A combien s’évaluera l’impact de la crise libyenne sur la Mauritanie? Quelles incidences économiques et sécuritaires pour le pays? Les plus optimistes parlent d’importants dommages «collatéraux».
Entre les promesses officielles de financement du régime chancelant de Mouammar Ghaddafi, le retour par milliers de nos compatriotes établis en Libye et les risques avérés d’armement des terroristes dans la sous-région, les dommages «collatéraux» de l’intervention occidentale en Libye se révèlent lourd de conséquences pour toute la région sahélienne et plus singulièrement pour notre pays. Comment le gouvernement saura-t-il faire face à ce qui semble être une réalité incontournable?
Le gouvernement mauritanien et celui de la Libye entretenaient d’importants accords de coopération bilatérale. Une coopération économique qui ressent automatiquement le contrepoids de la guerre ouverte contre le régime de Ghaddafi, inaugurée par la France, suivie par l’armada de l’Otan, sous le couvert de la protection des populations civiles de Benghazi. En dépit des frappes dites ciblés, il est bien évident qu’il n’y a jamais eu une guerre propre. Celle de la Libye ne déroge pas à la règle malgré les assurances données par les forces de frappe coalisées. Même si cela peut sembler immoral à l’heure où des vies humaines, civiles notamment, sont sacrifiées à l’autel de l’une ou l’autre des thèses protagonistes, la Mauritanie, à l’instar de beaucoup de pays africains et arabes, a déjà enregistré les impacts sociaux économiques et même politiques de cette guerre.
Les promesses de la table-ronde de facto remises en cause !
500 millions de dollars américains. C’est l’enveloppe que le gouvernement libyen, par le biais de Absalam Triki, avait annoncé comme contribution officielle de son pays aux sollicitations de financements du gouvernement mauritanien, lors de la tenue de la Table-ronde des bailleurs de fonds de la Mauritanie, tenue à Bruxelles du 21 au 23 juillet 2010. Il faut ici saluer l’empreinte de l’ancienne ministre des affaires étrangères Mme Naha Mint Mouknass qui avait permis au gouvernement d’entrer dans les largesses libyennes. Cependant la nonchalance avec laquelle le département des affaires économiques a géré ce dossier de mobilisation des financements, doublé de la perte de l’apport de la Libye qui constituait une grande part de toutes les promesses faites par les bailleurs de fonds arabes s’évaluant à plus d’un milliard 500 millions Usd, notre pays continue de patauger dans l’incertitude de pouvoir jouir de toutes les promesses faites. Il faut aussi espérer que les monarchies du Golfe traversées dont certaines sont traversées par les troubles sociaux qui implosent aujourd’hui la Libye avec l’aide de la Coalition occidentale, ne relègue au second plan la solidarité vis-à-vis de notre pays. L’ardoise mauritanienne n’en sera que plus affectée! A ces incertitudes, il faut aussi ajouter l’arrivée massive de nos compatriotes de retour de Libye, en sus de la remise en cause de financements libyens directs quantifiables en centaines de millions Usd, lors de la tenue de la dernière grande commission mixte de coopération, tenue en février 2010 à Nouakchott (transport aérien, agriculture, pêche, infrastructures de 500 logements sociaux…). Tout cela n’est plus qu’un vœu pieux avec l’apparence de destruction totale de la Libye elle-même.
Missiles pour Aqmi
La grave crise qui secoue la Libye depuis plusieurs semaines a également un impact sécuritaire incommensurable pour toute la sous-région sahélienne et notamment ces zones de prédilection entre l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Des informations rapportées par nos confrères de l’Afp confortent l’armement de Aqmi par l’arsenal libyen tombé depuis les premiers jours entre les mains des insurgés à Benghazi. Même si l’Occident continue de fermer l’œil sur cette autre réalité de la crise libyenne, les témoignages recueillis auprès des sources du renseignement militaire dans la zone ne laissent l’ombre d’aucun doute sur les intentions de l’organisation terroriste. «Nous avons des informations sûres. Nous sommes très inquiets pour la sous-région. Aqmi a profité de la situation en Libye pour se procurer des armes lourdes qui ont été transportées dans la zone sahélienne», a déjà prévenu une source malienne citée par nos confrères de l’Afp. Propos confirmés de source nigérienne cette fois, indiquant que «Nous avons les mêmes informations. Parmi ces armes, il y a des (missiles anti-aériens) Sam7 . C’est très inquiétant. Ce surarmement est un vrai danger pour toute la zone» sahélienne. La Mauritanie aurait proposé dans ce cadre une coopération entre les différents pays concernés par cette menace pour « parer à toute éventualité». Il est donc bien redouté que les événements en Libye n’aient servi d’une manne de surarmement de la nébuleuse. «Aqmi se procure des armes de deux manières: des gens vont chercher les armes en Libye pour les livrer à Aqmi dans le Sahel, ou des éléments d’Aqmi vont eux-mêmes sur le terrain, pour se procurer ces armes. C’est dangereux pour des pays comme le Mali, le Niger et la Mauritanie», retiennent certaines sources.
On le voit donc, les répercussions de la crise politique ont des incidences certaines sur notre pays à différents niveaux. Mais plus généralement, cette situation qui de propager ses aléas à des pays censés être plus à l’abri notamment dans certains pays occidentaux comme la France, le premier «gendarme » de la sous-région sahélienne.
JD
Quelques Conventions signées entre les deux pays Lors de la grande commission mixte (Nouakchott, février 2010
– une convention sur le transport aérien
– une convention sur la coopération dans le domaine de la santé animale
– un mémorandum d’entente sur la campagne agricole mécanisée (programme vert)
– un mémorandum d’entente sur l’exécution de projets de développement
– un mémorandum d’entente sur la pêche maritime
– un programme d’exécution de la coopération culturelle pour 2010-2012
Au cours de cette session, il a été décidé, dans le domaine des investissements, d’augmenter le capital de Chinguitti Bank, de programmer la construction de l’hôtel « El Vateh », de construire 500 unités de logements, de créer une usine de lait et de ses dérivés à Néma et de réaliser un projet d’élevage et de production de viandes.
Dans le domaine agricole, il a été décidé que la Jamahiriya procède à l’aménagement de 32 000 hectares de terre agricoles dans la vallée du fleuve.
En ce qui concerne l’investissement dans le domaine de la pêche maritime, les deux parties ont décidé d’établir un partenariat pour l’ouverture, en Mauritanie, d’une usine pour le thon.
Dans le domaine du pétrole, des hydrocarbures et des mines, les deux pays ont abouti à des accords sur la distribution des hydrocarbures, le raffinage et la prospection, en plus de l’investissement dans le domaine des mines.
Parmi les plus importants projets retenus par les deux pays dans le domaine des infrastructures, on peut citer notamment:
– projet de construction de l’hôpital « El Vateh » à Rosso (wilaya du Trarza)
– projet de construction du noyau de l’Université du guide Mouamar kaddafi dans la ville de Kiffa (wilaya de l’Assaba)
– projet de transport et de distribution d’eau potable à partir du barrage de « Foum Gleita » au profit de la zone de » l’Aftout Echarghi »
– projet de construction de la route Tidjikja-Kiffa-Sélibabi
– projet de connexion des localités situées entre Sélibabi et Kiffa au réseau électrique (90 kva)
– construction du projet pôle financier (locaux administratifs) à Nouakchott
Le Quotidien de Nouakchott