Dans l’entretien suivant accordé à notre confrère Sevir, le directeur général de l’Agence nationale pour l’Appui et l’Insertion des Réfugiés (ANAIR) lève le coin du voile de plusieurs aspects se rapportant à cette structure spécialisée,
notamment en termes de bilans obtenus et d’engagements honorés sur les promesses ayant présidé au départ à la mise en place de l’ANAIR.
Question : Que représente pour vous le chiffre de 20 000 réfugiés revenus au pays ?
Ba Madine : Il s’agit tout d’abord de 20 484 personnes. C’est une réponse concrète aux vieilles revendications des réfugiés, à savoir « un retour organisé, sous l’égide du HCR » . Ce chiffre correspond à 85,35 % des personnes qui s’étaient recensées en 2007, pour un retour ; c’est donc un résultat satisfaisant pour l’Etat mauritanien et l’ensemble de ses partenaires.
Question : C’est un respect des dispositions de l’Accord tripartite signé entre le Gouvernement sénégalais, le HCR et le Gouvernement mauritanien. Question : Il y a malgré tout des Mauritaniens qui sont restés au Sénégal et qui ont refusé le retour organisé. Cela ne fait pas une fausse note dans le tableau ?
BM: Au contraire, c’est la preuve que les autorités ont pour souci le respect des choix et droits humains : ceux qui ne veulent pas rentrer sont libres de rester au Sénégal ou de s’installer ailleurs. En outre, les autorités de ce pays frère ont décidé de leur accorder la nationalité, s’ils le désirent. Il faut en outre préciser que le rapatriement est volontaire.
Question : Pensez-vous que votre agence a tenu ses engagements pour ceux qui sont revenus ? Si tel est le cas, citez nous quelques unes de vos réalisations et évoquez avec nous les perspectives d’avenir.
BM:L’ANAIR a rempli l’essentiel des engagements qu’on lui avait assignés : l’accueil des rapatriés, leur installation dans les sites qu’ils ont eux-mêmes choisis et l’assistance pour le début de leur insertion économique et sociale. A cet effet, il faut préciser que toutes les actions ont été entreprises en collaboration étroite avec les structures compétentes de l’Etat et les partenaires au développement. En effet, on peut constater aujourd’hui, en empruntant les routes nationales sur le bord desquelles se trouvent certains sites de rapatriés, que ces agglomérations ne se distinguent plus de celles qui les entourent, sauf par de nouvelles et imposantes infrastructures (forages, écoles, mosquées, etc.). Dans tous ces sites, on trouve non seulement de l’eau potable, des boutiques communautaires, mais aussi des activités agro-pastorales. Ainsi, l’ANAIR a réalisé, entre autres :
-l’octroi de 6 949 vaches laitières suitées à chacune des familles rapatriées, selon sa taille ;
-90 boutiques communautaires, avec 10 dépôts de pharmacie vétérinaires ;
-83 moulins à grains et 12 décortiqueuses ;
-28 pirogues pour la pêche continentales ;
-des opérations de teinture, d’aviculture et d’embouche ;
-6 forages, 10 raccordements aux réseaux d’eau urbains, 9 puits et le traitement des eaux du fleuve pour 5 villages ;
-129 charrettes équipées ;
-la construction de 57 salles de classe de 54 mosquées et de 57 hangars communautaires ;
-le recrutement de 84 enseignants et de 17 surveillants, pour l’année scolaire 2010 – 2011 ; ces derniers sont choisis parmi les rapatriés ;
– la construction et l’équipement de 6 marchés communautaires, en partenariat avec le PNUD,
-l’aménagement et la mise en valeur hydro-agricole de 116,6 ha ;
-l’aménagement de 2 250 ha de réserve pastorale et de 1 120 ha pour la culture sèche, ainsi que de 24 parcs de vaccination.
Cette énumération, non exhaustive, ne tient pas compte des nombreuses et variées infrastructures réalisées par le HCR et d’autres partenaires. Il importe de saluer l’efficacité et la pertinence des actions réalisées, à nos côtés, au profit des rapatriés, par le HCR et différents autres intervenants, mobilisés par ses soins. Pour l’avenir, l’ANAIR envisage de renforcer son programme d’insertion durable ; notamment dans le domaine de l’agriculture irriguée ; mais aussi dans celui des activités génératrices de revenus.
Question : L’insertion des Mauritaniens revenus au pays a connu quelques difficultés dont le problème des terres. Cette question a-t-elle été définitivement résolue.
BM : Je dois tout d’abord préciser que cette question n’entre pas dans le champ de compétence de l’ANAIR ; Il s’agit d’une question qui relève de la compétence régalienne de l’Etat. Les services compétents de l’Etat, en charge de ces questions, s’emploient, avec détermination, à leur trouver des solutions appropriées et durables. Certes l’ANAIR a permis le règlement de certains contentieux, avec l’assistance soutenue de l’administration territoriale. Il est vrai que d’autres contentieux existent. Mais, notre philosophie est d’intervenir par la mise en œuvre d’aménagements dans les lieux où il n’existe pas de contentieux, en faveur des populations rapatriées et d’accueil ensemble. En cas de contentieux, nous nous proposons toujours en facilitateurs, pour compenser ou dédommager la partie qui accepte de se désister.
Question : Quel est l’avenir de l’ANAIR puisque sa mission se résume essentiellement à la question des réfugiés ? Réponse :
BM : Après Allah, seules les Autorités supérieures de l’Etat peuvent définir l’avenir de l’ANAIR, après ces quelques années d’existence. Il faut tout de même préciser que l’intégration des populations absentes du pays depuis 20 ans, ne se réalisera pas en si peu de temps. En outre, un des objectifs de l’ANAIR consiste à saisir l’occasion de ce retour des réfugiés pour contribuer au développement économique et social des zones de retour, qui renferment des potentialités considérables, notamment en matière agro-pastorale.
Source : Essevir-Mauritanie via Le Rénovateur le 11/04/2011