LIBYE: Fuir la violence qui règne à Ajdabiya

Photo: Kate Thomas/IRINBENGHAZI, 21 avril 2011 (IRIN) – À 120 kilomètres au sud de Benghazi, la ville d’Ajdabiya, l’une des zones urbaines les plus proches de la ligne de front où combattent les rebelles et les forces du gouvernement, est devenue une ville fantôme depuis que ses habitants ont fui en masse, ont indiqué des témoins.

 

« Je me suis rendu compte qu’Ajdabiya n’était pas sécuritaire quand des missiles ont commencé à être tirés depuis plusieurs endroits différents », a dit Omar El Zourganei, un enseignant de sciences de 55 ans qui est né à Ajdabiya.

M. Zourganei a quitté la ville il y a trois semaines pour se réfugier à Jalu, une ville située dans le sud du pays et à proximité du plateau désertique de Hamada et de petites dunes de sable. « Jalu me semblait sécuritaire : nous avons donc conduit jusque là-bas avec ma femme et mes enfants », a-t-il dit à IRIN. « Comme nous ne connaissions personne, nous avons frappé à la porte d’une maison et la famille qui l’occupait a accepté de nous héberger ».

Jalu est bientôt devenue surpeuplée avec l’arrivée de plus de 1 000 habitants d’Ajdabiya cherchant un endroit où dormir.

« À ce moment là, les tirs d’artillerie ont commencé à Jalu, et nous avons choisi de retourner à Ajdabiya », a-t-il dit. « Une semaine plus tard, les bombardements sont devenus plus intenses et nous avons décidé de partir pour Benghazi. Mais ça n’a pas été facile. J’ai quatre fils qui se battent au front et je suis inquiet pour eux ».

D’après M. Zourganei, certaines personnes commencent à rentrer à Ajdabiya. « Personnellement, je veux être certain à 100 pour cent que la ville est sécuritaire pour mes plus jeunes enfants et mes petits-enfants avant d’y retourner », a-t-il ajouté depuis la maison d’un proche à Benghazi. « La situation est instable et peut changer à tout instant ».

« Mes amis, mes collègues et mes voisins sont maintenant dispersés dans toute la Libye libérée. D’une certaine façon pourtant, nous sommes plus proches maintenant que nous l’avons été auparavant. La lutte pour la liberté nous a rapprochés ».
Organisations caritatives locales

Le personnel bénévole des organisations caritatives qui ont vu le jour au cours des dernières semaines à Benghazi tente de répondre aux besoins des personnes déplacées originaires d’Ajdabiya et de Misrata. AbdiRahman Qwadir, l’un des membres fondateurs de l’organisme de charité Attaa (« Don »), basé à Benghazi et affilié au Croissant-Rouge libyen, travaillait auparavant comme enseignant.

« Quand le conflit a commencé à dégénérer, quelques-uns d’entre nous se sont rendus sur la route d’Ajdabiya pour offrir de l’eau et de la nourriture aux personnes déplacées qui arrivaient à Benghazi », a-t-il dit.

« Nous avons éventuellement décidé qu’il était tout à fait justifié de créer une organisation », a-t-il ajouté. « Nous recevons environ 1 000 dollars par jour dans notre boîte de collecte, et cela nous permet d’acheter des articles et des médicaments pour ceux qui ont tout laissé derrière eux. Nous offrons également des conseils et plaçons une équipe de professionnels – médecins, avocats, enseignants – à la disposition des gens afin de fournir une aide spécialisée en fonction de la situation. Les réactions sont très positives ».

La veille, un homme est venu proposer sa voiture pour aider à transporter des vivres. « Les gens se montrent généralement très reconnaissants, même si certains disent qu’ils ont l’impression qu’ils ne devraient pas avoir à accepter la charité », a indiqué M. Qwadir.

Aux abords de Benghazi, à quelques kilomètres de la route qui mène vers l’ouest, des familles déplacées d’Ajdabiya sont hébergées dans un ancien camp de construction.

Le site est géré par l’Association du 17 février, l’une des premières associations bénévoles créées à Benghazi à la suite de la révolution. Au total, 55 familles d’Ajdabiya vivent sur le site et dorment dans des habitations mobiles sur des matelas donnés et dans des lits superposés.
« Nous leur fournissons des vivres, des médicaments, des couvertures et des lits et nous assurons la coordination avec d’autres organisations non gouvernementales (ONG) qui répondent aux besoins chirurgicaux des personnes déplacées », a dit Nasser Busneneh, qui dirige l’association.


Photo: Kate Thomas/IRIN
Des personnes déplacées originaires de Misrata attendent de débarquer à Benghazi

« Nous commençons également à offrir des services de psychiatrie et de conseil », a ajouté M. Busneneh. « Les Libyens n’ont cependant pas l’habitude de rechercher ce genre d’aide ; certaines femmes qui ont été agressées sexuellement se montrent réticentes à parler de ce qu’elles ont vécu. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers des professionnels internationaux ».

Le financement provient du Conseil national de transition intérimaire, basé à Benghazi, et de plus petites organisations des quatre coins du globe. Des fournitures médicales ont été données par un groupe de médecins britanniques et par des groupes de bénévoles du Caire.

M. Busneneh a dit que le camp était d’abord géré par des bénévoles. « Lorsqu’il est devenu plus difficile de gérer le site, j’ai demandé à ma femme et à mes sœurs de venir nous donner un coup de main », a-t-il dit. « Elles ont accepté, et d’autres bénévoles ont commencé à amener les femmes de leur famille ».

« L’atmosphère a changé du jour au lendemain. Au début, les familles étaient si traumatisées qu’elles se montraient réticentes à parler aux bénévoles masculins. Lorsque les femmes sont arrivées, la morale s’est améliorée et les familles ont commencé à se sentir plus à l’aise », a-t-il ajouté.

Présence de blessés

Parmi ceux qui sont arrivés sur le site, certains étaient blessés, et deux patients ont subi une opération chirurgicale à l’hôpital Al Hawari de Benghazi depuis. Une semaine après son arrivée depuis Ajdabiya, Asma, 27 ans, a donné naissance à son premier enfant, Taheri, dans ce même hôpital.

« Je pensais que j’allais devoir accoucher à l’hôpital d’Ajdabiya », a dit Asma. « Ça n’aurait pas été facile. Les médecins là-bas étaient débordés de travail avec tous les blessés qui arrivaient. J’ai eu de la chance d’avoir mon enfant à Benghazi ».

Bulkasim, un électricien d’Ajdabiya, est arrivé avec sa famille la semaine dernière.

« Nous avons quitté Ajdabiya quand les tirs d’artillerie sont devenus vraiment intenses », a-t-il dit. « Je ne me doutais pas que ça se passerait comme ça. Nous avons d’abord fui dans le désert, où nous avons dormi à la belle étoile et où nous avons dû extraire notre eau des puits que nous trouvions. Les enfants ont attrapé des petits rhumes, mais ils s’en sont bien sortis. Nous sommes restés là pendant un mois.

« Puis, mon cousin m’a dit qu’il y avait un endroit sûr à Benghazi », a-t-il expliqué. « À notre arrivée, nous avons retrouvé de nombreux membres de notre famille. J’étais stupéfait. Je me disais que certains d’entre eux avaient peut-être été blessés ou tués, mais nous nous sommes tous retrouvés au même endroit par pur hasard ».

Selon des travailleurs humanitaires, les tirs d’artillerie se poursuivent à Ajdabiya, et les habitants ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour y retourner.

Des médecins libyens basés à Ajdabiya ont dit à IRIN que l’hôpital principal était le seul endroit où régnait une certaine activité dans l’ensemble de la ville. L’hôpital dispose de vastes stocks de fournitures médicales, même si les seuls patients qui s’y présentent ces jours-ci sont des combattants rebelles qui ont été blessés au front.

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