Mauritanie. Le péril jeune face au terrorisme

À l’instabilité politique et aux difficultés économiques qui fragilisent la république islamique depuis près de cinquante ans, vient s’ajouter la menace terroriste, surtout pour les jeunes.

 

La Mauritanie est un condensé de différents écueils qui menacent nombre de pays africains. Ce grand pays au relief et au climat peu propices à l’agriculture n’est pas dénué de richesses souterraines. Pas de quoi se sentir pousser des ailes, mais suffisamment pour imaginer en tirer quelques profits et quelques sources de financement indispensables à la construction d’un modèle économique productif et pérenne. Cela va de soi, me direz-vous. Mais en Mauritanie comme ailleurs sur le continent, l’évidence et la raison ne sont pas toujours des concepts très partagés…

Sur un plan politique, il est grand temps qu’un véritable pouvoir civil s’impose et parvienne à s’inscrire dans la durée. Car là réside un des maux majeurs de cette nation cinquantenaire : l’instabilité et les coups d’État fomentés (et généralement réussis) à la moindre « contrariété » éprouvée par leurs auteurs empêchent toute vision appliquée sur le moyen ou le long terme, toute esquisse d’un projet de société. Pourtant, c’est bien d’un projet de ce type dont la Mauritanie a le plus urgent besoin. C’est le pire déni qui puisse menacer un pays : ne pas prendre en compte les bouleversements et les lignes de fracture qui chahutent un modèle social devenu obsolète par tant de bouleversements survenus au cours des deux dernières décennies.

Mutation

La société mauritanienne demeure percluse d’inégalités. Les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux, les Maures, les Négro-Mauritaniens, les Haratines… L’égalité entre les citoyens demeure un lointain mirage, que les politiques se font fort, à chaque élection, de vouloir transformer en miracle, sans résultats probants jusqu’ici. Pis, cette société traverse une mutation sans précédent et restée, aujourd’hui, sans réponse adéquate. Les Mauritaniens se sédentarisent à la vitesse grand V. Et c’est toute une jeunesse, privée de repères et de « tuteurs », qui se retrouve livrée à elle-même dans les rues et les faubourgs des grandes villes.

Le noyau familial implose, les règles de solidarité et les convenances s’estompent. L’âme de la Mauritanie, nation musulmane tolérante et accueillante, se délite. Cette jeunesse désœuvrée n’a plus de guide familial, tribal ou spirituel. Reste internet, la télé et… les théories d’un autre âge d’Al-Qaïda et consorts, qui constituent aux yeux de certains le seul bâton sur lequel s’appuyer, la seule oreille susceptible d’écouter leurs inquiétudes et la seule épaule sur laquelle s’épancher. Terreau fertile, s’il en est, au recrutement de candidats djihadistes…

La lutte contre le terrorisme est une nécessité dont les dirigeants de Nouakchott ont pris toute la mesure. Mais, comme sous d’autres cieux, à Rabat, à Alger, à Tunis ou à Bamako, c’est aux racines du mal qu’il faut aussi, et peut-être surtout, s’attaquer.

Les mutations d’une société, quelles qu’elles soient, ne représentent en rien un péril insurmontable. Les peuples évoluent, changent de repères, s’adaptent à leur environnement depuis la nuit des temps. En revanche, ne pas tenir compte de ces changements plus ou moins profonds, de ces nouvelles aspirations qui émanent d’une jeunesse déboussolée constituerait une faute aux conséquences difficilement réparables. Il n’est pas trop tard pour, enfin, s’en préoccuper. Et ce n’est plus la responsabilité des seuls politiques, mais celle de tous les Mauritaniens.

Marwane Ben Yahmed

Source  :  Jeune Afrique le 17/01/2011

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