Attendu depuis l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, marquée par la déroute de l’opposition et la contestation des résultats pour «fraude et manipulations», le dialogue politique inclusif, en Mauritanie, reste toujours dans le domaine du virtuel.
Une affaire qui tarde à sortir des limbes, malgré les bonnes dispositions, théoriques, exprimées par les acteurs, à la fois du côté du pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz et de celui du collectif formant la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD). Chaque éclaircie suscitant un nouvel espoir est suivie d’une longue mise au frigo de la bonne idée, jusqu’à sa prochaine agitation. Ainsi, n’est-on jamais allé au-delà d’un simple projet, sinon, d’un vœu pieux. Les dernières séquences du feuilleton dont les différents épisodes renvoient à des chausse- trappes et pièges interminables, peuvent être illustrés par les déclarations les plus récentes de certains acteurs des camps de la majorité et de l’opposition.
Mais il en faut plus, apparemment, pour émouvoir un processus suspicieux, et, sans être totalement écartée, la perspective de dialogue demeure, encore, à l’état d’hypothèse, au vu des derniers développements de l’actualité politique. Car, du côté de l’opposition, on doute des bonnes intentions du pouvoir et réclame un dialogue «sérieux» et non «de circonstance». Loin des rumeurs difficilement vérifiables, faisant état de la formation, prochaine, d’un gouvernement de large ouverture (auprès de qui?), la réalité confine la démarche d’Ould Abdel Aziz à mandater le Premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, pour nouer un dialogue avec l’opposition. Ce qui entretient, naturellement, quelques interrogations, sur l’étendue de la marge de manœuvres, consentie au PM, pour conduire une affaire aussi sérieuse… Difficile de dire, pour l’heure.
Le oui méfiant de la COD
Face à ce dialogue virtuel, la COD estime que la définition du contenu – les termes de références – doit se discuter avec le pouvoir et plus haut niveau, le président de la République, donc. Pour la suite, c’est-à-dire les modalités pratiques et les détails, Mohamed Ould Abdel Aziz pourrait, alors, éventuellement déléguer un représentant, préconise Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des Forces de Progrès (UFP). Mesurant les chances d’arriver à un résultat positif, sur le long et difficile chemin menant au dialogue, Mohamed Ould Maouloud parle de la demande de report des élections sénatoriales du 24 avril prochain, formulée par la COD comme un test, probant, des bonnes dispositions du pouvoir par rapport à la concertation et au consensus.
Cette demande est motivée par «un contexte national qui ne remplit pas les conditions de nature à garantir la régularité et la transparence de ce scrutin, avec une administration marquée par la partialité, l’achat des consciences et de nombreuses autres irrégularités». Du côté du collectif de l’opposition, on soutient, de fait, que les choses n’ont guère changé, depuis les dernières élections sénatoriales, ajoutant qu’un éventuel report des partielles 2011 «n’affecterait, en rien, le fonctionnement des institutions de la République», rappelant qu’au cours des dernières années, une échéance de renouvellement partiel de la chambre haute du Parlement a, déjà, été décalée, sur décision du gouvernement, sans conséquences négatives.
La grande figure de l’opposition historique pose, également, la question de la gestion de l’état-civil, pour protester, vivement, contre la démarche actuelle du pouvoir: une «entreprise, systématique, de destruction d’un levier vital, pour la Nation, à des fins de manipulation électorale». Il fait, ainsi, remarquer que l’unique structure nationale chargée de gérer, désormais, l’état-civil est fortement sa centralisée et «la seule référence de l’homme qui la dirige est d’être l’ami du président de la République». Les principaux chefs militaires et sécuritaires du pays, qui n’ont pas, forcément, une compétence particulière en la matière, sont membres du conseil d’administration de cette agence, alors que les maires des communes, pourtant officiers d’état-civil, en sont écartés, pour le moment. Et, pourtant, la nouvelle loi sur l’état-civil constitue une réelle avancée, en ce sens qu’elle admet, désormais, le principe de la double nationalité. Mais tout se trouve dans la bonne utilisation des outils juridiques…
Toujours du côté de l’UFP, le député Moustapha Ould Bedredine qui s’exprimait, vendredi dernier, au cours d’un meeting, joue une partition tendant à crisper un pouvoir «qui fait face à cinq fronts» de nature à causer sa perte, «dans le cas où il persisterait, dans son refus de se plier aux doléances des populations». Et de citer les revendications des syndicats, celle des jeunes, de l’opposition, des habitants de Fassala Nere et d’Al Ghaira, en plus du tsunami des révoltes dans le monde arabe.
Tous les problèmes nationaux sur la table
Consulté, récemment, au sujet du dialogue national, par le Premier ministre, le président du Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD-Tawassoul-mouvance islamiste modérée), Mohamed Jemmil Ould Mansour, a réclamé un dialogue impliquant toutes les forces politiques, portant sur tous les problèmes nationaux. Entre autres questions, les Mauritaniens auraient, notamment, à débattre, dans le cadre d’un large forum: du système politique, de la présence de l’armée dans le jeu politique, de l’unité nationale, de l’esclavage, etc.
Ce parti qui symbolise la présence islamiste dans le jeu politique mauritanien discuterait, indifféremment, avec le président de la République ou tout responsable que ce dernier délèguerait à cet effet. Ce qui montre qu’entre la COD et Tawassoul, on est, à peu près, sur la même longueur d’ondes, pour les questions de fond, qu’il faut résoudre dans le dialogue national inclusif. On note, juste, de petites variations, au niveau de l’approche. Quant aux intentions réelles du pouvoir, les observateurs avisés n’ont pas manqué de remarquer que la proposition de dialogue du Premier ministre, lors de la rencontre avec le président du RNRD, mettait un accent, particulier, sur les questions électorales. Conjoncture, quand tu nous tiens… En attendant la mise en chantier de toutes ces louables intentions, la génération «Facebook» tente de secouer le temple, par des manifestations régulières, depuis un mois.
Amadou Seck
Le Calame