L’annonce officielle, faite tambours battants par les pouvoirs publics de l’arrêt des opérations de rapatriement des réfugiés au Sénégal, continue de susciter de grands élans de contestation, mais également de vive consternation
au sein des milieux associatifs mauritaniens, longtemps engagés dans cet épineux dossier, pour lesquels, des milliers de déportés attendent encore leur retour au bercail après de longues années d’exil forcé.
Tout a commencé quand le ministre de l’intérieur et de la décentralisation a officiellement annoncé le 31 décembre dernier, la fin des opérations de rapatriement des réfugiés mauritaniens au Sénégal, soulignant que la mise en œuvre dudit processus avait permis l’installation de 20.433 personnes, soit 4.984 familles, réparties sur 118 sites d’accueil de leur choix. Le gouvernement souligne également que prévue à l’origine pour accueillir un potentiel de rapatriés de 12.000 personnes et pour prendre fin le 31 décembre 2008, l’opération de rapatriement volontaire a été une première fois prorogée jusqu’au 31 décembre 2009.Cette nouvelle déchaîna aussitôt les passions sur cet épineux dossier, qui malgré les nombreuses insuffisances et manquements, arrivait parfois à calmer les esprits de rapatriés convaincus qu’il faut laisser le temps au temps pour que les pouvoirs publics puissent trouver et prendre les solutions qui s’imposent au cas par en cas, tout en évitant des mesures faites dans la précipitation qui entraîner par la suite de réelles complications à une affaire très sensible où les aspects social et économique entre beaucoup en jeu.
Au menu des nombreuses réactions de contestation et de protestation, on note essentiellement celles du porte-parole du Comité directeur des réfugiés mauritaniens au Sénégal, Mamadou Wane, de la Coordinations des organisations de réfugiés mauritaniens au Sénégal et de la présidente du Comité de Solidarité avec les victimes des violences des droits de l’homme (CSVVDH), Mme Lalla Aicha Sy.
Le premier a très vite dénoncé la décision du gouvernement mauritanien, estimant que cette mesure est ‘’contraire aux accords tripartites’’ et qu’elle est unilatérale, précisant qu’elle traduit une volonté de ne pas rétablir les réfugiés dans leurs droits tels que rentrer au pays, récupérer leurs terres et leurs villages, avoir l’accès à l’emploi et aux pièces d’état-civil…. ‘’Si les gens doivent rentrer, ils doivent avoir la garantie de la communauté internationale. Un retour qui n’est pas sous l’égide du HCR n’a aucune garantie’’, selon Mamadou Wane.
De son côté, la coordinations des organisations de réfugiés mauritaniens au Sénégal a fait part dans un communiqué publié au lendemain de cet arrêt officiel des opérations de rapatriement des réfugiés mauritaniens au Sénégal de son indignation, dénonçant vigoureusement ce qu’elle a qualifié comme des ‘propos malveillants, dangereux’ et contraires à l`esprit des accords tripartites signés en 2007. Elle a interpellé également la communauté internationale et en particulier les parties tripartites prenantes de ces accords à respecter leurs engagements.
Enfin, pour Mme Lalla Aicha Sy, présidente du CSVVDH, elle n’a pas dissimilé son grand étonnement face à cette décision des pouvoirs publics, qui selon elle a été prise à des moments où les informations détenues par le HCR évoquent la présence physique de 5000 réfugiés mauritaniens au Sénégal, non encore rapatriés et qui, selon elle, avaient exprimé avec prestance leur désir ardant de regagner la patrie. Evoquant le cas des réfugiés mauritaniens au Mali, dont le cas n’a pas été examiné au départ du processus, Lalla Aicha Sy a indiqué aussi que cet aspect rend tout arrêt des opérations de rapatriement déplacé.
A propos des cas d’expropriations foncières dénoncées dans la vallée du fleuve Sénégal, cette militante des droits de l‘homme, a précisé que leurs confiscations constitue une violation de la loi, que les terres doivent obligatoirement être restituées à leurs ayant droit au lieu d’être attribuées à des sociétés étrangères moyennant des contreparties contre la dignité de toute une communauté prête à lutter jusqu’à la dernière sueur pour recouvrir et de jouir de leur droits.
Enfin, notons qu’aux dernières nouvelles, plus de 5 000 réfugiés mauritaniens du Sénégal et candidats au retour dans leur pays désespèrent aujourd’hui d’être rapatriés. Entre 1989 et 1991, plusieurs milliers de Négro-Mauritaniens avaient fui les violences interethniques sévissant dans leur pays d’origine et trouvé refuge au Sénégal et au Mali.Depuis janvier 2008, le HCR procède au rapatriement volontaire de plusieurs milliers de réfugiés mauritaniens installés dans le Nord du Sénégal, à la suite d’un signé en novembre 2007 avec les autorités des deux pays.
Amadou Diaara
Source : Le Rénovateur le 13/01/2011