Mohamed Abdel Aziz: décryptage d’une interview

De l’entretien du président de la République, Mohamed Abdel Aziz,  avec notre estimé confrère Fall Ould Oumère de la Tribune,  il y a beaucoup d’enseignements à tirer. D’abord, comme l’a si bien précisé l’éditorialiste, le mur de son est tombé.

 

Jamais un président mauritanien en exercice  n’a accordé d’interview à un journal mauritanien. Du reste, sur la forme, le président a insisté sur le caractère de prédateur naturel qui constitue le fond  de tout mauritanien, du Nord au Sud. Ceux qu’il a reçus sont souvent venus lui exposer leurs propres doléances, déclare-t-il avec force détails, rêvant du jour où un notable viendra lui exposer un programme communautaire ou national. Avec son humours mordant, le président constate que le seul domaine où les mauritaniens sont auto-suffisants est celui des «porteurs ». Sur l’éducation, il regrette la dérive littéraire de l’éducation où, soutient-il, 85% des lauréats sont formés dans les sciences humaines. Il va falloir, précise le premier magistrat, inverser la donne. Au passage, le président de la république regrette que pendant 50 ans, l’on se soit trop focalisé sur la question des langues. A notre sens, c’est parce que cette question n’a jamais été tranchée qu’il y a eu une inflation de diplômés littéraires dues à la  facilité accordée aux licences originelles. L’islamisme ne vient-il pas justement de là, avec pendant longtemps, une porte ouverte aux bourses aux dons et au wahhabisme saoudien ? Il va falloir reprendre la main à ce niveau.
Bref, au regard de cette interview, le président a deux priorités : la première, c’est la refondation du mauritanien, c’est-à-dire la création du sentiment national, le développement dans l’esprit du mauritanien de la notion d’intérêt général. L’autre priorité c’est le développement des infrastructures. L’accès à l’eau, à l’électricité et la construction des routes sont les piliers essentiels de ce programme. Autant cette dernière priorité est facile, autant la première est difficile. Le Mauritanien n’a jamais intégré l’intérêt général dans sa démarche. La preuve, avancée d’ailleurs par le président, ce rapt de l’espace public de la part de certains commerçants qui ont acquis par la fraude et le détournement de la signature de l’Etat des centaines d’hectares à Nouakchott, alors que la plupart des mauritaniens peinent à trouver un habitat. Pour le mauritanien, tout espace public est à prendre, à razzier ou, à défaut, à salir et à pervertir. La preuve, ces boutiques et habitats qui se développent dans l’anarchie totale  le long des routes  goudronnées.  Autre preuve (que notre confrère n’a pas abordée), la razzia des terres de la vallée par un groupe de commerçants locaux qui se présentent derrière le paravent pompeux d’investisseurs saoudiens. Si ce capitalisme compradore était animé par l’intérêt général, il n’aurait jamais sévi avec une telle impunité contre des citoyens démunis.
Cette éducation civique que nous avons négligée au profit de l’endoctrinement religieux s’avère indispensable pour les civils, les policiers, les gendarmes et les militaires. Sinon, comment expliquer que des policiers utilisant les insignes sacrés de l’Etat rackettent des citoyens à partir de 20 heures pour des soi-disant rafles ?
 C’est dire de la mission stratégique, cruciale qu’attend le président Mohamed Abdel Aziz. Cette interview révèle toute sa détermination à lutter contre la gabegie et toute sa foi dans la Mauritanie nouvelle. Nous l’invitons toutefois à être plus ferme envers les commerçants qui étranglent les mauritaniens par des augmentations continues des prix de certaines denrées ;  à aider les paysans de la vallée à ne pas se faire déposséder de la terre de leurs ancêtre ; à faire comprendre aux préfets et aux commissaires le contenu de son programme.

M.S

Source  :  Mauritanies1 le 29/12/2010

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