C’est la question que se pose la presse africaine, quatre jours après l’enlèvement des cinq Français et des deux Africains dans le nord du Niger. « Vers l’implication directe de la France ?», s’interroge Liberté en Algérie
qui estime « qu’il n’est pas exclu que la France s’implique dans la traque d’al-Qaïda, si ce n’est déjà fait, à travers un soutien non déclaré aux opérations militaires mauritaniennes, comme ce fut le cas le 22 juillet dernier contre une base des islamistes armés dans le désert malien, visant selon Paris, à libérer l’otage français Michel Germaneau. ».Le Pays au Burkina va beaucoup plus loin : « La guerre du Sahara en chantier », titre le journal qui affirme que « pour l’heure, tout semble subodorer une option militaire ou une guerre du Sahara qui impliquera tous les Etats de la bande sahélo-saharienne et la France bien entendu, sans oublier les Etats-Unis. D’ores et déjà, poursuit Le Pays, certains Etats de la région ont déployé tout un dispositif sécuritaire renforcé qui rappelle la période de braise à leurs frontières respectives. Cela, dans le souci de parer à toute éventualité. (…) Zone de trafics caravaniers de tout genre, le Sahara serait devenu un véritable pandémonium qui échappe apparemment à tout contrôle, puisque les Français eux-mêmes, nonobstant leurs moyens de surveillance, n’ont jusque-là pas pu localiser les auteurs de cet enlèvement crapuleux. Certains, par ailleurs, avance le quotidien burkinabé, voient dans cette affaire un probable montage des Occidentaux dans l’unique dessein d’attaquer le Sahara et d’en finir avec Aqmi. L’un dans l’autre, la guerre du Sahara n’aura que trop tardé, s’exclame Le Pays, si fait que ces individus sans foi ni loi, devenus de véritables lycanthropes qui opèrent sous le couvert d’une idéologie pestilentielle, auront fait de la région un no man’s land. »
« Espace sahélo-saharien : la guerre totale », titre pour sa part Le Républicain au Mali qui rapporte que « Paris accélère les choses : taskforce de la DGSE mise en place, centres d’écoutes téléphoniques réorientés sur le Sahel, en plus du satellite Hélios pour surveiller les mouvements dans cette vaste région, avions d’observation Breguet Atlantic mobilisés de Ndjamena, les services français sont sur les dents. Rien, semble-t-il, n’est exclu, poursuit le quotidien malien, pour faire rendre gorge aux hommes d’Abuzeid, y compris l’éventualité d’une intervention des forces spéciales françaises stationnées en Mauritanie (…). La guerre totale donc, mais sans illusions, car les Français feront face à des ravisseurs qui ont su utiliser les dernières rançons payées par les Espagnols pour se procurer des véhicules tout neufs, des GPS et du matériel de vision nocturne. (…) Nul doute que cette guerre qui a pris une nouvelle tournure sera féroce », conclut Le Républicain.
Prudence de rigueur…
Dans la presse française, on reste prudent quant à un éventuel engagement militaire de la part de Paris. Il faut dire que très peu d’informations ont filtré. D’après Le Parisien, « si l’armée joue la grande muette, elle se donne les moyens d’intervenir au plus vite dans la zone. Deux Breguet-Atlantique auraient décollé ce dimanche de la base de Lann-Bihoué en Bretagne », précise le journal. Objectif : « accroître les missions de reconnaissance dans une zone désertique extrêmement grande allant de la Mauritanie au Niger. » Et, toujours d’après Le Parisien, « plusieurs commandos des forces spéciales s’apprêteraient à s’envoler pour la région, si ne n’est déjà fait. »
En fait, pour l’instant, le débat dans les journaux hexagonaux porte essentiellement sur les conditions de sécurité des salariés français au Niger. « Niger : la sécurité des expatriés d’Areva en question », titre Le Figaro qui relève que « les agents postés la nuit devant le domicile des salariés français n’étaient pas armés. »
« Les derniers enlèvements ne sont en rien une surprise dans un contexte d’alerte rouge au Sahel, estime La Charente Libre. Il aurait été souhaitable que la sécurité des expatriés, cibles évidentes, ait été assurée à la hauteur de la menace », déplore le journal.
« La protection des salariés français n’était pas très dissuasive, c’est le moins qu’on puisse dire », s’exclame Le Journal de la Haute-Marne qui estime que « l’arrivée d’une cinquantaine d’assaillants et les sept enlèvements qui s’en sont suivis mettent sérieusement en cause certaines responsabilités que l’Etat français ferait bien d’élucider rapidement. La recherche d’uranium est certainement stratégique. La vie de nos concitoyens aussi. »
Frédéric Couteau
Source : RFI le 20/09/2010