Question Ouverte : Invité : Bocar Oumar BA, Responsable Académique Alsace LMDE

bobIl y a comme une espèce d’arc de solidarité sournoise, allant d’une partie de la majorité à une partie de l’opposition, et qui fait de l’évocation de la partie négro-africaine de la Mauritanie un casus belli. Bocar Oumar BA

Lors de la conférence débat des partis de la majorité présidentielle, le président Ibrahima Mokhtar SARR est intervenu en Pulaar. Intervention qui a suscité une polémique au sein du microcosme politique mauritanien. Le Véridique s’en est d’ailleurs fortement ému. Qu’en pensez-vous?

Bocar Oumar BA : Je voudrais d’abord, si vous le permettez, saisir cette occasion pour redire au président Ibrahima Moctar SARR mon soutien et mon affection.Car je crois que dans cette période où il est encore une fois attaqué, juste pour avoir eu le courage d’apporter la preuve par la démonstration, que la question des langues est une question structurante en Mauritanie, une manifestation de soutien ne peut être que balsamique. 

Je crois par ailleurs qu’on ne peut pas continuer éternellement à se voiler la face sur cette question des langues. De fait, la frustration de  ceux  qui se sont émus du fait qu’ils n’avaient pas compris l’intervention de IMS, doit leur donner une petite idée de ce que vivent au quotidien des millions de mauritaniens non arabophones, quand ils sont devant leur télévision nationale, écoute la radio de leur pays ou vont dans des réunions où leurs problèmes sont évoqués. Mais cela  n’a pas l’air de gêner le Véridique, qui se vante pourtant d’un nom d’une prétention pour le moins grandiloquente. Comme quoi, il faut se méfier du tigre qui ressent le besoin de crier sa  « tigritude. » Car dire le vrai ne se revendique  pas, ça se pratique tout banalement, sans tambour ni trompette.  

Mais le plus étonnant, c’est le silence des partis et responsables politiques nationaux, de la majorité comme de l’opposition, qui ont pourtant tous déjà exprimé leur attachement à la réhabilitation de nos langues nationales, et qui aujourd’hui, se font moins loquaces, comme pour avouer leur faiblesse à la fausse évidence de l’arabité exclusive de la Mauritanie.  Il y a comme une espèce d’arc de solidarité sournoise, allant d’une partie de la majorité à une partie de l’opposition, et qui fait de l’évocation de la partie négro-africaine de la Mauritanie un casus belli.

Rappelez-vous la sortie surprenante de Messaoud Ould Boulkheir il y a quelques semaines, qui présentait les revendications comprises dans le mémorandum de l’AJD/MR comme une menace pour l’unité nationale. En quoi changer un hymne national, dont mis à part l’ennuyeuse sonorité musicale, n’a rien d’évocateur pour la plus part des mauritaniens, peut-il constituer une menace pour l’unité nationale ; et ce au point de susciter l’indignation du leader historique d’El HOR ? Ce que Messaoud sait pertinemment, et ne dit plus assez, c’est que les seules menaces réelles pour l’unité nationale, c’est l’esclavagisme qui gangrène notre société, et l’exclusion de l’élément négro-africain qui a conduit à ce qu’on sait… Refuser de voir cela, et dénoncer les dénonciateurs de dérives est une attitude suspecte de mauvaise foi. Mais telle est aujourd’hui l’ambiance de fond qui tente de polluer tout discours tendant à remettre sur le tapis les revendications légitimes de la communauté négro-africaine.

Jusqu’à quand allons-nous continuer à mépriser de cette manière une partie importante du peuple mauritanien? A la veille des Etats généraux de l’Education, annoncés pour débloquer les articulations profondes du pays, la réaction d’une certaine Mauritanie à l’acte posé par Ibrahima Moctar SARR est pour le moins un prélude à de vifs antagonismes idéologiques. En tous les cas, le président IMS vient de donner le ton. L’AJD/MR ne compte pas solder ses revendications profondes, et elle le rappellera autant de fois qu’il le faudra. Nos partenaires de la majorité présidentielle doivent se le tenir pour dit: les accords signés ne sont pas consignés sur papier pour nous lier les mains. Des preuves de bonne foi seront demandées tout au long du parcours. Nous avons été nombre de fois floués par nos partenaires, dans le cadre d’accords médiatisés, parce que nous avons laissé trainer jusqu’au bout une inconditionnelle présomption de bonne foi, pour nous apercevoir en fin de parcours que le compte n’y était pas. Pour cette fois, la seule bonne foi ne saurait suffire, il nous en faut les manifestations concrètes. C’est ce que semble dire Ibrahima Moctar SARR. C’est également un message à tous ceux qui nous ont accusés d’avoir renoncé à nos principes. Il s’avère que depuis que nous avons commencé les négociations avec la majorité présidentielle, pour autant nous n’avons cessé de marteler nos valeurs sans complexe.

En Mauritanie, on avait l’habitude qu’un  parti  travaillant avec la majorité au pouvoir finisse par se faire inaudible, si ce n’est par se faire laudateur. Je comprends alors que notre démarche politique étonne, car elle est innovante en la matière. Nous avons même été le parti le plus audible sur les questions que nous partageons pourtant avec beaucoup d’autres; alors même que ces questions sont censées gêner certains de nos partenaires.  

C’est dire que le président de la République est interpellé pour clarifier les choses. Il lui appartient d’indiquer à ses collaborateurs là où il faut placer le curseur pour que l’équilibre et la cohésion de la majorité soient assurés. Nous concernant, les choses sont désormais simples: l’accord signé étant le cadre référentiel, il appartient à nos partenaires de s’exercer au respect de son esprit.

Merci Monsieur Bocar Oumar BA


Interview réalisée par Boubacar SY

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