Une activiste mauritanienne évoque les femmes, ces agents du changement

En retour d’un travail ardent d’activiste, Aminetou Mint El Moctar a reçu de nombreux certificats honorifiques, dont des récompenses de la part du Département d’Etat américain et du Président français.

 

Nommée parmi les 100 personnes les plus influentes du monde musulman en 2010, Mint El Moctar a fait campagne en faveur d’une loi visant à mettre un terme aux abus commis sur les mineurs, et s’est faite l’avocate fervente des Droits de la femme. Magharebia a rencontré cette militante mauritanienne à Nouakchott pour évoquer les changements majeurs qui bouleversent le monde arabe, et la place que les femmes peuvent occuper dans ces développements.

Magharebia: Comment envisagez-vous les femmes du Maghreb à présent, à la lumière des changements qui se déroulent dans le monde arabe et dans les pays du Maghreb ?

Aminetou Mint El Moctar: En premier lieu, je souhaite remarquer que les femmes du Maghreb sont majoritaires dans leurs sociétés, ou du moins dans la moitié d’entre elles. Elles sont en tant que tel un pouvoir efficace dans le secteur du développement politique, social et économique. Les tentatives de marginalisation de leur rôle ne peuvent avoir pour résultat qu’un état qui restera arriéré. Aucun pays ne peut aller de l’avant si la moitié de sa population est paralysée.

Les femmes tiennent aussi un rôle fondamental dans les bouleversements rencontrés dans les pays du Maghreb. En Tunisie, spécifiquement, les mouvements féministes ont tenu une place majeure, même avant la fin du régime de Ben Ali. Les femmes avaient dénoncé ses pratiques non-démocratiques qui renforçaient la discrimination et les aliénations, en particulier l’Asociation des Femmes tunisiennes pour la Recherche et le Développement (AFTURD).

Au Maroc, l’Association Démocratique des Femmes Marocaines (ADFM) avait assumé un rôle visible pour le changement de la loi, pour qu’elle se prononce en faveur des femmes et de la citoyenneté, comme à travers le développement du Code du Statut Personnel, qui a été une source d’inspiration pour des associations féministes en Mauritanie, en Tunisie et en Algérie.

Magharebia: Est-ce que vous ne pensez pas que les femmes du Maghreb devraient jouer un rôle pour mettre un terme à la violence qui a suivi les changements en cours dans la région ?

Mint El Moctar: On dit souvent que la liberté est déclenchée par l’oppression, la suppression de la liberté, l’exploitation et la pauvreté. Aucun dirigeant, peu importe son degré de tyrannie ou de nuisance oppressive, ne peut s’en tenir à sa position sans écouter ce que dit sa nation, sans assigner les postes avec justice, sans destiner les richesses, sans offrir des soins et de l’attention aux différentes strates de la société et sans mettre un terme aux discriminations de races et de classes.

La violence qui existe axctuellement dans certains états du Maghreb ou dans des nations avoisinantes n’est qu’une réaction, parce que les citoyens ont compris que les propriétaires des grandes constructions, des entreprises et des corporations étaient en train de profiter des peuples. Mais, en tant que femmes activistes, nous réalisons que nous avons un rôle majeur à jouer dans l’éducation des nouvelles générations et dans la direction de ces énergies qui se sont déchaînées dans notre pays, de manière à ce qu’elles puissent commencer à construire notre avenir.

Magharebia: Quels sont les principaux défis que doivent affronter aujourd’hui les mauritaniennes ?

Mint El Moctar: En Mauritanie, nous luttons encore pour que soient retirées les réserves posées sur le CEDAW [Comité de l’Elimination de la Discrimination envers les Femmes], en particulier en ce qui concerne les articles sur l’héritage, qui nient aux femmes beaucoup de leurs droits. Et c’est un problème où les coutumes et les traditions s’appliquent encore, en violation de ce que l’Islam a pu stipuler sur le sujet. L’Islam n’a rien à voir avec de telles pratiques.

Nous demandons encore que la tutelle masculine sur la femme adulte soit levée, afin que ces derières puissent choisir leurs époux, plutôt que d’être mariées à des hommes qu’elles n’acceptent pas. Une autre question est liée au divorce, et c’est que la femme doit avoir le droit de divorcer de son mari, tout comme un homme peut divorcer de sa femme, sur la base des quatre Ecoles Islamiques.

Parmi les défis majeurs que les femmes doivent relever en Mauritanie, il y a aussi leur incapacité fréquente à avoir accès à la justice dans des cas de viol, car les juges décident souvent que la femme en est responsable, si elle devait porter des vêtement révélateurs.

Interview réalisée par Jemal Oumar

Source  :  Magharebia le 18/03/2011

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