La brillante – et très documentée – intervention, la semaine dernière, du député RFD, Yacoub Ould Moyne, à l’Assemblée nationale, sur la situation de la SONIMEX, éclaire, d’un jour nouveau, les problèmes de cette entreprise publique,
placée sous les feux de la rampe, depuis l’arrestation, il y a quelques mois, de son directeur général de 2005 à 2008, Moulaye El Arbi Ould Moulaye M’hamed. Même si l’intervention du député n’a révélé qu’un… secret de Polichinelle. La SONIMEX était dans un trou noir, bien avant l’arrivée de Moulaye El Arbi, et elle y a replongé, juste après son départ. Jugez-en vous-même: au 26 octobre 2008, date de son éviction – pour raisons personnelles n’ayant rien à voir ni avec la gestion ni avec la compétence – la société tenait l’équivalent de 9 milliards d’ouguiyas, en stock et, en liquide, un milliard quatre cents millions d’ouguiyas, dans son compte, au Trésor public, qui devaient servir à éponger une partie de la dette de 48 millions de dollars que la Banque Centrale lui avait consentie. Dix mois après la passation de service avec le nouveau directeur, le stock s’est volatilisé, la BCM n’a pas été payée et le compte de la SONIMEX, au Trésor public, n’était plus créditeur que de… quatre millions d’ouguiyas. Comment en est-on arrivé à cette situation de quasi-faillite en un temps aussi record? Ould Moyne apporte la solution, marchés tordus et chiffres à l’appui: le stock a été bradé, en deçà des prix des marchés, et l’argent a servi à acheter un nouveau stock qui a pris le même chemin. Voilà qui est clair. Et, au lieu de poursuivre les vrais auteurs de cette méthodique opération de sape, l’Etat s’est retourné contre le maillon faible, celui sans lequel la SONIMEX aurait mis la clé sous la porte: Moulaye El Arbi. Parce qu’il a refusé d’arroser la parentèle de tel ou tel, d’accorder des avantages indus ou, tout simplement, parce qu’il n’a pas un général derrière lui. La Mauritanie nouvelle, c’est un peu l’Algérie des généraux. Toutes proportions gardées.
Il est, donc, inutile de se voiler la face et de chercher, ailleurs, ce qu’on a sous la main. Ceux qui ont pillé la SONIMEX sont là, affichant, ostensiblement, leur fortune mal acquise. Au lieu de tenter de transformer des innocents en victimes expiatoires et de nous tourner en dérision, qu’on nous dise pourquoi les vrais coupables sont intouchables, s’ils sont protégés et par qui. S’ils ont détourné pour eux ou au profit d’autres. S’ils n’ont fait qu’obéir aux ordres. En bref, quel chemin tortueux a pris l’argent?
Il est inconcevable qu’on continue à nous rabâcher les oreilles avec la lutte contre la gabegie alors que des cas, flagrants, de détournement de deniers publics sont dénoncés, quotidiennement, sans que cela donne lieu à la moindre réaction des pouvoirs publics. Dans une démocratie normale, où les pouvoirs sont réellement indépendants, un juge aurait pu s’autosaisir de ce dossier, pour voir s’il y avait lieu d’engager ou non des poursuites. Mais, en Mauritanie, notre général-président n’en fait qu’à sa tête. Il emprisonne, juge et libère, selon son bon désir. L’opposition peut toujours crier, si ça lui chante. Rien ne le départira de sa conviction que l’administration, la justice, la source du Droit, bref le pays, c’est lui. Nous autres n’avons plus que nos yeux pour pleurer. Quel pays !
Ahmed ould Cheikh
Source : lecalame.info le 31/05/2011