: Le rénovateur quotidien

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page