Dieh Ould Kleib, membre de la communication de l’UPR est un spécialiste de la communication sortant de l’Université de Virgine (USA). Apprécié par les médias indépendants pour son franc parler, il répond dans cette interview à nos questions relatives à l’actualité, à l’UPR et à bien d’autres sujets.
Tahalil : Actualité oblige, commençons, par le terrorisme qui vient de frapper aux portes de Nouakchott. Huit soldats mauritaniens ont été blessés en déjouant un attentat qui allait être sanglant. Le spectre de la menace terroriste qui semblait s’éloigner ces deux dernières années, est-il en train de ressurgir?
Dieh Ould Kleib : Je tiens à rendre hommage à nos soldats blessés et à leur souhaiter un prompt rétablissement. La Nation entière leur est redevable pour avoir déjoué cet odieux attentat. Leur action héroïque constitue une preuve de la vigilance et du professionnalisme de nos forces armées et de sécurité.
La situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée ces deux dernières années avec le renforcement de nos capacités militaires et la mise en œuvre d’une stratégie offensive défensive dynamique et mobile qui a renforcé la surveillance de nos frontières, rendue la présence de l’armée effective partout et transporté le champ de bataille en dehors de nos frontières.
Mais le terrorisme reste une menace transnationale, non conventionnelle avec un ennemi sans signes distinctifs, sans uniforme, sans drapeau, sans doctrine militaire et sans territoire.
Elle restera malheureusement récurrente. L’essentiel est de pouvoir y faire face à temps et avec le minimum de dégâts. Et c’est, ce à quoi la Mauritanie est parvenue.
Tahalil: On dirait que les mauritaniens manifestent un grand intérêt pour les révoltes des Tunisiens et des Egyptiens? Pensent-ils s’en inspirer ?
DOK : Le destin de ces deux grands peuples intéresse d’ailleurs le monde entier. Il est naturel qu’il focalise les mauritaniens qui partagent -du reste- des valeurs civilisationnelles avec ces deux peuples. Il y a néanmoins des différences de contexte. Et par conséquent pas lieu de faire de comparaison. Nous avons déjà eu notre Sidi Bouzid en novembre 2007 qui a débouché sur la révolution d’aout 2008. Le peuple était sorti dans des manifestations contre la cherté de la vie et l’absence d perspectives. Des manifestants en étaient morts puis les élus du peuple ont rejoint la fronde du peuple et se sont solidarisés avec les chefs de l’armée avec le processus que vous connaissez et qui fut ni plus ni moins qu’une vraie révolution
La Mauritanie n’est pas non plus sous l’état d’urgence depuis des décennies et son président élu démocratiquement en juillet 2009 a bien anticipé sur les événements qui ont secoué certains pays, lesquels ont pour cause , principalement la gabegie, l’absence de libertés et l’insouciance face aux jeunes et aux pauvres . Je suis sidéré quand je vois des politiciens de 25 eme heure faire un quelconque parallèle entre la Mauritanie et la Tunisie.
Tahalil : Les germes sont néanmoins là. Marasme économique, menaces de grèves. tension politique entre Majorité et Opposition et échanges peu amènes notamment entre l’UPR et le RFD…
DOK: C’est la conjoncture internationale qui explique le marasme économique que nous connaissons et que connait l’Europe. Mais les facteurs de la croissance sont là et se traduisent autant par l’assainissement de la gestion d’ensemble que par le développement des infrastructures et les potentialités mais egalement dans le budget 2011 avec la part faite aux investissements donc aux chantiers qui vont créer davantage d’emplois et de revenus.
Les tensions perceptibles sur le front social et politique sont la preuve de la vitalité de notre système démocratique pluraliste. Eh oui la démocratie c’est la foire aux empoignes. Mais je concède que la meilleure façon d’aller à l’avant est de mettre en œuvre le programme de société du président Mohamed Ould Abdel Aziz notamment dans son volet renouvellement de la classe politique auquel s’oppose des caciques. La jeunesse et spécialement la génération Aziz qui croit profondément à l’homme n’acceptera qu’on vole son rêve de changement et de démocratie
Tahalil : Et c’est démocratique par exemple d’empêcher le chef de file de l’opposition de rendre visite aux blessés de l’armée lors des affrontements avec les terroristes ?
DOK : J’exclus que cela se soit passé de la façon dont vous parlez . Est –il venu aux heures de visite ? A-t-il pris de rendez vous. Vérifions d’abord tout cela . D’ailleurs j’ai vu que le président de l’assemblée nationale accompagné des chefs de groupes parlementaires de la Majorité et de l’Opposition ont bien été au chevet des militaires blessés. Je pense que le chef de l’opposition tient à instrumentaliser toute opportunité qui se présente même quand il s’agit de visiter des blessés.
Tahalil : La communication de l’UPR consacre toute sa production au lynchage de l’opposition, a-t-elle autre chose à faire ?
DOK : L’UPR réagit toujours aux critiques de l’opposition .Vous devez faire la même remarque aux partis d’opposition qui excellent dans le lynchage. Je suis favorable à l’élévation du débat politique pour qu’il soit axé sur les valeurs et les créneaux porteurs. Et je suis convaincu que le piétinement de l’opposition crée une alternative à celle- ci: la rue. Cela dit, nous espérons à l’UPR avec la qualité de notre communication pouvoir la rehausser à la hauteur de la tolérance exprimée par le Président de la République à l’égard de l’opposition. En tant que communicateur j’estime que la communication politique doit se baser sur trois catégories : les fournisseurs d’idées (parti), la force de vente (cadres, sympathisants et organisations de soutien) et enfin l’électeur (client).
Il est nécessaire que nous occupions davantage le terrain à travers une meilleure connaissance des problèmes réels du pays, que l’on communique sans précipitation, que l’on prenne en charge les crises s’il y en a et que l’on gère enfin, un flux continu d’informations. Un support est nécessaire à cet effet. Il doit être une personne spécialisée dans la communication, apte à concevoir et mettre en œuvre un plan de communication. La finalité c’est de parvenir à donner une image possible, voulue, projetée ou perçue. Une cellule de veille est à cet effet indispensable afin d’éviter les contradictions entre les différents supports de la communication. Cette cellule doit pouvoir réagir rapidement et anticiper.
Il y a aussi des faits qui méritent davantage d’explications comme l’ordre donné par le président de la République au medias d’Etats de s’ouvrir à l’opposition et aux autres acteurs ordre resté lettre morte. Les responsables des medias d’Etat disent que malgré l’ordre présidentiel d’autres contre-ordres sont venus par la suite leur signifier de ne pas bouger vers le sens de l’ouverture. Il ya semble t-il des foyers de résistance à toutes les grandes orientations du président de la République.
Tahalil :Vous arrive-t-il de rencontrer le président de la République ?
DOK : J’ai eu l’honneur de rencontrer le président de la République officieusement à plusieurs reprises notamment à l’occasion de ses déplacements sur le terrain, mais jamais, officiellement. J’attends une audience depuis trois mois. Ce retard est probablement dû à un problème de calendrier. Je saurais être patient !
Propos recueillis par IOM
Source : Tahalil Hebdo le 05/02/2011