Des partis membres de la coordination de l’opposition démocratique mauritanienne, l’UFP est l’un des plus critiques et virulents à l’encontre des autorités actuelles. La dernière sortie du président de ce parti a suscité une vive réaction du camp du pouvoir par l’entremise de l’UPR. Mohamed Lemine Ould Biyé, chargé de communication de l’UFP répond au parti au pouvoir.
Le Parti au pouvoir, l’UPR, a énergiquement réagit à la dernière sortie du président sortant de la COD, président de l’UFP….
Le pouvoir de l’UPR est d’inspiration dictatoriale, bien enraciné dans la logique des sentiers battus et tristement célèbres dans les pratiques politiques sordides cultivant l’idée d’un chef craint, adoré, qui est le seul capable de prendre des décisions, possédant l’autorité et le droit de commander. Ce chef est au-dessus d’une clientèle vouée au soutien aveugle et inconditionnel, le tout contre tous ceux qui osent dire non.
Contre un tel pouvoir, vicissitude des contingences de l’histoire de notre cher pays, l’UFP a osé, par patriotisme et attachement aux valeurs démocratiques, dire non. Non à l’imposture érigée en mode de gouvernement ; non à la mystification du peuple ; non aux discours fallacieux qui rappellent la langue de bois de tous les pouvoirs, sans vision, sans projet digne de ce nom, qui naviguent à vue au gré des évènements conjoncturels, ayant comme souci majeur de servir le chef et ses lobbies occultes, où les slogans qui ne sont que de la poudre aux yeux sont en rupture complète avec les réalités concrètes vécues tous les jours par les populations. Comment peut-on prétendre être le pouvoir des pauvres quand on est le pur produit d’un système politique tenu depuis l’indépendance du pays par une classe politico-économico-sociale dont la conduite est plus de se servir de l’Etat que de le servir ? La pauvreté est une réalité économique et sociale difficile ; un revenu indécent, une exclusion, des frustrations. De telles caractéristiques sont loin d’être celles de ceux qui sont au pouvoir.
Comment peut-on prétendre vouloir construire une Mauritanie nouvelle en cultivant, plus que jamais, le tribalisme, le népotisme, le système injuste des privilèges, le pouvoir personnel ? La Mauritanie ancienne se définit par le règne des courants particularistes, la domination étrangère et la dictature militaire. Une Mauritanie nouvelle n’est possible qu’avec l’avènement d’une société réellement libre, souveraine et démocratique. Or, ni le passé des tenants du pouvoir actuel, ni leur vie quotidienne ne les prédisposent à conduire un projet social innovant.
Mais l’histoire nous enseigne que les démagogues et les populistes surgissent toujours, on ne sait d’où, dans les moments de crise que traversent les peuples ?
La campagne de l’UPR est donc une sorte de reflexe d’une dictature embêtée par les prises de position d’un parti, l’UFP, qui a pu et su dire la vérité sur les conditions de vie des populations et démasqué la nature véritable d’un pouvoir qui mène le pays vers le chaos.
Vous êtes accusés de soutenir le terrorisme et de saper le moral de l’armée mauritanienne ?
De telles accusations sont dénuées de tout fondement, elles sont ridicules et ne peuvent tromper personne. L’UFP défend bec et ongles la souveraineté nationale, la stabilité du pays qui sont les gages de la démocratisation et l’œuvre de développement du pays. Malheureusement ceux qui dirigent le pays semblent peu préoccupés par ces exigences. Oui le terrorisme est un grand danger national et international, mais il y a une manière de le combattre qui n’est pas celle que le pouvoir actuel est en train de mettre en œuvre. Voilà le fonds du problème. Quant à nos positions par rapport à l’armée et son moral, elles sont claires. Nos forces armées sont une institution fondatrice de notre Etat, elles sont emblématiques de notre unité, de l’intégrité de notre territoire et de notre souveraineté nationale. La place et la fonction de l’armée sont définies par la constitution. Je pense que ce n’est pas l’UFP qui a mis l’armée dans les conditions matérielles et techniques difficiles dans lesquelles elle se débat. Ce n’est pas non plus l’UFP qui a envoyé nos valeureux soldats mourir pour une cause obscure. Si le moral de notre armée est sapé, le seul responsable en est le pouvoir actuel qui prend des décisions engageant notre armée sans tenir compte de la constitution, ni du besoin d’un consensus sur une question aussi grave que la guerre.
L’UFP est accusée de connivence avec l’étranger et de fidélité à des idéologies importées (communisme etc.) ?
Quelle connivence avec quel étranger ? Ces accusations sont vraiment curieuses. La vérité est que l’UFP a de tout temps levé très haut l’étendard de l’indépendance nationale, autrement dit le fait que les mauritaniens soient maîtres de leur destin. Si la souveraineté est menacée, si le pays est de plus en plus soumis à un diktat extérieur, c’est du fait des autorités actuelles qui ont accédé au pouvoir, contre toute attente, grâce à des connivences louches, et qui ont très vite jeté le pays dans les méandres d’une guerre par procuration, muselant et/ou embrigadant le peuple au sein duquel on devrait pourtant puiser toutes les énergies pour faire face aux risques venant de l’extérieur.
En ce qui concerne l’éventail des idéologies importées que certains ne se gênent pas d’agiter, il est contre-productif. Je pense que la période actuelle, post-guerre froide, que traverse le monde ne se distingue pas par le langage des idéologies qui sont d’ailleurs à refonder ou à reconstruire. Et puis, c’est d’ailleurs naïf pour ne pas dire imbécile de parler d’importation d’idées dans un contexte mondial où celles-ci circulent forcément grâce au progrès technologique imparable. La bonne attitude n’est pas dans la frilosité, mais plutôt dans le courage et l’honnêteté intellectuels pour s’affirmer et persuader les autres.
Ce que l’on peut reprocher à l’UFP c’est, peut-être d’être constitué par des mauritaniens qui portent des convictions tenaces- ce qui est rare de nos jours- qui ont un vrai projet de société s’articulant autour de l’unité nationale, de la justice sociale, de la démocratie, du progrès économique et du soutien des causes justes dans le monde. Si nous avons importé une idéologie c’est celle-là.
Vous continuez toujours de revendiquer une application effective de l’accord de dakar. Pour les autorités actuelles, cet accord est dépassé…
1.
Nous considérons que cet accord est une source de fierté pour tout le peuple mauritanien qui au cours du mois de juin 2009 n’a ménagé aucun effort pour que les forces politiques nationales entrées dans une crise profonde à la suite du coup de force du 8 août 2008, parviennent à s’entendre afin de remettre le pays sur la voie de la stabilité et de la démocratie. Grâce en particulier à l’intelligence politique et l’esprit de sacrifice du président de l’UFP Dr. Mohamed Ould Maouloud, cet accord a pu naître enfin après d’âpres négociations entre les acteurs nationaux et internationaux de la crise mauritanienne. Cet accord rappelle ceux de Ouagadougou (APO) et de Maputo qui ont ouvert aux peuples ivoiriens et malgaches la voie de sortie de crises gravissimes. Les forces politiques nationales seraient-elles parties aux urnes sans l’Accord de Dakar ? Evidemment non. L’Accord de Dakar est le fondement même de la légitimité du pouvoir actuel dans le pays, il a créé un climat de sortie de crise par un mécanisme de consensus politique. Voilà ce dont un pays comme la Mauritanie, fragile et qui cherche encore son équilibre, a besoin.
L’Accord de Dakar n’est dépassé que dans l’esprit et le comportement du pouvoir actuel. Au contraire il reste la seule voie possible de sortie de crise en Mauritanie. Si les accords sont faits pour ne pas être respecter où va le monde ? On ne peut dire qu’on aime la Mauritanie et rejeter en même temps les solutions nécessaires pour lui assurer un avenir serein. Dans ce registre, je me félicite du dernier discours, d’une très grande portée politique, du Président de l’Assemblée nationale M. Messouad Ould Boulkhair
Gazra, routes bitumées, lutte contre la pauvreté… Pourquoi vous semblez ignorer ces réalisations du pouvoir actuel ?
Le pouvoir actuel fait tout pour montrer qu’avant lui la Mauritanie n’avait aucune consistance. Dans ce cadre, il procède à des actions dont la finalité relève plus de la propagande que d’une stratégie sérieuse, bien étudiée pour asseoir le fondement du décollage du pays. Les routes à Nouakchott, l’éradication des Gazra, la distribution de certaines vivres… tout cela n’est qu’un tintamarre assourdissant mais sans effet réel et durable sur l’amélioration des indicateurs sociaux dans le pays. La propagande développée autour de ces actions est trahie par la dégringolade du pouvoir d’achat des citoyens, par l’abandon du monde rural, par l’insécurité liée à la guerre lancée hors de nos frontières, la décrépitude de l’administration, l’enlisement toujours profond des services publics comme la santé, l’enseignement et j’en passe. Le pouvoir actuel nivelle le pays par le bas !
A voir de plus près, ces actions sont de plus en plus une occasion pour le chef et ses lobbies occultes de mettre du beurre dans les épinards.
En revanche, avant ce pouvoir la Mauritanie avait une opportunité sans précédent de décoller dans un contexte de libertés, de stabilité et de confiance à l’extérieur. Le gâchis absurde est d’avoir donner un coup d’arrêt à cette dynamique vertueuse.
Propos recueillis par Khalilou Diagana