Collectif de professeurs à l’Université : déclaration sur les événements survenus à l’Université

Depuis deux jours, ce qui ne devait être qu’une compétition électorale pacifique, en vue du renouvellement des instances syndicales estudiantines, a revêtu les allures de confrontations interethniques violentes.

 

 

Le campus universitaire de Nouakchott s’est transformé en un champ de bataille où s’affrontent étudiants Arabes et Négro-africains.

 

Pareils affrontements ne sont pas nouveaux. Ils ont émaillé l’histoire récente de notre pays (1966, 1979, 1989) et ont failli, à certains moments, le faire sombrer corps et âme.

 

Les événements de ces derniers jours ne sont pas seulement regrettables ;  ils sont inquiétants à plus d’un titre. En tout premier lieu parce qu’ils ont pour cadre et pour prétexte, l’université, dont les fonctions fondamentales sont d’être un espace de formation intellectuelle et scientifique ; un forum de dialogue et d’échange culturels ; un creuset de l’unité de la nation.

 

Que l’université, au lieu d’être l’aire d’envol d’idées et de pratiques généreuses de dialogue intellectuel, de démocratie et de progrès, ne soit plus que le champ clos de confrontations identitaires est navrant et paralysant.

 

Que les étudiants d’aujourd’hui, qui seront les leaders de demain, plutôt que de frayer des voies nouvelles, aptes à faire émerger une Mauritanie de justice et de paix, s’embourbent dans les chemins battus de l’intolérance, de la haine et de la violence est tragique.

 

Que les uns et les autres nous restions encore entravés par nos identités particulières et nos instincts grégaires, et soyons incapables de forger une identité nouvelle, riche de notre diversité, de fonder des solidarités plus larges et dynamiques, s’abreuvant à des rêves et à des projets partagés, est mortel.

 

Cela ne signifie nullement que nous n’avons pas de problèmes « entre nous » ni que nous soyons pessimistes face à leur ampleur. Au contraire, c’est parce que les problèmes entre nous sont sérieux qu’ils ne se résoudront pas par la confrontation entre un « eux » et un « nous » dressés en deux camps ennemis. La crise qui se révèle à travers les affrontements entre étudiants « Maures » et « Noirs » est multidimensionnelle, complexe.

 

Elle relève de notre responsabilité commune. Sa compréhension et sa solution éventuelle requièrent lucidité et courage, ferme volonté et largesse d’esprit. Il y va de notre avenir, de l’avenir de nos enfants, de celui de la nation. Il nous appartient, et à nous seuls, de construire notre destin, et de ne point laisser, une fois de plus,  l’histoire décider pour nous, sans nous et peut être contre nous.

 

Face à cette grave situation, et aux sombres perspectives qui se profilent, nous, professeurs à l’université de Nouakchott, lançons un appel à la vigilance et à la mobilisation de tous ; étudiants, membres du corps professoral, partis politiques et syndicats, organisations de la société civile, citoyens et citoyennes de bonne volonté, afin que plus jamais le peuple mauritanien ne revive l’amère expérience des années 89-90.

 

Il est plus que temps de substituer aux pratiques de l’invective, des confrontations sanglantes et de l’exclusion les valeurs de la diversité culturelle, du respect de l’autre, de la solidarité humaine. Á l’heure où, dans le monde arabe et ailleurs, résonnent la musique d’un nouveau printemps des peuples, nos luttes fratricides sont, au mieux, des batailles mesquines, à contre-courant de l’histoire, au pire, un combat suicidaire.

 

Il nous appartient à tous, individuellement et collectivement, d’œuvrer à un sursaut national, celui de la vraie renaissance d’une unité nationale véritablement soudée, fondée sur l’égalité des chances et le respect des droits de la personne humaine,

 

Aucune société, aucune civilisation ne peut s’épanouir en dehors du droit, de l’équité, de la justice et de la liberté. La Mauritanie ne sera un pays démocratique, que le jour où nous ferons une place de choix au droit, aux valeurs de dignité, d’amour, de justice et de tolérance.

 

Collectif de professeurs à l’Université

Fait à Nouakchott le 22. 04.2011

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