Mohamed Mahmoud ould Moctar Salem : « La rue, c’est le peuple et le peuple a donné son verdict en choisissant son camp »

Homme d’affaires, engagé au sein de la majorité présidentielle, Mohamed Mahmoud Ould Moctar Salem, est l’artisan de l’opération qui a réuni tous les acteurs politiques d’Arafat (dans la moughataa de Boutilimitt en novembre dernier).

 

Dans cet entretien, il dresse le tableau du paysage politique actuel, aborde les problèmes de l’heure et les perspectives d’avenir. Interview.

Canalrim : Les partis politiques semblent soumettre, en ce moment, la scène politique au verdict de la rue, à votre avis s’agit-il d’un phénomène saint ?

Mohamed Mahmoud Ould Moctar Salem : Tout d’abord, je saisis cette occasion pour vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’expliquer sur des questions qui intéressent mes compatriotes dans le contexte qui prévaut actuellement.

Pour revenir à votre question, je vous rappelle que la rue, c’est le peuple et le peuple a donné son verdict en choisissant son camp lors des élections du 18/07/2009 et qu’il n’a cessé de le clamer- depuis- haut et fort.

Mais, au delà des rivalités politiciennes de basses chapelles, notre classe politique se doit de prendre un peu de hauteur par rapport aux événements circonstanciels en se hissant au niveau des ambitions de notre peuple.

Les défis sont énormes : ils sont d’ordre stratégique (pérennité de notre pays), sécuritaire (défense de nos frontières et quiétude de nos citoyens), culturel (refonte de notre système éducatif), économique (développement harmonieux prenant bien soin de la dimension sociale) et bien sûr politique (réussir un ancrage d’une culture démocratique où cohabitent une majorité et une opposition assurant pleinement-chacune en ce qui la concerne- le rôle qui lui est dévolu.

Mais, nous devons à court terme, parer au plus pressé et éviter à notre pays l’épreuve de la rue qui-je pense- n’est dans l’intérêt de personne.

C’est pourquoi je lance un appel solennel, à l’ensemble des acteurs politiques, sociaux et culturels pour l’ouverture d’un dialogue profond, franc et serein touchant toutes les questions de divergence et débouchant sur une entente sur l’essentiel. Ils devront pour cela, dépasser leur égo, sacrifier leurs ambitions, mais la Mauritanie est à ce prix. C’est seulement dans un contexte pareil que nous pouvons consolider les institutions de la république et assurer la pérennité du pays.

Dans la perspective des élections municipales et législatives, y aura-t-il, selon vous, un espoir de changement dans la configuration du paysage politique actuel ?

Avant de vous livrer mes pronostics, je vous rappelle que les élections législatives et municipales précédentes s’étaient déroulées dans un climat de transition incertaine dominée par la compétition de formations politiques naissantes ou en gestation (indépendants) avec des partis qui avaient l’avantage du terrain.

Le pays venait juste de sortir d’une époque de monolithisme politique de fait où personne ne croyait plus vraiment à la sincérité ni à la transparence de l’opération électorale.

Je crois que nous sommes aujourd’hui, dans une configuration totalement différente, caractérisée par une plus grande lisibilité des perspectives et par un rapport de force favorable aux hommes du terrain, qui-je pense- bénéficieront d’une prime de situation.

Nous avons, nous, par exemple, un parti -l’UPR- qui a fini la mise en place de ses structures et qui est en état de réussir des performances importantes.

Aussi, la forte demande du renouveau de la classe politique et l’aspiration des jeunes et des femmes à une plus grande implication dans la vie publique seront-elles de nature à favoriser l’émergence d’un paysage politique reconfiguré.

La coordination de l’opposition estime que la lutte contre la gabegie n’est qu’un slogan creux dont l’objectif est de détourner l’attention du citoyen des préoccupations de tous les jours, quelle est votre appréciation de la guerre menée par le président de la république, Mohamed Oud Abdel Aziz, contre ce fléau ?

Je reconnais à l’opposition le droit de critiquer la politique du gouvernement, mais j’aurais préféré qu’elle instaure une dose de réalisme et d’objectivité dans son discours.

Tous les observateurs objectifs reconnaissent aujourd’hui les progrès énormes réalisés dans ce domaine.

C’est ainsi que des dizaines de milliards livrés sans contrepartie ont été récupérés pour le trésor public alors qu’ils étaient passés par pertes et profits sous d’autres régimes. J’observe ici, que pour une fois, les cibles n’étaient pas triées, et que des fonctionnaires et des personnalités proches du pouvoir en avaient faits les frais, malgré le risque politique que cela comportait pour un candidat à l’élection présidentielle.

Le contrôle systématique des administrations et des entreprises publiques prête désormais à conséquences en donnant lieu à des mises en demeure de payer suivies d’effet ou à des acquittements.

La rationalisation des ressources du pays a touché plus d’un secteur, à commencer par les mines où la révision de certaines clauses de contrats a permis de récupérer des montants importants auprès des firmes opérant sur le territoire.

Le recensement, la récupération ou l’affectation des véhicules de l’administration procède de la même logique en permettant à l’Etat d’économiser leurs frais (avérés ou fictifs) d’acquisition, de carburant, d’entretien et de réparation, mais aussi de mettre à la disposition de tous les fonctionnaires et agents de l’Etat des compensations financières dont bénéficiait seulement une minorité.

Il en va de même pour les conventions de logement, et pour la prise en charge des frais d’électricité, d’eau et de téléphones.

Le nomadisme politique est l’une des principales caractéristiques de certains politiques. Ces derniers temps, des partis de l’opposition ont migré vers la majorité et vice-versa, quelle est votre analyse de ce phénomène ?

Nous sommes un peuple de nomades. Mais, le passage du nomadisme pastoral du désert au nomadisme politique de la ville n’est pas un phénomène de bonne santé politique.

Je pense qu’il résulte principalement de la conjonction de plusieurs facteurs :
- L’absence de programmes cohérents, clairs, distinguant les formations et liant les dirigeants.

- La faiblesse de l’ancrage de la culture démocratique au sein de notre classe politique.

- l’absence d’une vision de long terme chez la plus part de nos hommes publics incapables de s’inscrire dans des perspectives d’alternance au pouvoir.

- la professionnalisation de « la fonction politique » qui devient un gagne-pain pour certains les poussant à soutenir les pouvoirs en place pour bénéficier de leurs largesses ou à s’y opposer pour susciter leur propre récupération.

Ceci étant, la vie politique n’est pas figée, et il est bien utile de réévaluer en permanence les situations, les contextes, les données du moment, et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Gardons-nous donc bien d’assimiler des transferts politiques justifiés à des migrations opportunistes.

La sous-région a connu, ces derniers temps, de fortes contestations sociales en raison de la cherté de la vie, ne craignez-vous pas, A Dieu ne plaise, que le phénomène s’étende à la Mauritanie ?

Comparaison n’est pas raison comme dit le dicton. Vous savez que les événements auxquels vous faites allusion résultent de plusieurs décennies d’exclusion sociale, de confiscation de libertés, de bâillonnement de la presse et bien sûr de marginalisation de tous les acteurs politiques. Cette situation n’a que trop duré et on pouvait s’attendre à tout moment à cette explosion.

S’agissant de la Mauritanie, Monsieur le Président de la République a heureusement pris le devant des choses : sa priorité était de soulager la souffrance endurée par les plus démunis, les laissés-pour-compte des régimes successifs de ces dernières décennies.

Ce qui s’est traduit par des programmes à court terme (allégement des prix, opération Ramadan, distribution de terrains, raccordement au réseau d’eau et d’électricité,) et à long terme (infrastructures routières, portuaires, enseignement technique, professionnel et académique, aménagement du territoire…etc.) et par la résolution des problèmes nés du passif humanitaire. Notre presse écrite ou électronique est libre et totalement indépendante ; nos partis politiques, nos organisations de droits de l’homme et de la société civile, nos syndicats ne souffrent- que je sache- d’aucune restriction de quelque ordre que ce soit. J’attire d’ailleurs votre attention sur une singularité bien mauritanienne : les partis d’obédience islamique ont été légalisés par l’actuel Président et des débats ouverts ont été organisés sans tabous ni interdits. D’ailleurs la libération des prisonniers salafistes et les projets de construction d’une grande mosquée, d’édition d’un saint Moushaf, d’ouverture d’une radio dédiée aux sciences du saint coran, et de recrutement de 500 Imam entre autres réalisations ont conduit les autorités religieuses du pays à attribuer au Président Mohamed Ould Abdel Aziz le titre de « Président des Œuvres islamiques ».

Aussi notre société, parfaitement enracinée dans ses valeurs islamiques de tolérance, de solidarité et de modération, nous met-elle donc à l’abri de ces débordements.

Il va de soi, que ce contexte peut aujourd’hui, être exploité et instrumentalisé, par qui voudrait bien freiner le développement de notre pays, nuire à sa stabilité et à la concorde de ses citoyens mais, notre devoir à tous est d’être vigilants et de faire barrage à toute velléité subversive.

L’opposition mauritanienne considère que les réalisations du président Mohamed Oud Abdel Aziz se limitent jusqu’ici à la réhabilitation des grandes avenues et à la restructuration des cartiers précaires, dont le coût énorme ne correspond pas à la politique de rationalisation des dépenses publiques prônée par le gouvernement, d’autant que ces projets étaient déjà programmés depuis longtemps et dont certains avaient obtenu le financement bien avant l’élection du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Que répondez- vous à ces allégations ?

Je rappelle ce que j’ai souligné plus haut concernant le droit de l’opposition à critiquer l’action du gouvernement mais je suis surpris qu’elle trouve à redire dans la restructuration des quartiers précaires (15.000 parcelles à Nouakchott et 4462 à Nouadhibou) par exemple et qu’elle n’apprécie pas à sa juste valeur le travail accompli.

En ce qui concerne les projets déjà programmés, vous savez comme moi que c’est une chose de programmer des projets mais c’en est une autre de les tirer des tiroirs et de les réaliser.

Dans ce climat, permettez-moi de revenir au contexte historique qui prévalait à l’époque de l’accession du Président au pouvoir avant de rappeler brièvement certaines de ses réalisations.

Historiquement, le Président a hérité d’un pays dépourvu de toutes infrastructures, sans administration, sans système éducatif approprié, malade de son élite, menacé dans sa structure sociale et incapable d’assurer à ses citoyens les services élémentaires de base : la sécurité, l’éducation, la santé, l’alimentation, l’eau, l’électricité, le logement, le transport, pour ne citer que ceux là.

Le contexte international de l’époque, caractérisé par une crise sans précédent (flambée des prix des matières premières, faillite des grandes économies, fragilisation des institutions internationales ….etc.) ne facilitait pas non plus le recours à une solution extérieure.

Face à cette situation, il fallait opérer des arbitrages et définir des priorités. Ce qui fut fait.

Et vous verrez que l’ampleur des réalisations, accomplies ou programmées depuis l’accession du président au pouvoir, dépasse largement le travail réalisé ces dernières décennies.

D’ailleurs la principale caractéristique de ce régime est son niveau élevé de prise de conscience des conditions requises pour bâtir un état moderne, respecté de par le monde, réconcilié avec lui-même, et jouant pleinement son rôle sur la scène internationale.

Et comme l’a si bien dit le président « le chemin du redressement et de la reconstruction est long et parsemé d’embûches » mais tout cela ne résiste pas à l’ambition et à la volonté affichées par le président.

C’est ainsi que sur le plan de la sécurité, la réorganisation des forces armées et de sécurité, l’amélioration de leurs conditions de vie et leur dotation en moyens humains et matériels adéquats ont permis de sécuriser nos frontières, désormais traversées à partir de points de passage bien délimités et d’accéder à des régions ( DHAR) livrées voici peu à la loi de la jungle en plein désert ! Et les résultats ne se sont pas fait attendre (saisie de 10 Tonnes de stupéfiants et transfert 247 trafiquants à la justice). Dans le même ordre d’idées, il a été décidé de créer un nouvel organisme chargé de la sécurité routière et de la lutte contre le crime organisé. D’autres décisions comme le regroupement villageois (TIRISAN) procèdent de la même logique en permettant de centraliser les efforts et de rationaliser les dépenses mais augurent surtout de l’avènement d’une nouvelle politique d’habitat et d’urbanisme conforme aux standards modernes.

Au niveau diplomatique, la rupture des relations controversées avec Israël replace le pays dans son environnement naturel et élimine un foyer de tension politique permanente.

S’agissant des grands projets d’infrastructure, nous venons d’inaugurer Aftout Essahli, et on s’apprête à lancer Atout Echarki et l’exploitation du lac de DHAR devant couvrir les besoins d’ADELBEGROU, NEMA, et TIMBEDGHA.

Dans le domaine énergétique, secteur de développement par excellence, de gros investissements sont en cours de réalisation ou en stade avancés comme la centrale énergétique de 36 MW à Nouakchott, la centrale éolienne de 5 Mégawatts à Nouadhibou, la centrale photovoltaïque de 30 Mégawatts à Kiffa, et la centrale éolienne de 30 Mégawatts à Nouakchott. Ils permettront, à terme, la substitution d’énergies propres aux énergies polluantes décriées de par le monde.

Dans, un autre domaine-non moins important- chacun se souvient de la situation du fleuron de notre industrie, la SNIM qui était à deux pas de passer dans des mains étrangères, au prétexte de sa faillite virtuelle, et qui aujourd’hui renoue avec les performances (11,5 Millions de tonnes avec un chiffre d’affaire avoisinant un milliard de dollars). Quant aux sociétés étrangères Taziast Mauritanie et MCM, le cumul de leurs recettes fiscales cette année dépasse 14 milliards d’ouguiya contre 700 millions en 2009 avec une mauritanisation de leur personnel (3% d’expatriés au lieu 14% précédemment). Cette tendance trouve son écho dans l’embauche de 1377 chômeurs cette année et la création d’une école des mines dont les cours débuteront l’année prochaine.

Un autre secteur, vital lui aussi, a fait l’objet d’attention particulière. Il s’agit du désenclavement de plusieurs régions du pays et de la viabilisation de certaines villes par la construction de nouvelles routes bitumées ou leur réhabilitation comme les routes de Elghaira-Barkéol (79 KM) ; Chegar-Male-Sewata (87 KM) ; Atar-Tidjikdja-Kiffa-Sélibaby-Kayes (540 KM). Les études de faisabilité pour d’autres tronçons sont lancées comme Aftout-Echarki Mounguel-essewata) et (Mounguel-Elghabra-Boulahrath-Barkéol-M’bout).

Sur le plan de la protection de la nature, 500.000 arbustes ont été plantés sur une superficie de 500 ha pour protéger la ville Nouakchott et 6256 km de réseaux d’isolation contre les incendies ont été tracés. Mais le plus important reste l’investissement dans la santé et dans le capital humain.

C’est ainsi que des hôpitaux spécialisés (cardiologie, oncologie, pédiatrie) ont été créés ou réhabilités(NKTT), des centres de santé ont étés dotés en équipements de dialyse (Nktt, Kiffa, les deux Hodhs, Ndb, Cheikh zaid) et des concours organisés pour recruter des professeurs et des assistants à la faculté de médecine de Nouakchott.

Quant à l’éducation, nous devons souligner l’accent mis sur la qualité concrétisé par la création d’écoles d’excellence civiles et militaires, par le lancement des travaux de construction de l’université de Nouakchott et de sa cité universitaire.

Aussi des établissements d’enseignement supérieur ont été créés comme l’institut supérieur d’enseignement technologique (Rosso), l’institut supérieur de gestion et d’administration des entreprises ainsi que d’autres pôles d’enseignement techniques (Zouérat).

Certes, d’autres réalisations importantes n’ont pas étés citées que ce soit au niveau du transport (Air Mauritanie internationale, STP……), de la pêche ou d’autres secteurs mais cette liste loin d’être exhaustive se veut simplement illustrative.

Je voudrais signaler ici que si dans un laps de temps si court des réalisations aussi importantes ont vu les jours qu’en sera-t-il si nous apportons tous notre soutien au président de la république en lui laissant le temps d’accomplir son œuvre.

Certains de vos proches affirment que vous ne savez pas faire les choses à moitié, ils vous qualifient souvent d’homme « très fortement engagé », indépendamment du camp dans lequel vous vous situez. Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à choisir la majorité plutôt que l’opposition ?

Je ne sais pas si le jugement que vous prêtez à certains de mes proches correspond parfaitement à mon tempérament ; ce que je sais, par contre, c’est que j’ai l’habitude de prendre les choses au sérieux et surtout en politique. C’est vrai, quand j’étais à l’opposition, ça l’est encore davantage aujourd’hui dans la majorité.

Pour moi, l’opposition n’est pas une fin en soi mais un moyen de parvenir à des objectifs et le chemin pour y arriver n’est pas tracé d’avance. C’est pourquoi, quand j’ai vu Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz réussir à réaliser l’essentiel de ce pour lequel nous militions-et je viens de vous en faire la synthèse-je n’ai pas hésité à le soutenir. Je connaissais personnellement le Président et je le savais sincère, fidèle à ses principes, déterminé, et plein d’ambitions pour la Mauritanie. Je vous renvoie d’ailleurs aux déclarations récentes de certains dirigeants de l’opposition ménageant le Président de la République.

En ce qui me concerne, je me suis concerté à l’époque avec mes proches et certains de mes amis politiques, et nous avions lancé plusieurs initiatives de soutien dont le point d’orgue était la manifestation organisée à Arafat (Boutilimit), en date du 01/05/2010, et dont votre site a d’ailleurs assuré une large couverture.

Propos recueillis par Hamdi

Source  :  CanalRim le 23/01/2011

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