La Mauritanie qui est désormais touchée par tous les grands trafics transfrontaliers, dont ceux de la drogue, des cigarettes et des armes, n’échappe pas à celui non moins lucratif des voitures volées, qui depuis plus de dix ans, inondent son marché et même au delà.
Cette situation inconfortable vient d’être remise sur le tapis par un courrier de l’ambassadeur représentant de l’Union européenne à Nouakchott, Hans-Georg Gerstenlauer adressé au Ministre des Affaires Economiques et du développement Sidi Ould Tah.
Dans ce courrier l’ambassadeur relève que, suite à sa dernière correspondance citée en référence. Il adressait en pièces jointes, un rapport photographique que ses services ont effectué dans Nouakchott.
« En une heure de circulation dans la ville une trentaine de véhicules immatriculés en Europe et en vente dans les bourses de la ville ont été photographiés, dont treize véhicules de luxe. Sur ces treize véhicules haut de gamme, après une vérification auprès des services européens spécialisés, neuf se sont avérés être volés. »
Ensuite l’ambassadeur rappelait que comme il l’avait souligné dans un courrier précédent, l’administration mauritanienne avait un accès immédiat aux bases de données de véhicules volés en Europe, implicitement il se demandait pourquoi elle ne faisait pas usage de cette prérogative.
L’ambassadeur affirmait aussi et faisait remarquer au ministre qu’en ville, beaucoup de véhicules de luxe n’ont plus leur plaque d’immatriculation ou sont en vente avec des plaques mauritaniennes. Etant dans l’impossibilité de vérifier la provenance de ces véhicules, mais il affirme qu’on peut supposer qu’ils ont la même origine frauduleuse. « Cela pourrait se vérifier, par la consultation des mêmes bases de données, au travers de leur numéro de châssis, mais seul l’administration peut réaliser cette opération. »
L’ambassadeur rappelle aussi au Ministre qu’en mars 2010, les deux parties avaient convenu de ne pas intégrer l’engagement de lutte contre le trafic de véhicules lors de la révision des engagements de Gouvernance du 10ème FED car ce problème pouvait être traité par ailleurs.
Mais que voyant plus de six mois plus tard que le volumes de voitures qui font l’objet de ce trafic ne fait qu’augmenter il était urgent de le traiter. Enfin l’ambassadeur rappelait que dans un courrier précédent, il avait proposé des actions possibles et sans coût additionnel pour l’administration mais qu’aucune suite ne lui avait été donnée.
Et pour finir l’ambassadeur soulignait qu’étant donné l’intérêt sur cette question spécifique dont le Président de la République en personne lui avait fait part lors de leur dernière entrevue, il en adressait copie au Secrétaire Général de la Présidence.
Les 4×4, très populaires en Mauritanie
A partir de là, on est en mesure de se demander pourquoi le ministre ne saisit-il pas ses collègues concernés pour prendre les mesures idoines ? Qui cherche-t-il à protéger ?
Interpol (Organisation internationale de police criminelle) dont une des tâches essentielles est d’assurer « l’assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle » souligne que le vol des voitures s’est développé au même rythme que le marché de l’automobile, suscitant l’intérêt des grandes filières du crime organisé.
.Parmi les marques les plus prisées figurent les 4×4, très populaires en Mauritanie en raison de du relief du pays, et les voitures haut de gamme. Les camions et leurs pièces de rechange sont aussi très demandés. Interpol souligne que les groupes du crime organisé se sont intéressés à ce trafic parce qu’il est très lucratif, avec de larges marges de profit et peu de risques. En effet les peines encourues en Europe pour vol de voitures ne sont pas très sévères. Les réseaux sont bien structurés : il y a une parfaite division du travail entre voleurs proprement dit, mécaniciens et passeurs.
Plus de 2,5 millions de voitures volées dans 59 pays.
La base de données ASF (Automated Search Facility) d’Interpol sur les véhicules volés, mise en service il y a quatre ans, contient aujourd’hui des enregistrements concernant plus de 2,5 millions de voitures volées dans 59 pays. Plus de 80 pays l’interrogent régulièrement 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pour savoir si des voitures ont été signalées comme volées. Une solution d’avenir, selon certains experts, pourrait être le repérage des voitures par satellite, système basé sur celui du guidage qui existe déjà sur certains véhicules de luxe vendus aux Etats-Unis.
Les enquêteurs d’Interpol viennent régulièrement en Mauritanie et à chaque fois ils font une excellente moisson de véhicules volés. Le trafic de véhicules volés commence à donner à notre pays une réputation peu flatteuse. Nouakchott, serait devenu la plaque tournante par laquelle les voitures volées en Europe avant d’être liquidées à des prix défiant toute concurrence dans la multitude de « bourses » et marchés de la sous région.
MSS
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 02/01/2011