Le gouvernement mauritanien a pris de nouvelles mesures pour mieux faire appliquer son ancienne législation anti-exploitation.
La loi mauritanienne modifiée garantissant les droits des petites bonnes et des employés domestiques entrera en vigueur à la fin du mois. La semaine dernière, le conseil des ministres a organisé des consultations sur la manière d’améliorer la législation actuelle à laquelle, selon les militants, manquent un certain nombre d’éléments importants.
« Ce nouveau décret assure, dans des conditions satisfaisantes, tous les droits des servantes et des petites bonnes, tels que définis par les conditions générales du travail domestique », a souligné Maty Mint Hamadi, ministre du Service public.
Le communiqué « publié par le gouvernement mauritanien sur cette loi fournit des informations sur les dispositions régissant le travail domestique qui datent de 1953, et sur la nécessité de revoir ces dispositions de manière à les améliorer et à les adapter aux conditions sociales et réglementaires dans le domaine de l’emploi », a déclaré le ministre.
Cette initiative vient en réponse aux critiques de plus en plus fortes de la part des organisations internationales de défense des droits de l’Homme, qui ont fait part de leurs préoccupations après les récentes affaires d’exploitation de mineures en Mauritanie. Selon ces organisations, ces affaires sont équivalentes à de l’esclavage déguisé.
La Mauritanie souffre d’une inefficacité « dans l’application des lois, non dans leur adoption », selon le militant des droits de l’Homme Biram Ould Dah.
« L’adoption des lois ne signifie rien », a ajouté Ould Dah. « Tant que le gouvernement mauritanien manquera à faire appliquer les lois anti-esclavagistes, à se jouer des victimes et à aider les auteurs à échapper à leur punition, ces lois resteront sans effet. »
Pour sa part, l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a exprimé son « soulagement de voir les personnes ayant longtemps souffert du joug de l’exploitation, de l’injustice et du manque de salaire, disposer enfin d’un instrument légal pour assurer la justice et le respect qui leur est dû, dans un environnement fragile caractérisé par la loi de la jungle ».
« Malgré son importance, ce décret n’aurait peut-être jamais vu le jour sans notre combat incessant, qui s’est attaché pour l’essentiel à lutter contre l’esclavage lié à la descendance, l’historique de naissance, les privilèges de race, l’exclusion et la marginalisation », a ajouté l’IRA. « Nous nous félicitons des efforts concertés de toutes les organisations et agences internationales, ainsi que des missions diplomatiques du monde libre. »
Bien que les militants saluent cette initiative, ils affirment également qu’elle n’est « pas suffisante pour mettre en place les valeurs de justice, d’égalité et d’équité qui sont nécessaires pour poser les fondements de la règle de la loi et de la paix civile ».
« Il s’agit certes d’une mesure importante en termes d’attention accordée aux problèmes d’une catégorie de personnes qui ont souffert de nombreuses injustices, notamment les jeunes filles âgées de moins de 18 ans », a expliqué Mint Abdellahi, coordinatrice du Projet pour la protection des mineures domestiques (PFMD). « Elles se voyaient toujours payer des salaires très faibles au prétexte qu’elles étaient jeunes et incapables de travailler beaucoup dans la maison. Elles étaient également souvent renvoyées sans raison. »
Elle ajoute qu’il était « nécessaire d’engager les acteurs de la société civile à contribuer à une vision plus complète, qui serve véritablement les intérêts d’une catégorie déjà fragile de la société ».
Cette initiative a été chaleureusement accueillie par les personnes affectées par ces pratiques.
« Cette loi est très importante, parce qu’elle me permettra de travailler sur la base d’un contrat de travail écrit précisant la nature de mon travail », a déclaré Aicha Mint Mbarek, une servante. « Auparavant, l’employeur et moi devions conclure un accord mutuel, mais de nombreuses violations étaient commises à notre encontre. »
« Nous devions souvent subir de fortes humiliations dans les maisons où nous travaillions, par crainte d’être renvoyées à tout moment », explique sa collègue Salka Mint Mahmoud. « Les employeurs nous renvoyaient souvent lorsqu’ils trouvaient d’autres bonnes prêtes à accepter des salaires plus bas, notamment celles venant de pays africains voisins très pauvres, comme le Sénégal. »
Jemal Oumar
Source : Magharebia le 20/05/2011