Non contente d’exploiter à « prix d’ami » le cuivre et l’or mauritanien, l’australo-canadienne MCM-First Quantum se fourvoie dans la dégradation des infrastructures mauritaniennes. Le 15 Mai 2010, Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, alors ministre de l’industrie et des mines en compagnie de son collègue Camara Moussa Seydi Boubou ministre de l’équipement et des transports avaient supervisé le démarrage des travaux de réfection de 60 kilomètres de la route reliant Akjoujt à Nouakchott.
Lors de la cérémonie organisée au PK 150, lieu d’où doivent commencer les travaux, les responsables du ministère avaient expliqué les différents volets du projet, son exécution et les procédures suivies pour achever les travaux, selon eux dans les meilleures conditions.
A l’époque, l’ex ministre de l’industrie et des mines avait précisé dans le mot qu’il avait prononcé pour la circonstance, que la réalisation de cette route par la société « Mines de Cuivre de Mauritanie » (MCM), allait créer 140 emplois. Il faut souligner que la réhabilitation de la route Nouakchott – Akjoujt est une disposition de la convention d’établissement signée le 22 février 2009 entre la Mauritanie et MCM. Alors que dans la première convention il y avait une contrepartie financière de 1,5 millions de dollars par an qui était versée à l’ATTM. Lorsqu’on a retiré la réfection à ATTM le gouvernement avait décidé de consacrer les fonds recueillis au titre des années 2007/2008 à la construction d’un linéaire de 5,2 km de route revêtue dans la ville d’Akjoujt et la réalisation de 5 km de route en terre traversant la zone dunaire de Lekchar, à l’entrée de Bénichab pour désenclaver cette localité.
Ces travaux devaient être exécutés par l’Etablissement National de l’Entretien Routier (ENER) pour un montant de 548 791 035 UM pour le premier (Akjoujt) et de 134 839 720 UM pour le second (Benichab). Le contrôle et la surveillance étant assurés par le Laboratoire National des Travaux Publics pour un montant de 15 millions d’UM.
Et à l’occasion de la « renégociation » de la convention le gouvernement mauritanien avait demandé par la voix du Ministre des Mines de remplacer la contrepartie financière par une réhabilitation au fur et à mesure. Ainsi donc la MCM s’était engagé à réhabiliter 30 kilomètres par an. Mais dans le jargon des BTP, les termes, réhabilitation et réfection ne veulent pas dire la même chose. Contrairement au bicouche, l’enrobé est un revêtement bitumineux sur environ 6 cm d’épaisseur, qu’on ne peut poser qu’à une température de 120° et il nécessite la mise en place d’une centrale de bitume très onéreuse. Après préparation du terrain (décapage, nivelage avec gravier compacté et imprégné). L’enrobé est plus cher mais possède une durée de vie bien supérieure au bicouche. C’est pourquoi il est préconisé pour les routes surtout celles qui sont destinées à être fortement sollicitées comme c’est le cas pour la route d’Akjout qui est utilisé chaque jour par une quarantaine de container ultra chargé de concentré de minerai. Il faut souligner que la route d’Akjoujt avait été entièrement réhabilitée en 1997 aux frais des contribuables mauritaniens et que sa durée de vie a été grandement écourtée par l’usage de MCM.
Rafistolages
Toujours est il que lorsque la MCM avait proposé sa solution technique l’année dernière, le Ministère de l’Equipement avait refusé en disant qu’il fallait complètement réhabiliter la route. Plus tard on ne sait comment, ce même ministère était revenu à de meilleurs sentiments à l’égard de MCM en acceptant ce qu’il avait refusé à savoir: Boucher les nids de poule et les fissures avec un liant. Et pour le reste utiliser le bicouche pour les endroits vraiment détériorés. Ni la couche de fonds et encore moins la couche de base ne seront touchés. Or ce sont ces dernières qui sont l’ossature d’une route, ce sont ces couches qui supportent le poids et on ne peut parler de réhabilitation d’une route si on ne les touche pas et si l’on utilise la technique de l’enrober. Selon un ingénieur que nous avons interrogé ce que MCM est en train de faire s’apparente à une véritable farce. Nous avons pu le constater nous même, à mains nous avons pu aisément décoller des cailloux. C’est dire que les véhicules qui passent sur cette route réhabilitée par MCM entendent sous leur carrosserie une pluie de gravier frapper le véhicule. C’est dire que les remorques ultra chargées de MCM auront vite fait de faire voler en éclat cette route si importante pour le pays. Et ce ne sont certainement pas les 50 Cm ajoutés des deux cotés qui vont y changer quoi que ça soit. Donc la MCM avec la complicité des départements concernés est entrain de mettre en œuvre la solution même qui avait provoqué l’ire de Ould Abdel Aziz. Par ailleurs, alors que le programme devait s’étaler sur sept mois voilà une année après qu’on en est même pas à la moitié des 60 kilomètres de route prévue au titre de la contrepartie de 2009 et 2010 auxquels il faudrait ajouter les 30 kilomètres de 2011. Il est donc évident que nonobstant les retards qui commencent à s’accumuler, il faudrait 9 ans pour réfectionner toute la route. C’est-à-dire qu’en 2020 la portion allant du PK 150 au PK 210, la première qui aura été réfectionnée aura dix ans. Sera-t-elle encore là ? Vu l’Etat dans lequel elle est déjà, on peut franchement en douter. Alors on ne peut que rigoler lorsqu’on entend certains responsables du ministère se vanter en disant que la convention d’établissement de la société a permis à l’Etat de disposer de plus de 36 millions de dollars américains pour les années 2010 et 2011 mais ces responsables peuvent par la même occasion nous dire combien a gagné First Quantum rien que pour ces deux années pour pouvoir faire une comparaison. Il faut aussi souligner qu’après plus de quatre ans d’exploitation, la ville d’Akjoujt n’a pas encore vraiment profité de la présence de la mine. Dans un souci d’économie, MCM n’a réfectionné que les logement dont elle a besoin pour loger ses propres cadres et le reste a été laissé à l’abandon. Sur le plan de l’emploi, au lieu d’accorder des contrats de travail directement à ses travailleurs elle continue à préférer passer par des intermédiaires (tacherons) afin de se soustraire à la plupart des obligations et responsabilités patronales. Il s’agit là d’une véritable exploitation des ouvriers avec la complicité de la MCM.
Bouna Cherif
Le Quotidien de Nouakchott