Le gouvernement de ould Laghdaf assis sur un volcan social

Près d’une vingtaine de blessés et plusieurs arrestations. C’est le bilan provisoire de la manifestation des jeunes mauritaniens cette semaine à Nouakchott sous la houlette d’une coordination née après le printemps arabe

 

 

ou communément appelée révolution du jasmin .Ils entendent faire bouger le gouvernement de Ould Laghdaf sur la gouvernance démocratique, le chômage chronique des jeunes et le phénomène de l’exclusion. Ce mouvement de contestation est relayée par les syndicats qui sont montés au créneau parallèlement pour réclamer un dialogue tripartite : gouvernement, syndicats et patronat. Dans la même lancée, la coordination de l’opposition et d’autres partis réclament haut et fort le dialogue inclusif avec le pouvoir sur la base des accords de Dakar en 2009. Les observateurs sont inquiets de ce bras de fer qui en l’absence d’une réelle volonté politique pourrait entraîner la Mauritanie dans un tsunami social indescriptible et indésirable.

La violence policière a encore fait parler d’elle cette semaine dans la capitale mauritanienne où de jeunes manifestants ont été molestés par les forces de l’ordre qui ont procédé aussi à des arrestations.

Une vingtaine de blessés ont été conduits à l’hôpital. Depuis le début de cette contestation c’est la plus musclée en terme d’intervention policière. Une situation que l’Union des Forces Démocratiques UFD a qualifié de graves violations de libertés publiques. En plus la détention des jeunes constitue un manquement au respect de la constitution.

Ce vent de mécontentement de la jeunesse mauritanienne soulève le fossé grandissant de la fracture sociale que le gouvernement de Ould Laghdaf est loin de régler malgré sa promesse de créer plus de 17 000 emplois pour les jeunes et d’offrir un toit décent à 100 000 familles ou d’augmenter la production agricole pour faire face à la sécurité alimentaire du pays.

C’est un vœu pieux ou simples effets d’annonce parce que parmi les populations les plus vulnérables figurent les réfugiés devenus des sans papiers et sans domicile fixe chez eux et également la paupérisation des haratins cantonnés comme toujours dans des taudis dans les zones périphériques de la capitale avec de petits boulots pour les plus chanceux.

C’est conscient de la détérioration du climat social que les syndicats sous la conduite de l’Intersyndicale qui regroupe la CNTM, la CLTM et la CGTM ont emboîté le pas des jeunes pour descendre dans la rue et pointer du doigt l’immobilisme des pouvoirs publics face aux réformes politiques, économiques et sociales.

L’ouguiya, la monnaie nationale se porte mal et le marché intérieur est déserté par les investisseurs notamment étrangers faute de relance économique en dépit des déclarations gouvernementales de croissance économique de 5,6 du PIB hors pétrole. Beaucoup de sociétés à l’intérieur comme à Nouakchott ont déposé leur bilan faute de perspectives en dehors de la gabegie.

C’est dans cette perspective que les syndicats demandent une révision de la législation du travail, une augmentation des salaires qui font apparaître une grande disparité depuis des années entre la classe ouvrière d’en bas et celle d’en haut des technocrates et bureaucrates.

Et pour cela, un dialogue tripartite entre les syndicats, le gouvernement et le patronat s’impose pour amorcer le début d’une reprise économique qui passe par la répartition équitable des richesses du pays : pétrole, fer et poissons. La crise libyenne et au-delà du monde arabe ne facilite pas la stabilité du prix du carburant. Le prix à la pompe est toujours en hausse. De même celui des denrées de première nécessité malgré les mesures gouvernementales prises pour le baisser. Sur le terrain politique, les leaders de l’opposition ont beaucoup patienté depuis l’élection du président Ould Aziz en juillet 2009 en espérant se faire entendre.

Mais devant le refus catégorique du nouveau régime, le charismatique leader de l’APP et président de l’Assemblée nationale avait brandi à une époque récente l’arme de la désobéissance civile. Ce n’est que tout dernièrement le chef de l’Etat mauritanien a tendu la main à l’ensemble de l’opposition. Selon les dernières informations, le président serait d’accord pour le dialogue inclusif prônée par les accords de Dakar.

Ce qui serait une première pour dénouer la crise politique depuis 2008 date du coup d’Etat. En dehors de cette grogne populaire, le premier ministre devra faire face à un nouveau flux de mauritaniens suite aux évènements en Libye et en Côte D’Ivoire. En continuant de faire la sourde oreille à ces revendications le gouvernement de Ould Laghdaf va droit dans le mur et risque de déclencher un tsunami social qui serait fatal à la Mauritanie.

Par Kane Bakala

Source  : El Mejlisse le 14/03/2011

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