Rentrée scolaire : Où sont passés les états généraux de l’éducation et la séparation?

Dans quelques jours ou semaines, les élèves mauritaniens reprendront le chemin de l’école. Certains établissements privés ont, déjà, démarré les cours, au début du mois de septembre.

A l’ancien ministère de l’Education, qui continue à abriter les différentes directions des deux départements ministériels, l’ambiance de la rentrée est très perceptible; les directeurs centraux et régionaux sont réunis en conclave, pour préparer l’évènement, prévu le 3 octobre, sauf report faute de logistique et de locaux, suite à la bonne saison des pluies. En Mauritanie, ne l’oubliez point, on prépare la rentrée scolaire à la rentrée. Ainsi, professeurs et instituteurs, venus à la recherche de nouvelles, d’affectation, pour simple curiosité ou pour rien du tout, squattent  l’ombre des arbres de la cour du département. Il y règne comme une ambiance des grandes retrouvailles du début des vacances scolaires de juin et juillet. Quelques élèves sont là pour régler des problèmes de transfert.

EGE aux oubliettes
Cette rentrée devait, comme le souhaitait la famille scolaire,  s’effectuer après des états généraux  de  l’Education, annoncés, par le chef de l’Etat, au lendemain de son élection à la magistrature suprême, et censés se tenir pendant les vacances solaires, qui s’achèvent, pourtant, sans qu’on n’ait rien vu venir. Un évènement dont on parle, depuis quelques années, pour ausculter le grand malade qu’est devenu, depuis des lustres, notre système éducatif, histoire de lui prodiguer un remède de chameau.

Hélas, la famille scolaire, qui espérait voir se tenir, enfin, un tel conclave, est, une fois de plus, déçue.  Elle l’est d’autant plus que l’autre chantier en cours, c’est-à-dire celui de la séparation, effective, des deux départements de l’Education traîne, encore, le  pied.  En effet, bien que décidée au  lendemain de la l’élection du président Mohamed Ould Abdel Aziz, sans qu’en on distingue, réellement, les véritables motivations – elles sont loin d’être d’ordre pédagogique,  pour certains, relevant plutôt du désir de caser certains  «souteneurs»  du coup d’Etat du 6 août –  la séparation ne s’est matérialisée  qu’en infime partie: installation du ministre de l’Enseignement Secondaire et Supérieur dans des locaux au lycée national. C’était le plus facile. Autre petites avancées,  la nomination  de deux secrétaires généraux et la dotation, à chaque directeur central  ou  régional, de fonds spécifiques.  Le reste demeure en l’état.  D’ailleurs, selon des sources proches des deux  ministères, la SG du MEF ne fait rien sans l’avis de son collègue de l’Enseignement  Secondaire et Supérieur. Selon toujours les mêmes sources, la commission  de pilotage, mise sur pied pour «séparer les corps», s’est «hâtée trop lentement».  On croirait que, quelque part, il existe une mauvaise volonté de concrétiser ce divorce. Un inspecteur du secondaire que nous avons  rencontré au ministère  décrit,  avec humour, la situation: «la séparation a seulement une tête et un cou; elle n’a ni bras ni jambes. Comment pourrait-elle, alors, marcher?»

L’UPR au chevet de l’éducation: une façon d’instrumentaliser le  système?
En Mauritanie, pour enterrer un projet ou une quelconque initiative, surtout d’ordre politique, on lui colle une commission qui s’enlise dans des réunions, manières de lui «sucer» son budget. Sous Sidi Ould Cheikh Ould Abdallahi, la fondation d’une commission pour les EGE, et même sa composition, ne satisfit pas beaucoup de monde, après avoir suscité un vif espoir, au sein de la famille scolaire. On connaît la suite. Aujourd’hui, avec la Mauritanie nouvelle, on a espéré  voir le président des pauvres secouer le mammouth,  donner un véritable  coup de pied dans la fourmilière. Comme dans la lutte contre la gabegie,  la construction des routes, etc. Mais hélas…
Or, réfléchir sur l’école d’aujourd’hui, c’est envisager  celle de demain. Sous nos cieux, on semble l’ignorer, mais pas  l’oublier. Curieux paradoxe… Faute d’aboutir à une  séparation  qui satisfasse tout le monde et permette à notre école de sortir de sa torpeur, l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir, s’est fendue d’une commission dite de l’Education, une énième, pour  se pencher sur  notre grand malade. Une commission qui aurait enregistré, déjà, selon nos sources, de nombreuses…  absences.  Ce qui devrait demeurer une affaire de techniciens risque fort de  tomber dans les mains des politiques, pour ne pas dire des néophytes, soucieux, plutôt, de se garnir les poches, plutôt que de proposer des solutions appropriées, afin de sortir notre école de son agonie.  Hormis quelques  anciens responsables issus  du département, totalement déconnectés de la réalité, la réflexion autour de l’école a été confiée à des gens étrangers à l’éducation, alors que bien des syndicats des différents ordres d’enseignement, des professeurs, des instituteurs, des inspecteurs  et des parents d’élèves se battent, depuis des années, pour  la tenue d’états généraux de l’Education, quand bien même ils n’en attendent pas grand-chose, dans la mesure où l’application des résolutions dépend de la volonté du prince. Les états généraux auraient, quand même, l’intérêt de poser un diagnostic, sans complaisance, de l’état de santé de notre école et de proposer des solutions appropriées.

Comme un jeu de ping-pong
 La commission chargée de mener à bon port la séparation a, également, buté sur l’épineux problème du personnel. On n’y avait presque pas réfléchi. Il aura fallu attendre jusqu’à la récente décision du MESS  pour  percevoir  ô  combien est douloureuse la séparation des deux frères siamois. En effet, selon différentes sources, lors que le MEF a exprimé le souhait de recruter des enseignants, son collègue du secondaire a, tout simplement, décidé de lui renvoyer tout son personnel casé chez lui. Il s’agit d’instituteurs  officiant, effectivement, comme surveillants généraux, économes ou chargés de cours. La décision a, semble-t-il, suscité l’ire de son collègue  du fondamental qui aurait décidé, lui aussi, de lui renvoyer tout le personnel du secondaire travaillant au fondamental. Dieu sait que ces deux décisions, si elles sont entérinées  en haut lieu, risquent de faire pagaille! Selon nos sources au ministère de l’Education – sans en dire plus, pour faire simple – pourraient sonner le glas d’une séparation qui peine à se concrétiser.  Certains n’hésitent plus à évoquer une re-fusion  du  fondamental  et du secondaire, donnée pour acquise lors du prochain remaniement ministériel.
Au ministère du fondamental, le colis du collègue  est devenu très embarrassant. Et pour cause: que faire des ces 459 enseignants dont certains sont à quelques petites années de la retraite? Certaines sources  évoquent, même, un chiffre de 1.500 personnes.  Où le ministre va-t-il les recaser? A la place des contractuels?
Selon les sources proches des deux entités, les divergences étaient telles qu’il a fallu réunir les deux ministres pour trouver un arrangement. Selon une source  citée par  l’ANI,  la  réunion  se serait soldée par un échec. Selon toujours la même source, le ministre de l’enseignement secondaire  aurait  accepté, face à l’insistance de son collègue, de reprendre une partie des 459, mais son collègue du fondamental aurait décliné l’offre, demandant «tout ou rien»,  ce qui aurait irrité l’expéditeur du colis indésirable.
Au secondaire, le départ de ces instituteurs pourrait conduire à l’utilisation de certains  professeurs des disciplines enseignées désormais en arabe. On les emploierait comme surveillants généraux et comme économes.
Cette situation inédite  est le résultat du désordre qui a longtemps sévi dans la gestion du personnel du ministère de l’Education.  Chaque ministre, secrétaire général ou directeur  qui arrivait,  plaçait, à tour de bras, ses parents au secondaire, pour les «libérer»  de la craie ou les détachait, tout simplement, dans les départements  plus «juteux». Pour rappel, le ministre de la première transition militaire 2005-2007 avait promu environ 800 personnes (enseignants), avant de recruter ce qu’on appelle le personnel contractuel, payé sur le crédit délégué.
Les  ministres et directeurs sont, il faut le reconnaître, soumis à de très fortes pressions de leurs collègues ministres et des hommes politiques (députés, sénateurs, maires etc.) Pendant la «rectification», ce sont des centaines de fonctionnaires des deux départements qui ont été affectés à Nouakchott, vidant certaines écoles de leurs enseignants, parce que, tout simplement, ils étaient proches de généraux et autres hauts gradés des différents corps qui soutiennent le putsch. Et quand le ministre du Fondamental a voulu casser la mesure et renvoyer tout ce beau monde à son poste respectif, il a été, bien vite, rappelé à l’ordre. Il avait oublié qu’un ministre  ferme sa gueule  ou démissionne. Une maxime valable ailleurs, mais pas chez nous.

Les victimes préparent la riposte?
Selon nos informations, certaines  victimes de la mesure du  ministre de l’ESS  commencent,  déjà,  à bouger, la qualifiant d’«arbitraire, empreinte de clientélisme  et de favoritisme», notant que «le ministre a omis, sciemment, certains enseignants qui lui sont proches».
Les membres d’un syndicat  du fondamental, que nous avons rencontrés, au sortir d’une réunion avec leur ministre, paraissait déterminés à ne pas laisser la mesure s’appliquer.  Certaines sources indiquent que les «victimes» vont saisir le PM, voire le président de la République, et même poser le problème devant la justice. Une situation dont on aurait pu se passer, à la veille de la rentrée scolaire 2010- 2011. Curieux, tout de même, que le fondamental ait réclamé, à cor et à cri – et obtenu – cette  séparation, puisque son personnel  remet en cause une décision qui concrétise le divorce tant sollicité…
A  en croire d’autres, le ministre de l’ESS mettrait, sur la table, sa démission, si jamais sa mesure n’est pas appliquée. Wait and see et bonne rentrée pour tous!

Dalay Lam

Source  :  Le Calame le 22/09/2010

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