Interview exclusive/Messoud Ould Boulkheir à propos de la lutte anti-AQMI

«S’ériger en bouclier ou bras séculier de la zone, est tout simplement suicidaire pour le pouvoir et pour la Mauritanie»
Messoud Ould Boulkheir est le président de l’assemblée nationale et président de l’alliance populaire progressiste APP. Dans cette interview exclusive au Quotidien de Nouakchott, il revient sur les réserves exprimées par la coordination de l’opposition démocratique au sujet de la dernière offensive de l’armée mauritanienne en territoire malien contre AQMI. Messoud Ould Boulkheir parle aussi des probables conséquences des divergences entre les partis de la Coordinations au sujet de cette offensive.

AQMI a fait subir beaucoup de pertes en vies humaines à la Mauritanie. Les réserves de la coordination de l’opposition démocratique (COD) par rapport à l’offensive de l’armée mauritanienne en territoire malien contre les terroristes, est-ce que ce n’est pas une forme de défaitisme face à l’ennemi ? Après ces accrochages, pourquoi la COD n’a pas exprimé son soutien à l’armée ?

L’appréciation que vous faites des pertes en vies humaines est la votre. La COD, à ce qu’il me semble s’est bien gardée de se hasarder dans ce domaine particulièrement sensible et jusqu’à preuve du contraire, elle ne considère que les chiffres avancés par les officiels mauritaniens même si, dans les circonstances que nous vivons, la perte d’un seul soldat mauritanien est une perte considérable que je déplore et condamne avec force tout en en souhaitant vivement qu’aucune décision politique de nature à impliquer nos forces armées dans des opérations en dehors en dehors de nos frontières, surtout quand ces dites opérations peuvent entraîner des morts et des blessés dans leurs rangs, ne soit plus prise unilatéralement par qui que ce soit.
Aussi, me permettrez-vous de m’incliner avec un profond respect devant les dépouilles des morts, d’implorer Allah des les accueillir en son Paradis, de présenter mes condoléances émues et attristées à leurs familles et à leurs troupes respectives, de même que je souhaite de tout cœur un prompt rétablissement à tous les blessées.
Pour en venir au noeud de votre question, je pense que vous vous trompez sur toute la ligne car il s’agit moins de critiquer une armée qui n’a aucune responsabilité dans ce qui lui arrive, parce qu’elle est aux ordres, que de dénoncer une politique dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est hasardeuse et porteuse de graves dangers pour le pays, pour ses citoyens et pour ses forces armées et de sécurité.
Nous demander de soutenir, d’une manière ou d’une autre, la politique qui a impliqué nos soldats dans des opérations de guerre en territoire étranger,même avec l’aval de celui-ci, mais sans le feu vert du parlement, nous demander de soutenir une telle politique, c’est trop nous demander…

Dans son communiqué du 21 septembre, la COD parle « d’une guerre dont les conséquences n’ont pas été suffisamment évaluées alors même que leurs incidences peuvent porter atteinte à la sécurité de nos citoyens et même à l’existence du pays. » En quoi la lutte contre le terrorisme peut porter atteinte à l’existence de la Mauritanie ?
La lutte contre le terrorisme est dorénavant une orientation internationale et un devoir pour tout démocrate et tout progressiste. En Mauritanie, nous avons eu notre lot de souffrances du fait du terrorisme, mais nous ne sommes pas les seuls en en souffrir. Et comme aucun Etat tout seul ou avec d’autres n’est parvenu jusqu’à présent à l’éradiquer, quels que soient les moyens humains, militaires, matériels et financiers en gagées, le combattre dans le Maghreb, dans le Sahara et dans le Sahel implique de la patience, de la modestie et beaucoup de doigté au niveau personnel. Ça implique aussi de susciter au niveau interne, national l’indispensable union sacrée et, au niveau externe, international beaucoup de coordination, d’entente et de confiance entre tous les acteurs.
Faire de ce problème international un problème domestique (mauritanien) et s’ériger en bouclier ou bras séculier de la zone, est tout simplement suicidaire pour le pouvoir et pour le pays.

L’attitude à tenir face à la lutte contre le terrorisme a révélé des divergences au sein de la COD. Par deux fois, le rassemblement des forces démocratique (RFD) s’est déterminé seul…
C’est vrai que la COD n’est pas un parti et qu’elle est composée de sensibilités et qu’en définitive, nous n’avons pas encore choisi de nous séparer, ce qui ne saurait tarder, à mon humble avis….Chacun est certes libre de choisir sa voie mais quand il n’est pas en harmonie avec les autres, il doit pousser sa liberté plus loin et les quitter…ou les autres de l’exclure.

Où en êtes-vous avec le dialogue inclusif prôné par l’accord de Dakar. Ce dialogue n’est-il pas enterré ?
Je crois que chacun campe sur ses positions.

Propos recueillis par Khalilou Diagana

Source: Le Quotidien de Nouakchott



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