Pourquoi Mohamed Lemine Ould Dadde reste en prison

Ecroué à titre préventif depuis six mois pour un détournement présumé de 279 millions d’ouguiyas (soit environ 1 million de dollars), Mohamed Lemine Ould Dadde, ex-commissaire mauritanien aux Droits de l’homme, à l’Action humanitaire, chargé des Relations avec la société civile, a vu la validité de son mandat de détention prorogée pour une période égale.

 

Cet épisode consacre le rejet d’une demande récente de remise en liberté provisoire introduite par les avocats du détenu, parmi lesquels notamment maître Brahim Ould Ebetty, vieux routier du barreau de Nouakchott et militants des droits de l’homme. Ce cadre, par ailleurs ancien président de Conscience et Résistance (CR), célèbre organisation de la diaspora connue pour son opposition farouche au régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya (1984-2005), est entré dans les bonnes grâces des autorités de Nouakchott en soutenant le mouvement de « rectification » du général Mohamed Ould Abdel Aziz. En fait, il s’agit là d’un euphémisme qui désigne le coup d’Etat du 6 août 2008 qui a renversé le régime du président Sidi Mohamed Ould cheikh Abdallahi,

 

La bataille des chiffres

Cette affaire soulève actuellement une grande controverse du fait de l’existence de deux autres rapports : un établi par la Cour des comptes, et un autre par la police chargée des investigations en matière de détournement de deniers publics, agissant sur la base d’une commission rogatoire expresse du juge d’instruction.

La Cour des comptes relève des montants cumulés pour un trou global de 161 millions d’ouguiyas (environ 600 000 dollars), alors que la brigade financière constate un montant présumé de 149 millions d’ouguiyas (un peu plus de 500 000 dollars) de détournement.

Les proches de l’ancien commissaire s’engouffrent dans la brèche que représente la variation des chiffres du montant détourné pour dénoncer « le caractère politique » de l’affaire.

Ils tempêtent également contre le refus de lui accorder la liberté provisoire, motivé par « un risque de fuite », soutenant que Mohamed Lemine Ould Dadde présente « toutes les garanties » de représentation,

 

La famille souligne également le fait que, dans une procédure de détournement de fonds dont le décaissement suit les règles contraignantes de décaissement des fonds publics, avec des présomptions de surfacturation, l’ancien président de CR est le seul responsable arrêté, jouant à la fois le rôle « d’administrateur de crédit, d’ordonnateur du budget, de comptable, de fournisseur, d’intermédiaire », sans co-auteur ni complice. D’autant que, dans le rapport de laCour des comptes, Mohamed Lemine Dadde relève certaines dépenses « antérieures » à son entrée en fonctions.

 

Tribunaux ordinaires

Au départ, cette affaire a été à l’origine d’une grosse polémique entre l’accusation et la défense.

Considérant que le commissaire aux Droits de l’homme, à l’Action humanitaire, chargé des Relations avec la société civile a rang de ministre, la défense soutenait un privilège de juridiction sur la base duquel « la compétence des poursuites » relève de la Haute Cour de Justice (HCJ), qui juge les délits et crimes commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Une thèse rejetée à l’époque par le procureur de la République de Nouakchott, qui brandit le décret de nomination de l’équipe gouvernementale pour montrer que Mohamed Lemine Ould Dadde n’en était pas membre et ne peut donc bénéficier d’un privilège de juridiction. Une manière de dire que son cas relève des tribunaux ordinaires,

 

La suite du feuilleton est marquée par le refus du commissaire de répondre aux questions des limiers de la police financière dans le cadre de l’enquête préliminaire devant le parquet et le juge d’instruction. Cependant, aujourd’hui, la défense semble avoir adopté une nouvelle stratégie visant à éviter toute nouvelle forme de polémique.

Ainsi, invité par Les Afriques à commenter l’évolution du dossier de l’ancien commissaire à la lumière des derniers événements (différents rapports des institutions de contrôle des finances publiques, rejet de la demande de liberté provisoire et prolongation de la détention préventive pour une période de six mois), Maître Brahim Ould Ebetty a préféré garder le silence sur la phase, actuelle de la procédure, réservant ses déclarations pour la semaine prochaine,

Amadou Seck, Nouakchott

Source  :  Les Afriques N° 157 du 14 au 20 Avril 2011

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