Le monde bouge, la Mauritanie aussi:Et les partis politiques, à quoi servent-ils ?

La rue mauritanienne gronde timidement encore, organisée par des jeunes sans tête ni queue. Tout comme elle est remontée contre les partis politiques perçus comme des organisations inutiles pour le pays.

 

 

Juste concède t-elle qu’ils sont utiles pour ceux qui les utilisent pour avoir des positions lucratives d’élus.

Pour ceux qui feignent d’ignorer ces mouvements de jeunes qui battent le pavé, il est bon de rappeler que l’opinion publique est outrée par les scandales financiers à répétition au sein de l’administration, telle qu’elle s’exprime dans la presse et dans les commentaires privés. « Les partis ne jouent pas leur rôle », estiment les citoyens frustrés de voir ces scandales, la corruption, le clientélisme politique, le favoritisme, le népotisme, le tribalisme, se généraliser dans les institutions de l’Etat à une échelle effrayante. A juste raison d’ailleurs, quand on sait que cette administration indécrottable, réfractaire aux contre-pouvoirs institutionnels et aux partis politiques représentatifs, n’a généré au bout du compte, que des difficultés de toutes sortes au pays. Résultat, la paix sociale est dangereusement menacée. Surtout que les lieux du pouvoir sont occupés par des élites cooptées qui prétendent détenir le monopole de la souveraineté nationale. Or entendez que l’argument avancé pour justifier ce monopole est la fragilité de l’unité nationale et l’immaturité du peuple à choisir ses dirigeants. Ce discours, n’est-il pas comique dans son contenu et tragique dans ses conséquences ? En réalité il sert de fondement idéologique à l’autoritarisme et ne laisse aucune place à des partis politiques indépendants.
Par essence, la vocation de ces derniers c’est la conquête du pouvoir par des moyens légaux; or, si celui-ci est en permanence occupé, il n’y a rien à conquérir. Et pourtant, il y a des partis dans de nombreux pays et en Mauritanie en particulier. Dès lors qu’ils sont récusés par le citoyen lambda, à quoi servent-ils alors ? Avouons-le, même s’ils sont inutiles pour les citoyens, ils remplissent quand même des fonctions qui sont à dévoiler. Convenons que le système du parti unique ayant échoué pour les régimes d’exception qui se sont succédés dans le pays, la Mauritanie s’est reconvertie au multipartisme après l’avoir vidé de son sens, établissant des régimes où se tiennent régulièrement des élections sans alternance au pouvoir. Notre expérience démocratique en la matière n’étant pas unique de ce point de vue, est pleine d’enseignements. Elle présente un modèle de multipartisme où des élections sont organisées pour légitimer le même régime qui se succède à lui-même depuis plus de 20 ans, malgré ses échecs retentissants en économie et dans tous les secteurs de la vie sociale. Certes que le régime a abandonné le système du parti unique mais a compensé cet abandon par le trucage des élections, s’appropriant ainsi l’électorat dont le vote est réparti selon la logique des quotas à des partis fidèles et dociles. Dans ce schéma de faux multipartisme, il est demandé aux partis de renoncer à leur autonomie et surtout de renoncer à jouer le rôle de contrepouvoir dans les institutions.

Une bizarrerie politique

Chez nous, la typologie des partis est très particulière. Il y a eu plusieurs partis au pouvoir, PRDS, PRDR, PNDD-ADIL et UPR maintenant. Ce qui est en soi une bizarrerie politique. « Changement dans la continuité », dit-on. En fait rien ne les distingue sur le plan politique, idéologique et autre. Autour de ce régime gravite d’autres formations politiques. Parmi celle-ci, figure des partis qui ont un pied dans l’opposition et un pied dans l’alliance présidentielle (CPM). D’une manière ou d’une autre, leur fidélité à l’administration est largement récompensée. Toutefois, il y a des partis qui ne veulent pas se soumettre comme le MPR ou l’AJD/MR stigmatisée et accusée de racisme et de porter atteinte à l’unité nationale. En vérité ces formations politiques ont une vision et veulent faire de la politique autrement. Toujours est-il que cette typologie des partis ne reflète pas les réalités politiques du pays et ne véhicule pas les demandes sociales des différents groupes sociaux. Elle érige au contraire entre l’Etat et la population des partis artificiels qui sont nuisibles à la culture politique. Au lieu de construire des relais institutionnels entre elle et les citoyens, l’administration préfère organiser des réseaux de clientèle intéressés uniquement par la prédation des richesses de l’Etat. N’ayant pas de représentants dans les institutions de l’Etat, la population a recours à l’émeute et, entre deux émeutes, elle se réfugie dans l’apathie. En un mot, il y a une demande d’Etat, mais il n’y a pas d’offre qui lui corresponde. L’administration ne veut pas tirer sa légitimité des citoyens ; elle préfère la puiser de la force des services de sécurité. Les rapports d’autorité se fondent sur la violence et la crainte de la police et non sur le consensus et la légitimité politique. Au vu de ce qui se passe depuis quelques temps à Nouakchott, il est fondé de penser que l’existence de partis représentatifs (RFD, APP, UFP, Tawassoul etc) peut aider, si elle n’est la condition essentielle, à la construction d’un Etat de droit. Que l’on ne se trompe pas, des crises politiques, des troubles sociaux et mêle des insultes au parlement auront toujours lieu du fait que la Mauritanie est encore une jeune nation à la recherche d’institutions stables. Mais ce n’est pas parce qu’il risque de tomber qu’il ne faut pas laisser l’enfant apprendre à marcher.
A bon entendeur salut !
Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 15/03/2011

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