Forum d’échanges et de débats consacré à la problématique des migrations:

Consolider la dynamique de plaidoyer
Les participants au forum d’échanges et de débats consacré à la problématique des migrations, que l’université de Nouakchott  a abrité,  du 2 au 3 novembre dernier, ont  plaidé pour la «défense du  principe de la liberté de circulation» – respect du visa CEDEAO: vers un visa africain ?

 

Ils ont appelé, à la fin de leur conclave, à une «lutte contre les injustices et les inégalités, en réfutant toute volonté de criminaliser les migrants».

Les participants comptent poursuivre et approfondir leurs travaux, en focaliser la recherche sur la migration depuis et sur le Sud. Mais, aussi, préciser la terminologie et la sémantique – exemple , le co-développement – afin de «dialoguer» plus efficacement.
Les participants au forum de Nouakchott entendent peser, à plusieurs niveaux, sur les décisions, en assurant, ensemble et sur la base de leurs recommandations, un plaidoyer efficace sur le double triptyque «migration/citoyenneté/développement» et «immigration/démocratie/développement», pour défendre les droits, lutter contre les discriminations et valoriser toutes les richesses issues des migrations: double présence des migrants, multiples citoyennetés, etc.
Les associations organisatrices comptent, enfin, renforcer, en continuité du forum, le dialogue, avec l’objectif de construire, ensemble, des politiques migratoires réellement concertées, dans le cadre d’une plateforme associative, afin de consolider, au Nord comme au Sud, la dynamique d’échanges et de plaidoyer sur les migrations.
De fait, cette rencontre  se proposait, notamment, de fonder une structure institutionnelle de recherche scientifique, au sein de la faculté des sciences humaines. A l’ouverture, Doulo Fofana, porte-parole du Groupe de Recherche et de Réalisations pour le Développement Rural (GRDR), a déclaré que la rencontre offrait, pour la première fois, aux différentes parties participantes, l’occasion de dialoguer sur les problèmes relatifs à la migration. En s’associant à cette initiative, l’Université de Nouakchott», souligna-t-il, «a choisi de se placer en première ligne de la production de la connaissance et de l’animation de la réflexion, sur les problématiques migratoires, le long des routes du Sud, aussi bien intra- qu’extra-africaines». Il a indiqué que les associations coorganisatrices, en s’impliquant, activement, dans cette action, réaffirment leur conviction que, sans une concertation et des temps forts d’échanges pluri-acteurs, il est peu probable de parvenir à un dialogue politique équilibré, sur les migrations, non seulement, entre pays du Sud mais, aussi, entre ceux-ci et leurs partenaires du Nord.
Les mouvements migratoires demeurent, de l’avis de Thierno MBaye, sociologue à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, «un fait de société très ancien et sont, plus que jamais, d’actualité, pour les sociétés contemporaines. Les migrations constituent une préoccupation majeure, aussi bien pour les pays de destination que pour les nations de départ. Les enjeux de la migration sont multiples, d’ordre économique, politique, social et culturel, tant pour les milieux d’établissement que pour les milieux d’origine. Les fortes communautés concernées par les migrations ont donné naissance à des formes d’organisation associatives qui, non seulement, permettent de lutter pour la sauvegarde des intérêts des migrants mais servent, aussi et surtout, de cadre d’intervention, pour les migrants, au développement local des terroirs de départ. Plusieurs initiatives en ce sens ont, ainsi, vu le jour, sous les auspices de ces associations, prenant en charge des actions d’intérêt public aussi variées que l’assainissement, la micro-finance, la construction de cases de santé ou leur équipement, sans oublier l’adduction d’eau, pour des villages entiers. Ce rôle positif et cette place, centrale, des migrants, dans la vie des terroirs d’origine, ne doivent pas, cependant, cacher les énormes difficultés liées au départ d’une importante frange de la population, souvent constituée de jeunes hommes qui, dans la plupart des cas, connaissent quelques mésaventures liées au chômage, à la stigmatisation, à l’insécurité et aux problèmes d’intégration, dans les pays d’établissement, et qui peuvent conduire, par ricochet, à la paupérisation de leur ménage.

Migration,  nouvel  enjeu des relations Nord-Sud
Les données restent peu fiables, irrégulières, parfois accaparées et ou confidentielles, en  Afrique. La Mauritanie n’échappe pas à cette règle et ne possède pas encore, estime Moctar Ould Hacen, enseignant au département de Géographie à l’Université de Nouakchott, de données fiables et régulières, sur les migrations, importantes, qu’a connues le pays, ces dernières années. Les rares données proviennent, le plus souvent, d’institutions ou de chercheurs étrangers, en particulier du Nord. Un état des lieux est, recommande-t-il, plus que nécessaire, afin de fournir des données, fiables et consensuelles, sur les migrations en Mauritanie, qui prennent de plus en plus d’importance».
«La problématique migratoire est devenue», souligne Samba Yatéra, lors de sa communication: «Quels rôle et place des associations de migrants?», «un nouvel  enjeu des relations Nord-Sud et la migration Sud-Nord, entre l’Afrique et l’Europe, en particulier, est de plus en plus présentée comme une menace économique, sociale et culturelle, pour les populations du Nord.  […] Cette perception explique l’importance accrue de la gestion des flux migratoires, dans les politiques des Etats de l’UE. L’échec des politiques d’aide au retour, initiées par certains pays – France, Allemagne, Pays-Bas – les résultats mitigés de l’approche «co-développement», au milieu des années 90, ont conduit à l’introduction d’un nouveau paramètre, dans la coopération au développement: la gestion des flux migratoires. A partir des années 2000, les Etats-membres de l’UE proposent de lier l’aide au développement aux objectifs de l’Europe, en matière d’immigration, sur la base du postulat qu’en «favorisant le développement des régions d’origine, on limite les départs vers l’Europe», et pour cela, associer, dans l’opérationnalité, les Etats du Sud au contrôle des flux migratoires. […] De fait, la corrélation, entre contrôle de la mobilité et aide au développement, constitue une pression supplémentaire, pour les pouvoirs publics du Sud. Certains Etats africains sont «contraints» d’ériger des barrages, en amont, contre les candidats à l’émigration de leur pays ou des Etats voisins».
Mais les actions des migrants, en faveur de leur pays d’origine, sont multidimensionnelles, selon Yatéra. Elles recouvrent une grande diversité d’approches, nourries de la richesse multiculturelle, et révèlent que les migrations internationales sont sources d’enrichissement mutuel entre territoires. C’est une dimension de mondialisation positive qu’il ne faut négliger.

Compte rendu THIAM MAMADOU

Encadré
Quelques plus-values de la migration, pour le développement de la région du Guidimakha.

Le Guidimakha: un bassin  mythique de migrations et une région à fort potentiel migratoire
Le Guidimakha est une région mythique de migrations. Le phénomène, très ancien, a pris de l’ampleur dans les années 20 et 30, avec, notamment, l’offensive des compagnies industrielles françaises, à la recherche de main d’œuvre bon marché et peu exigeante. Une étude, menée par le GRDR, révèle que la région comptait, en 2000, une population de 200.000 habitants (RGPH 2000) dont 20%, soit 56.900 personnes, vivent à l’étranger. Les informations disponibles indiquent que 72% de ces migrants se trouvent en Europe (France, Espagne), en Afrique de l’Ouest (20 %) et le reste dans les pays arabes et, dans une moindre mesure, aux USA.

Un dynamisme économique avéré
Les timbres vendus, annuellement, par les services postaux de la région, s’élèvent à 4 millions d’ouguiyas (8.200 euros) contre seulement moins d’un million (2.700 euros), pour l’agglomération urbaine de Nouakchott. Les migrants, originaires de cette région et résidents dans les pays développés, injectent, mensuellement, dans l’économie e la région et du pays, environ trois milliards d’UM (8.200.000 euros), non compris les transferts liés aux pensions et retraités des ex-migrants. Les transferts servent à couvrir, non seulement, des dépenses récurrentes de consommation mais, aussi, des investissements infrastructurels – écoles, centres de santé, puits, barrages, marchés,  édifices culturels et religieux, etc. 83 associations de migrants répertoriés, avec une fédération d’associations de migrants en France.

Source : Etude de Virginie Le Couster, ex-stagiaire GRDR, cellule de Sélibaby.

Source  :  Le Calame le 10/11/2010

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