Passage de flambeau à la COD : « La politique officielle de Ould Abdel Aziz est l’absence de toute politique.

En l’espace d’un passage de flambeau à la tête de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), l’opinion a été édifiée sur la vision de l’opposition par rapport aux grandes questions de l’heure, notamment la lutte contre le terrorisme, les divergences de vue au sein de la COD, l’implication de troupes étrangères dans la guerre contre AQM1 dans le Sahel, l’Accord de Dakar… Bref, la gestion des affaires nationales étaient globalement au cœur de la conférence de presse que la coalition des partis de l’opposition avait animée hier, lundi 1er novembre 2010, au siège de l’UNAD. L’occasion pour le président sortant, Mohamed Ould Maouloud (UFP), de revenir sur le combat mené depuis une année contre le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, laissant le soin à son remplaçant Abdel Ghoudouss Ould Abeïdna (UNAD) la mission d’encadrer la troupe pour les combats futurs.

Leaders de partis, militants et sympathisants de l’opposition ainsi qu ’un bon contingent de journalistes de la presse nationale et internationale avaient pris d’assaut hier, lundi 1er novembre 2010, le siège de l’Union nationale pour l’alliance et la démocratie (UNAD). L’objectif était d’assister au passage de témoin entre le président de l’Union des Forces du Progrès (UFP), Mohamed Ould Maouloud qui vient d’achever un mandat difficile et terne, car survenu en pleine vacances (Ramadan, vacances scolaires) et son remplaçant, le président de l’UNAD, Abdel Ghoudouss Ould Abeïdna. Ce dernier a promis au cours de son mandat qui coïncide avec l’ouverture de la prochaine session parlementaire, un retour en force de l’opposition sur la scène politique nationale.

Bilan
Le président Ould Maouloud a profité de l’occasion pour faire le survol du contexte national, marqué selon lui, il y a une année, par des arrestations arbitraires, des persécutions et des chasses à la sorcière qui ont visé essentiellement les militants et sympathisants de l’opposition, citant le cas des hommes d’affaires, puis celui des journalistes qui ont été poursuivis et incarcérés. Il a mis en exergue le courage, la détermination, mais surtout la sincérité avec laquelle l’opposition a combattu tous ces abus. Il a remercié à cet effet les leaders qui ont eu à assurer la présidence de la COD durant ces périodes difficiles, et qui étaient parvenus malgré les obstacles et les contraintes, à défendre les bonnes causes, notamment le respect des règles démocratiques et des droits de l’homme. Selon lui la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance est aussi celle de la COD qui fête sa première année de lutte depuis l’avènement de Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir en 2009. Mohamed Ould Maouloud considère que l’opposition mauritanienne a sauvé le pays de graves dérapages nés des remous qui ont précédé et suivi l’élection présidentielle, avec l’avènement d’un pouvoir personnel, consacré par l’unilatéralisme et la centralisation. Nonobstant les orientations despotiques du régime, souligne Ould Maouloud, l’opposition n’a cessé de lutter pour l’avènement d’une démocratie apaisée et stable, soutenant que la COD a toujours exprimé sa disponibilité au dialogue sincère avec le pouvoir. Malheureusement, fera-t-il remarquer en substance, les réponses ont jusque-là été banales et inconsistantes, les thuriféraires du pouvoir laissant entendre à l’opinion que le seul objectif de l’opposition est le partage du pouvoir ou une participation au gouvernement. Et Ould Maouloud de se demander : « pourquoi le général Mohamed Ould Abdel Aziz, devenu Président de la République puisque c’est ce qu’il visait, empêche le pays de connaître la stabilité ? Pourquoi ne respecte-t-il pas les engagements que son camp a pris en son nom à Dakar ? »

Terrorisme
Mohamed Ould Maouloud considère que Mohamed Ould Abdel Aziz a jeté le pays dans une guerre contre le terrorisme, alors que le phénomène a toujours été combattu par l’ensemble des forces vives, sans cette dimension spectaculaire. Il n’est pas question ici, relève en substance Ould Maouloud, de soutien ou non aux forces armées nationales, mais il s’agit d’une déclaration de guerre qui expose la vie de nos soldats, celle de nos citoyens et la sécurité du pays, contre une organisation internationale de l’envergure d’Al Qaïda, même dans ses ramifications les plus régionales, comme le mouvement au Maghreb islamique. Selon lui, le pays n’a ni les moyens ni la capacité de mener une telle guerre contre un tel ennemi et qu’il était imprudent d’engager la Mauritanie dans cette « folie ». D’autre part, Ould Maouloud estime que cette guerre a des ramifications plus élargies et qu’elle risque de servir d’alibi à la présence étrangère au Sahel, ce dont la COD s’oppose de toutes ses forces. Car d’après lui, la présence de forces étrangères suppose le contrôle des opérations militaires et sécuritaires à la place des pays concernés. Cela veut dire aussi l’amplification des menaces avec l’ouverture d’un front international au Sahel, à l’image de l’Irak, de l’Afghanistan et du Yemen. Cela suppose enfin l’arrivée des services de sécurité de triste renommée comme Black Water, avec recrudescence des attentats…

Par ailleurs, Ould Maouloud soutient que la COD est contre l’intervention de l’armée nationale hors du territoire, soulignant que la Mauritanie n’est concernée que par l’intégrité de son territoire et non par une quelconque mission de police pour sécuriser la portion d’un territoire étranger même s’il s’agit de celui d’un pays frère avec lequel doit nous lier des relations de coopération étroite et de soutien mutuel.

Contrairement au régime de Mohamed Ould Abdel Aziz qui prône l’offensive militaire, la COD par la voix de Mohamed Ould Maouloud milite pour sa part pour l’autodéfense. Il demandera aux pays étrangers de laisser aux pays de la région le soin de mener leur propre lutte contre AQMI, eu égard, selon lui, à la spécificité de cette lutte qui est économique, sociale, culturelle, religieuse et politique avant d’être militaire.
Il a relevé à ce titre, les contradictions du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. Celui-ci, selon lui, combat AQMI et déclare d’un autre côté n’être pas en guerre contre Al Qaïda. Pourtant, il libère Omar Sahraoui, condamné pour l’enlèvement de quatre Espagnols dans les négociations visant à libérer les otages. Le pouvoir soutient par contre mener une guerre contre les bandes de trafiquants de drogue. Paradoxalement, il libère de dangereux trafiquants arrêtés à Lemzareb… « La politique officielle de Mohamed Ould Abdel Aziz est l’absence de politique » dira-t-il, une suite de coups médiatiques populistes, même sur des questions aussi sensibles comme la gestion de la paix et de la guerre. « Ould Abdel Aziz a la particularité de tout traiter avec une légèreté inquiétante » conclue-t-il
Accord de Dakar

L’Accord de Dakar, selon Ould Maouloud, est la pierre angulaire de tout règlement politique en Mauritanie. Le pouvoir cherche, selon lui, à s’en débarrasser comme un colis indésirable, multipliant les prétextes et les faux fuyants. La dernière en date est, d’après Ould Maouloud, ce coup de pavé médiatique de Mohamed Ould Abdel Aziz lorsqu’il déclara que l’Accord de Dakar fait désormais partie du passé, sans reprendre l’alibi brandi aujourd’hui par ses partisans dans une vaine tentative de rejeter la responsabilité sur l’opposition en soutenant que celle-ci est la première à violer le document en refusant de reconnaître les résultats de l’élection présidentielle. Avant, il avait rejeté cet Accord sous prétexte qu’elle a été conçue à l’étranger, fait-il remarquer. En réalité, soutient Ould Maouloud, Mohamed Ould Abdel Aziz ne reconnaît pas l’opposition et cherche à l’éliminer par omission, en traquant ses cadres dans tous les compartiments de l’administration, en l’empêchant d’avoir accès librement aux médias publics, en essayant de louvoyer vers ses membres et en bloquant la loi sur l’audiovisuel pour l’empêcher d’avoir accès aux médias libres et véhiculer son message.

Questions sociales
Le président Mohamed Ould Maouloud a également abordé brièvement les restructurations urbaines en cours à Nouakchott, problèmes des Gazras, soulignant qu’il s’agit-là d’un véritable chaos social que Mohamed Ould Abdel Aziz vient d’ouvrir, citant les spoliations, les destructions d’habitat, les déportations forcées de population, le tout avec en toile de fond une hausse sans précédent des prix de produits de première nécessité.

Divergences au sein de la COD

Interpellé sur les divergences de point de vue constatées dans les rangs de la COD Ould Maouloud a déclaré que les partis politiques membres de la coalition de l’opposition sont d’accord sur l’essentiel, notamment sur l’Accord de Dakar comme base de tout dialogue politique, sur la non ingérence des forces étrangères au Sahel, sur le refus de toute opération militaire offensive en dehors du territoire national. Sur plusieurs autres aspects, déclare Ould Maouloud, il est laissé aux membres de la COD de réagir selon leur position spécifique.
Deux questions ont été posées, l’une à Ahmed Ould Daddah par rapport à ses positions antinomiques à celles de la COD et l’autre à Yahya Ould Ahmed Waghef, président du parti ADIL, sur la réalité de son rapprochement avec le pouvoir. Ahmed Ould Dadah a pris le micro pour rappeler qu’au sein de la COD, il est convenu que seul le président de séance, en l’occurrence le président en exercice, est habilité à parler au nom de ses membres, renvoyant le journaliste qui lui avait posé la question à son siège au RFD.
Avaient pris part à la conférence de presse la plupart des ténors de l’opposition, Mohamed Ould Maouloud, Mohamed Moustapha Ould Beddredine, Khadiata Malick Diallo, Boïdiel Ould Houmoïd, Ahmed Ould Daddah, Abdel Ghoudouss Ould Abeïdna, Me Mahfoudh Ould Bettah, Mohamed Lemine Ould Naty (au nom de APP en l’absence du président Messaoud Ould Boulkheïr), Yahya Ould Ahmed Waghf, Ahmed Ould Sidi Baba, l’ancien ministre des Affaires Economiques Ould Abed, Brahim Ould Khlil (ancien Wali de Nouakchott), des universitaires comme Ely Ould Sneïba et beaucoup d’autres cadres.

Cheikh Aïdara

L’Authentique (via Marega Baba)

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