L’ancien ministre de Taya, Isselmou Abdel Khader n’a pas mâché ses mots pour évoquer l’esclavage et les difficultés de cohabitation en Mauritanie. C’était à l’occasion du colloque organisé par le Fonadh le vendredi 03 décembre.
Dans son exposé, le Pr Isselmou à dénoncer les pratiques de l’esclavage. Selon lui, aucune cohésion nationale ne saurait se réaliser sans la suppression des derniers bastions de l’esclavage au sein de toutes les communautés mauritaniennes. Il n y aura pas de démocratie tant que des hommes disposent de la vie d’autres, note le Pr Isselmou. Selon lui-même si l’esclavage existe chez toutes les composantes, il est plus horrible et plus cruel chez les maures. « Il y a des hommes qui ont comme esclave, leur propre fils génétique. « Chez nous, il ya encore les esclaves qui se vendent » martèle le Pr. En dépit de tous les discours et des efforts contre l’esclavage, dira-t-il, celui-ci demeure, dans toutes les composantes du pays, sous des formes variées que l’Etat n’a pu éradiquer et que le monde politique hésite à dénoncer par peur de déplaire à certains milieux.
« Certaines tribus maures sont d’origine africaine et de grandes dynasties halpular sont incontestablement d’origine arabe »
Parlant de la cohabitation communautaire, il déclare « un citoyen arabe de Mauritanie doit aimer n’importe quel halpular ou soninké ou ouolof mauritanien plus que tout ressortissant de n’importe quel pays arabe. » Selon lui, sans cette règle qui s’applique à tous, il sera impossible pour nous d’envisager unanimement une seule alternative, celle de la cohabitation. Malheureusement dira-t-il, le débat politique est en panne, suite à un renversement d’un ordre constitutionnel rétabli durant une quinzaine de mois, après vingt ans de régime d’exception. Lorsque la situation sociale est difficile, certains courants de pensée et certains hommes politiques en profitent pour lever des slogans aussi vides de sens que dangereux. Même la police politique des régimes défaillants cherche à susciter des divisions afin d’absorber la détresse des populations en les occupant à s’entredéchirer. Prenant à contre-pieds les souhaits d’un dirigeant politique qui demandait le changement du nom du pays, sa devise et son hymne, l’ancien ministre de Taya déclare « On a entendu ces derniers jours des idées saugrenues évoquant un soi-disant besoin de changer le nom du pays, ou son hymne, comme si cela pouvait améliorer les conditions de cohabitation des ethnies en présence. Au contraire, de telles idées peuvent provoquer des incompréhensions dangereuses, surtout en ce moment où les pouvoirs publics accusent un déficit de légitimité réel ou supposé. » Selon lui d’autres personnes, à défaut d’une bonne cohabitation évoquent la thèse de l’ordre d’arrivée sur ce territoire des différentes ethnies. Sur ce volet, il affirme qu’aucun peuple n’est resté éternellement dans son berceau et que les brassages se sont davantage intensifiés au point qu’il n’est plus possible ni nécessaire de savoir qui est devenu qui. D’autres encore, dira-t-il, pensent qu’il serait possible de séparer les ethnies sans savoir sur quelle base. Sur ce volet, il précise que la séparation sur la base de la couleur est impossible parce qu’une grande partie des Maures d’origine arabe ou berbère est de couleur noire. « Les Chorfa de Néma, de Oualata et de Mbout, les Litama et les Oulad Zeid de Fassala sont plus noirs que les halaybé ou les Hebyabé. Certaines tribus maures sont d’origine africaine et de grandes dynasties halpular sont incontestablement d’origine arabe. »
Pourtant, il est arrivé en 1991 pire qu’en 1989 !
Selon lui, on ne peut trouver une alternative autre que la cohabitation sur des bases durables, car aucune ethnie n’habite une zone en exclusivité. A titre d’exemple, il cite les régions du Trarza, du Brakna, du Gorgol et du Guidimagha où sont concentrées la majorité des négro-mauritaniens. Selon lui, ces contrées sont également habitées par des tribus maures qui y possèdent de vastes terres. Dans les régions du Hodh El Gharbi et de l’Assaba où habitent une majorité de Maures, il existe des communautés négro-africaines, dira-t-il. Mais d’après lui, peu après la naissance de l’Etat national, sont apparus des courants de pensée ségrégationnistes qui ont eu pour nom le nationalisme arabe ou panafricain. Selon lui, les événements des années 1989, 1990 et 1991 ont été le corollaire de cette rivalité, puisque l’Etat ne pouvait plus ou ne voulait plus incarner la diversité et la pluralité du pays. « Notre erreur commune, nous autres démocrates, du moins ceux qui regardent la Mauritanie avec les deux yeux, c’est de croire que ce qui est arrivé en 1989 ne pouvait jamais arriver au pays de Souleymane Bal, d’Abdelkader Kane, Sidi Abdoullah Ould Hadj Brahim, El Hadj Oumar Tall, El Hadj Mahmoud Ba. Pourtant, il est arrivé en 1991 pire qu’en 1989 ! Selon lui, les institutions parlementaires devront peser l’impact des lois, en amont, en ayant égard aux divers substrats culturels. « C’est à cause de la négligence ou l’ignorance de ces substrats respectifs que la loi foncière a été la source d’un conflit sanglant qui aurait pu être évité. »
Synthèse de Dialtabé