Al-Qaida, une menace pour le tourisme en Mauritanie

Les cités antiques de Mauritanie attiraient autrefois des foules de touristes, mais les récentes attaques d’al-Qaida menacent désormais de priver de nombreux habitants d’un revenu très attendu.

 

Construite il y a sept siècles, la cité historique de Chinguetti est la principale destination touristique en Mauritanie. Pendant des décennies, cette ville a attiré des visiteurs du monde entier. Mais après la mort de quatre touristes français assassinés par al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) en décembre 2007, le nombre de visiteurs a fortement diminué.

Selon Mohamed Mahmoud, voyagiste et président de l’Association mauritanienne des guides du Sahara, près de 7 000 personnes travaillaient dans le secteur du tourisme dans la ville, et elles ont été durement touchées par la baisse de la fréquentation qui a fait suite aux enlèvements par al-Qaida.

« La majorité des habitants de Chinguetti ont pâti, dans la mesure où ils dépendent du tourisme. Ils sont soit guides touristiques, propriétaires d’hôtels, loueurs de chameaux, vendeurs de dattes et d’objets artisanaux, employés de bureaux de change, ou préparateurs de repas mauritaniens traditionnels », a-t-il précisé.

Située à 580 kilomètres au nord-est de Nouakchott, Chinguetti est la plus ancienne des villes de Mauritanie. Elle affiche fièrement les plus anciennes bibliothèques et les manuscrits du patrimoine du pays. La ville s’enorgueillit aussi de ses nombreux bâtiments anciens, à l’architecture distinctive de pierres, sans parler de sa situation géographique, perdue au beau milieu d’une mer de sable infinie.

Pour cette ville, le tourisme constitue l’ossature de l’économie. Mais seules quelques centaines de touristes s’aventurent désormais dans une cité qui en accueillait autrefois des milliers. Le nombre d’hôtels est passé de soixante-dix à seulement sept.

Durant l’année qui a suivi l’assassinat des quatre touristes français, près de 150 000 touristes étaient attendus, selon Mohamed Soumbara, le représentant du ministère du tourisme dans la province. Mais cet attentat terroriste a fait chuter le nombre de visiteurs à seulement 9 600.

Soumbara a expliqué que ce chiffre avait également enregistré une baisse l’année suivante, avec seulement 1 077 touristes. Et ce chiffre continue de baisser, atteignant un bas niveau historique de 173 touristes pour la saison 2011. Certains attribuent ce déclin à une mise en garde lancée par le ministère français des Affaires étrangères concernant Chinguetti et les provinces voisines. Près de 90 pour cent des touristes étaient des ressortissants français, le reste étant composé de Belges, d’Espagnols et d’Allemands.

Soumbara a déclaré que cette mise en garde avait exacerbé les craintes concernant la présence d’AQMI. « Le plateau de l’Adrar est pourtant une région sûre, entourée d’une ceinture de sécurité sans précédent », a-t-il commenté.

La saison touristique, qui s’étend normalement d’octobre à avril, ne connaît plus l’afflux habituel depuis novembre 2009, lorsqu’AQMI avait enlevé deux touristes espagnols, selon Abderrahman Houdy, le directeur de l’hôtel Zarga.

« Avant cette date, je recevais des dizaines de touristes avec lesquels j’étais en contact. Mais ils m’ont expliqué que du fait des mises en garde lancées par le ministère français des Affaires étrangères, ils avaient décidé d’annuler leur voyage à Chinguetti. Pour les gérants d’hôtels, cela a été synonyme d’importantes pertes financières », a-t-il ajouté.

Alika Nakachi, une touriste française, a déclaré qu’elle en était à son quatrième séjour à Chinguetti et qu’elle n’était pas dissuadée par les avertissements du ministère.

« C’est vrai que le tourisme a baissé dans cette ville », a-t-elle ajouté. « Mais en tant que touriste, je ne considère pas Chinguetti comme une zone à risque, parce que toutes les opérations d’al-Qaida n’ont pas été perpétrées dans les régions désignées par le ministère des Affaires étrangères comme étant potentiellement à risque. Personnellement, je ne ressens aucune menace dans la ville. »

Margeritta, une touriste islandaise en visite à Chinguetti pour la deuxième fois, a expliqué à Magharebia qu’elle était venue malgré les mises en garde. Elle a ajouté aimer l’architecture de pierres de la ville, ainsi que les bâtiments aux formes géométriques et les décorations spécifiques, symboles d’une créativité très particulière.

« J’aime aussi l’hospitalité de Chinguetti, le thé mauritanien et l’étendue du désert, qui me procure un sentiment d’éternité », a ajouté Margeritta.

Jean-François Monnet, un touriste français, a raconté être venu à Chinguetti en touriste, mais être également propriétaire d’un hôtel en Mauritanie. « Je viens régulièrement en Mauritanie chaque année depuis dix ans. J’ai vraiment ressenti que le tourisme avait commencé à baisser il y a quatre ans, lorsqu’al-Qaida a tué quatre touristes français en plein coeur de la Mauritanie », a-t-il déclaré.

« Je me sens en sécurité ici à Chinguetti, malgré les mises en garde du ministère français des Affaires étrangères, qui aurait dû évaluer la situation avant de déclarer la province région à risque. La situation est très sûre ici. Ces craintes ne sont pas justifiées », a-t-il conclu.

Jemal Oumar

Source  :  Magharebia le 25/02/2011

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