Analyse: Aqmi passe aux véhicules piégés pour la Mauritanie

Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) est donc passée à l’utilisation des véhicules piégées pour frapper la Mauritanie. L’arme ultime jusqu’ici réservée seulement à l’Algérie Aqmi a déjà tout essayé chez nous:

 

Attaques contre les casernes, les patrouilles, les chancelleries, embuscades, braquages, meurtres, enlèvements, et kamikazes. Et comme si cela ne suffisait pas l’organisation terroriste met la pression, cette fois, avec des véhicules piégés. C’est le principal enseignement à tirer des attentats à la voiture piégée déjoués récemment chez nous.

Jusqu’où ira donc Aqmi ? Il ne lui reste plus que l’utilisation des avions comme lors des opérations du 11 septembre!

La Télévision de Mauritanie (TVM) a diffusé la soirée du 9 février les aveux de deux combattants d’Aqmi dont l’un a été capturé le 5 février dans une forêt de Dar El Darka (Brakna ) après une traque de 4 jours au cours de laquelle (lui, et son compagnon décédé), ont abattu un gendarme mauritanien.

Les terroristes étaient en fait au nombre de 3. Ils étaient venus du Nord-Mali à bord d’une Land Cruiser piégée qu’ils ont abandonné non loin de Rkiz (Trarza). Le Buissau guinéen Youssouf Galicia, alias «Abou Jaavar» membre de l’équipe s’était fait arrêter le 1er février non loin du véhicule abandonné.

Ses deux compagnons Sidi Mohamed dit «Abou Zoubeir» (originaire du Trarza) et Saleck Ould Cheikh dit «Abou Ghaswara» (originaire de l’Adrar), se sont vite repliés vers les forêts de la zone,  puis vers celles du Brakna, avant d’être neutralisés.

«Abou Zoubeir » s’est fait exploser au moment de son arrestation , à l’aide d’une grenade selon la version officielle. Ses parents disent qu’il a été atteint d’une balle à la poitrine. «Abou Ghaswara» a été capturé vivant.

C’est donc, lui et «Abou Jaavar» le Buissau guinéen qui sont passés aux aveux télévisés dans lesquels ils ont parlé de leur provenance, expliqué leur modus operandi, exprimé leur repentir par rapport à la violence qui «peut affecter des musulmans innocents» et appelé les jeunes évoluant dans les «groupes armés au Nord-Mali» à déposer les armes et à regagner sans crainte, le pays.

Ce trio  était dans la voiture abandonnée à Rkiz laquelle devait viser l’ambassade de France à Nouakchott. Une « équipe d’appui» (est-ce le cas?) comprenant «Abderrahim» et «Zakaria» devait fournir la couverture (Taghthiya) à l’attentat en attaquant le portail de l’Ambassade de France. Par la suite, la voiture piégée devait s’engouffrer dans l’Ambassade et exploser.
Une seconde voiture qui transportait «Abou Jendel» (photo en turban),  ainsi que « Maaouiya» et «Saad» (un algérien),  a été pulvérisée par l’Armée aux abords de Nouakchott. Ce véhicule devait viser le ministre mauritanien de la Défense ou la Direction de la Sureté.

L’équipage du véhicule détruit avait pris en otage la soirée du 1er février aux environs de 21 heures des éleveurs mauritaniens à 40 kms au sud-est de Nouakchott et a confisqué leur voiture avant de l’abandonner. Ces éleveurs dont nous tairons les noms, ont eu la vie sauve uniquement parce que «Maaouiya» l’un des combattants d’Aqmi les connaissait (au Hodh Charghi) et a donc empêché ses compagnons de les liquider.

 

Ce même «Maaouiya» a échappé à l’explosion de la voiture dite de Riyad (périphérie de Nouakchott) et a été arrêté quelques jours après au Mali qui s’apprêterait à l’extrader en Mauritanie. «Abou Jendel», » et «Saad» l’algérien sont par contre bel et bien morts dans la puissante déflagration qui a troublé le sommeil des nouakchottois, tôt le matin du 2 février.

Pour plus de précisions Mohamed El Moctar Ould Vall dit «Abou Jendel» est natif de 1977 à Boutilimitt (Trarza). Il est l’un des premiers mauritaniens à avoir regagné (en 2001), l’ex-GSPC, devenu Aqmi en 2007. Il avait participé avec «El Para» à la prise des otages allemands et suisses en 2003 et a été capturé avec lui par des rebelles tchadiens au Tibesti (Tchad) en mars 2004. Livré à l’Algérie ou libéré suite aux représailles menées par l’ex- GSPC contre les rebelles tchadiens, «Abou Jendel» n’avait pas donné de signe de vie depuis lors. On le pensait en prison ou tué. Mais en décembre 2007 il est établi qu’il a bien participé à l’attaque d’El Ghallawiya au cours de laquelle trois militaires mauritaniens ont été tués.

Pas de traces néanmoins de deux autres combattants d’Aqmi : le célèbre «Abderrahim» et son compagnon «Zakaria», qui utilisaient le  troisième véhicule non retrouvé jusqu’ici, et toujours recherché selon le ministre de la Défense qui l’a dit aux parlementaires mauritaniens le 9 février.
Ce véhicule assurait, dit-on, au ministère de la Défense «la logistique» des deux véhicules neutralisés, pourtant équipés chacun de 8 bidons de 70 litres d’essence. De quelle logistique donc parle-t-on donc ? En fait ce véhicule est plutot celui du Commandement, car «Abderrahim» était bien l’émir du convoi envoyé par Aqmi en Mauritanie.

 

Et selon les aveux des détenus capturés le véhicule devait assurer des missions de combats : attaquer le portail de l’Ambassade de France et récupérer les combattants du champ de bataille (Insihab) notamment de ceux parmi eux qui n’étaient pas candidats au suicide.

Les aveux des deux détenus ont indiqué que le convoi qui s’est introduit en Mauritanie aux alentours du 28 janvier dernier provient de «Katibate el Moulethemine» dirigé pat l’émir Khaled Abou El Abbass,  dit « Belmokhtar », dit «Belaouar» . Les véhicules ont été piégés dans des ateliers de fabrication d’explosifs (de la Katiba) et ont quitté les montagnes de « Tegharghar » non loin de Kidal (regardez sur la carte, SVP) en direction de Selibaby, avant de prolonger leur longue randonnée sur plus d’un millier de kilomètres vers Nouakchott.

L’implication de «Katibate el Moulethemine» dans la préparation des attentats déjoués en Mauritanie est pleine de significations. Belmokhtar reprend-il en main sa spécialité : la direction des opérations contre la Mauritanie?

 

 Le «Dossier Mauritanie» avait pourtant été confié début 2009 par l’«émir du Sahara» Abou Ammar,  à Yahya Abou El Hemmam émir de «Seriyatt El Vourghane» C’était bien ce dernier qui avait commandité l’assassinat d’un américain en juin 2009 à Nouakchott, c’était lui qui avait envoyé un kamikaze se faire sauter non loin de l’Ambassade de France à Nouakchott (aout 2009), c’était encore lui qui avait enlevé deux otages italiens non loin de Kobenni (décembre 2009) , et c’était toujours lui qui avait été chargé d’animer une ligne de front au nord-est de Tombouctou,  pour absorber les attaques mauritaniennes.

 

«Abou El Hemmam» avait échappé de justesse au raid franco-mauritanien du 22 juillet, non loin de Tombouctou. Il a dirigé deux mois plus tard,  les opérations d’Aqmi lors du deuxième raid mauritanien mené à Hassi Sidi en septembre 2010.
Depuis lors, il n’a plus donné de signe de vie et a été même présenté pour mort. Est-ce pour cela, que Belmokhtar a repris «les choses» en main? Qu’importe!. 

Les militaires mauritaniens n’ont plus de choix. Soit, ils maintiennent la pression sur les sources de la menace et la confinent ailleurs,  sinon elle se déplacera, comme on l’a vu, chez nous.

Isselmou Ould Moustapha

Source  :  Tahalil Hebdo le 11/02/2011

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