Le débat sur l’islam empoisonne Barack Obama

La commémoration s’annonce houleuse. D’habitude, l’anniversaire du 11-Septembre est un jour d’unité nationale aux États-Unis. Mais cette année, cela tourne à la guerre de religion, entre pro et antimusulmans. Il y a d’abord la controverse sur le projet de construction d’un grand centre islamique, proche de Ground Zero à New York, qui déchaîne les passions. Il y a eu ensuite l’énorme polémique déclenchée par Terry Jones, pasteur d’une minuscule congrégation de Floride qui a menacé de célébrer à sa manière l’anniversaire des attentats en organisant un autodafé de corans parce que c’est un tas « de mensonges », même s’il avoue ne pas l’avoir lu.

Cela ne pouvait pas tomber plus mal pour Barack Obama. À deux mois des élections, alors que sa cote de popularité est en berne, le président se serait bien passé d’un débat virulent sur l’islam, la liberté de religion et le terrorisme.

Mobilisation générale

Il a commencé par garder le silence sur l’affaire de la mosquée de New York. Ce n’est que lorsque la ville a donné son feu vert qu’il a clairement défendu le projet lors d’un dîner en affirmant que les musulmans avaient « le droit de pratiquer leur religion comme n’importe qui d’autre dans ce pays ». « Cela inclut le droit de construire un lieu de culte » à New York, a-t-il ajouté. Les républicains et plusieurs démocrates menacés de perdre leur siège l’ont aussitôt attaqué. Piteusement, le président a alors fait machine arrière en disant qu’il ne fallait pas interpréter ses propos comme un soutien à la mosquée de Ground Zero.

Le projet de brûler des corans a déclenché en revanche une contre-attaque immédiate de la Maison-Blanche. Le coup d’envoi est venu du général David Petraeus, en charge des forces en Afghanistan qui a estimé que cela risquait de mettre en danger les troupes américaines. Dans la foulée, le ministre de la Justice, Eric Holder, et Hillary Clinton, la Secrétaire d’État, ont condamné le pasteur. Robert Gates, le secrétaire à la Défense est même allé jusqu’à lui téléphoner personnellement. Mercredi matin à la télévision, Barack Obama y est allé de son couplet qualifiant l’autodafé « d’acte destructeur ». C’est « une aubaine pour les recruteurs d’Al-Qaeda », a-t-il dit.

L’offensive de la droite conservatrice

Mais qu’un fanatique, à la tête d’un temple de moins de 50 fidèles, puisse devenir soudain une vedette, accaparer toutes les chaînes de télé et susciter des manifestations du Pakistan à l’Indonésie en dit long sur le climat actuel. Ce n’est pas la première fois que des extrémistes brûlent des corans – en 2008, des fondamentalistes l’avaient fait à Washington. Mais, d’habitude, cela passe largement inaperçu. Si l’affaire a pris une telle ampleur, c’est qu’on est en pleine campagne électorale et que la Droite conservatrice prend un malin plaisir à enfoncer le clou.

Parce que ce débat sur l’islam empoisonne les démocrates en les empêchant de focaliser leur message sur l’économie et l’emploi, les seuls sujets qui préoccupent les électeurs. Cela remet aussi sur le tapis les insinuations de l’extrême droite sur « Obama le musulman caché ». Il est en fait protestant, mais son père était musulman. Un sondage le mois dernier montre que presque un Américain sur cinq pense qu’il est musulman contre 11 % en mars 2009.

À regarder CNN et Fox News et leur couverture non-stop du pasteur de Floride, on croirait presque que l’Amérique a déclenché des pogroms antimusulmans. Une mosquée en construction a été vandalisée deux fois, plusieurs manifestations ont eu lieu contre des projets de mosquée dont une où les militants ont appelé à défiler avec des chiens, animal impur dans l’islam. Mais selon Andy Kohut, directeur du Pew Research Center, dans le Washington Post, les études d’opinion ne montrent pas de hausse de l’islamophobie. Un nouveau sondage indique que deux tiers des Américains sont contre le centre islamique près de Ground Zero, mais la majorité se dit favorable à la construction d’une mosquée ailleurs à Manhattan. La moitié des sondés a une vue négative de l’islam, un chiffre stable depuis des années. Un tiers estime que cette religion encourage le terrorisme, mais 54 % estiment qu’elle est pacifique, là encore un chiffre qui a peu varié depuis neuf ans.

Hélène Vissière

Source  :  lepoint.fr le 10/09/2010

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