KASSATAYA le 17/01/2011. Dimanche 16 Janvier le verdict de la cour est tombé à l’encontre de Mme Oumelmouminine mint Bakar Vall : 6 mois de prison ferme pour « exploitation de mineures ».
C’est la fin « judiciaire » d’une affaire qui a tenu le pays en haleine depuis le 13 Décembre.
Rappel des faits : le 13 Décembre 2010, des militants des Droits de l’Homme se présentent au domicile de l’accusée afin de dénoncer un cas avéré d’esclavage concernant 2 mineures. S’en suivent, au Commissariat, des altercations avec les forces de l’ordre quand il est signifié à Mr Biram ould Dah ould Abeïd, Président de l’IRA et membre du groupe, l’interdiction de pénétrer dans le bureau du commissaire.
Biram ould Dah ould Abeïd est alors, avec ses compagnons, incarcéré. Leur procès s’ouvre le 5 janvier 2011 dans une atmosphère tendue. Les prévenus sont jugés pour « flagrant délit de rassemblement non autorisé, coups et blessures contre des auxiliaires de la justice, constitution d’association non autorisée, appartenance à une organisation non autorisée ».
Le 06 janvier le verdict tombe : Biram ould Dah ould Abeïd est condamné à 6 mois de prison ferme assortis d’une amende de 500 000 UM, amende qui devra servir de dédommagements aux policiers considérés comme blessés lors de l’altercation qui les a opposé au prévenu le 13 Décembre dernier. Ses compagnons,Cheikh ould Abidine et Alioune ould M’Bareck Fall sont condamnés à la même peine. Ses autres compagnons, Balla Touré, Dah ould Boushab et Mouloud ould Bouby sont, eux, condamnés à la prison avec sursis, condamnation assortie d’une amende de 100 000 UM.
Le jugement et le verdict sont aussitôt condamnés par les organisations de Défense des Droits de l’Homme et enflammme la presse.
L’esclavage au centre des débâts :
Le 13 Janvier s’ouvre le procès d’Oumelmouminine mint Bakar Vall et des mères des 2 mineures pour « exploitation de mineures ». Le Procureur requiert à l’encontre de la « patronne », une peine de prison d’un an ferme. La Cour sera plus clémente et, le 16 janvier, est prononcée à l’encontre d’Oumelmouminine mint Bakar Vall une peine de prison de 6 mois fermes. 6 mois de prison avec sursis sont prononcés à l’encontre des mères des 2 jeunes filles dont le cas a été à l’origine de l’affaire.
La mise en examen d’Oumelmouminine mint Bakar Vall avait suscité l’espoir chez les défenseurs des Droits de l’Homme et pouvait laisser croire en une évolution de la justice. Pour la première fois étaient jugées des personnes dans un cas d’esclavage.
La déception est à l’image des accusations portées à l’encontre des 3 femmes. Ces dernières n’étant pas punies pour pratiques esclavagiste mais pour « exploitation de mineures », le débât revient à la case départ.
Depuis des années militants des Droits de l’Homme et politiques se déchirent sur la notion d’esclavage : « séquelles d’esclavage » pour certains, « esclavage avéré » pour les autres, le débat divise profondément la société mauritanienne.
Réguliérement des affaires de cas avérés d’esclavage défraient la chronique. Des plaintes sont déposées. Mais la justice reste muette malgré la loi de 2007 criminalisant l’esclavage. Cette loi promet des sanctions envers les personnes reconnues de pratiques esclavagistes. Mais jusqu’à aujourd’hui aucun « maître » ou « maîtresse » n’a encore été jugé.
Et ce n’est pas le verdict prononcé à l’encontre d’Oumelmouminine mint Bakar Vall qui va pacifier les débâts.
Car la question centrale est bien celle des haratins, libres de par la loi mais maintenus, pour beaucoup d’entre eux, dans un statut de servilité sociale et économique. Exploités, sous payés, méprisés, ils sont, depuis quelques années, devenus l’enjeu de forces politiques : pour certains, comme Biram ould Dah ould Abeïd, ils ne sont pas « maures » mais appartiennent aux « négro- mauritaniens ». Pour d’autres ils sont « arabes ». Donc, participant au mouvement idéologique qui veut que la Mauritanie soit un pays arabe.
Quoiqu’il en soit Haratins ils sont, Haratins ils restent, dans une société fortement conditionnée par des pesanteurs sociologiques perverses qui font que la « tâche » originelle ne s’efface pas.
Les diverses crises économiques ont jetté des dizaines de milliers de haratins vers les bidonvilles des grandes villes ou vers le « Triangle de la Pauvreté » où ils survivent dans des conditions économiques difficiles.
Les différentes tentatives de « libérer » par la loi les Haratins n’étant pas accompagnées de mesures économiques permettant une émancipation effective vis à vis des anciens maîtres, ont fait que beaucoup sont restés dans le giron des anciens propriétaires.
Ils ont aussi été les enjeux de politiques plus pernicieuses, jouant contre leur grè, le rôle de « repoussoir » des populations du Sud chassées après 1989. Des terres ont été offertes à des familles haratins, en particulier dans le Sud vidé d’une partie de sa population lors des évènements douloureux de 1989 et 1990.
Depuis l’annonce du retour des réfugiés du Sénégal on ne compte plus les conflits ouverts entre ces Haratins et les anciens propriétaires des terres qu’ils cultivent actuellement.
Une situation explosive malgrè les dénégations des politiques au pouvoir.
La grande question de savoir combien de personnes représentent les Haratins est une question tabou : nulle statistiques, nulle répertoriation, nulle nomenclature « officielle ». Motus officiel et officialisé.
La question fâche, gêne, jusqu’au sommet de l’Etat.
Face à la pression des bailleurs de fonds l’Etat, par le biais de la loi de 2007 censée criminaliser l’esclavage, a semblé vouloir enfin aborder le problème.
Le procès de l’affaire « Oumelmouminine mint Bakar Vall » vient de briser les espoirs. La justice a laissé passer une chance de mettre, enfin, les pratiques et survivances esclavagistes qui gangrènent la société mauritanienne au centre des préoccupations politiques. Encore un rendez vous manqué avec l’Histoire….
Mariem mint DERWICH