Biram Dah ABEID, Président de Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie :

« Le dialogue politique n’a aucun sens tant que le système de l’Etat et la démocratie chez nous, sont biaisés à la base et instaurent l’hégémonie d’une minorité ethnique sur des franges majoritaires »Le Véridique : Dans vos propos, on a quelque part l’impression que vous lancez un appel à la revolte. N’est ce pas là quelque chose de dangereux ?

 

Biram ould Dah ould Abeid : En vérité, les propos qui sont les miens, et le discours, cadrent avec l’évolution du mouvement pour les droits civiques en Mauritanie, cette phase actuelle est très cruciale et, le discours, les concepts et les mots d’ordre sont conçus après consultations d’un cercle de cadres et de personnalités qui ont en charge l’orientation idéologique du mouvement.

Mais à la validation, l’accent est toujours mis sur les demandes de justice et d’équité que sont prêtent à revendiquer avec détermination et sacrifice les franges opprimées parmi les Hratin et/ou autres ethnies noires de Mauritanie. Et s’il y a dangers dans cette évolution, ce doit être la sentence de l’Histoire, imparable et sans appel, qui condamne les systèmes iniques et injustes, après avoir atteint un certain degré de déconfiture, à souscrire volontairement à la vérité, la justice et au droit, sous peine d’essuyer des secousses brutales qui précéderont le triomphe d’un model social et de gouvernement plus juste, c’est une fatalité scientifique et historique.

Le Véridique : N’ y a-t-il pas de solutions intermédiaires ? Si nous savons que le hartani et le bidhani sont socialement, culturellement et religieusement les mêmes.

Biram ould Dah ould Abeid  : Les mêmes, Hratin (communauté d’esclaves et anciens esclaves de Mauritanie) et Bidhan (segments tribaux arabo-berbères dominant en Mauritanie) ? Non il ne sont pas les mêmes, des traits physiologiques et culturels dont l’idéologie sociale et religieuse dominante tient fortement compte, comme elle tient aussi compte du statut social qui les sépare sur lequel se fondent l’endogamie, la séparation nette et claire, notamment dans les rôles et fonctions dans la société, dans la division du travail et des espaces habitables, cette dualité Hratin-Bidhan se projette très clairement dans le face à face dramatique entre riches et pauvres, employés et employeurs, féodaux et métayers, officiers supérieurs et militaires subalternes, magistrats et prisonniers, habitants de quartiers chics et population des bidonvilles, maitres et esclaves… Hélas, hormis la regrettable et périlleuse voie des secousses violentes, il n y a qu’une seule voie possible, noble tout de même, très noble et difficile d’accès pour les âmes insalubres, c’est la renonciation volontaire et systématique des groupes dominants aux privilèges illicites qu’ils se sont tallés par le fer, le sang, les larmes au détriment des autres ; donc l’Etat mauritanien doit procéder à sa déconstruction et à sa refonte sur de nouvelles bases.

Le Véridique : Quelle lecture faites-vous de la situation politique du pays notamment sur la question du dialogue que chaque partie appelle de ses vœux mais qui tarde à venir ?

Biram ould Dah ould Abeid : Le dialogue politique n’a aucun sens, de mon point de vue, tant que le système de l’Etat et la démocratie chez nous, sont biaisés à la base et instaurent l’hégémonie d’une minorité ethnique sur des franges majoritaires.

Le Véridique : Etes vous prêt à discuter avec le pouvoir sur la question de l’esclavage et qu’allez vous apporter de nouveau ?

Biram Ould Dah ould Abeid  : Le vivre-ensemble, la paix civile, l’édification de l’Etat de droit, donc la gouvernance démocratique et le développement, sont des objectifs que les mauritaniens ne peuvent assurer sans l’éradication de l’esclavage et les discriminations et injustices contre les Hratin, qui s’y rattachent, l’abolition du racisme et la persécution culturelle contre les Nègro-mauritaniens, la refonte et reconstruction des différents corps d’Etats comme les forces armées et de sécurité, un nid de tortionnaires ce qui fait de cette armée une milice arabo-berbère qui fait et défait les pouvoir et annihile tout espoir de démocratisation véritable, les corps des magistrats, des officiers de police judiciaires et des administrateurs de commandement doivent être dissouts et rebâtis sur des bases républicaines, multiethniques et égalitaires en vue rompre avec leur image actuelle face aux citoyens, qui renvoie aux rapports administration coloniale face à des indigènes… Donc la question de l’esclavage est colossale, mais elle n’est pas unique comme question qui plombe l’avancée de la Mauritanie, mais elle est collatérale à bien d’autres questions, aussi importantes ; et, même si cette question n’avait pas existé, ou n’existerait plus, nous aurons suffisamment de raisons pour nous engager avec autant de sacrifice et de détermination pour les autres causes, justes, que vous n’avez pas cité et qui relèvent de nos priorités.

Le Véridique : Quel bilan faites-vous des cinquante années d’indépendance de la Mauritanie ?

Biram ould Dah ould Abeid :L’indépendance n’est pas encore nationale, depuis cinquante ans, elle est l’indépendance d’une seule faction des composantes nationale, la communauté arabo-berbère, qui a bénéficié des faveurs et de la complicité de la puissance coloniale ; d’autre part, cette journée du 28 novembre ne peux plus être l’occasion d’ambiances festives pour un mauritanien épris de justice, de vivre-ensemble et respectueux de la dignité humaine depuis le supplice des soldats-martyrs à Inal pendant cette désormais funeste date du 28 novembre 1991. Donc le bilan des 50 ans de la Mauritanie est largement négatif en ce sens que le système d’Etat ethnique et de ségrégation continue à renforcer aveuglement sa dérive suicidaire ne laissant aucune chance aux communautés humiliées que l’option du choc par la violence indicible

Le Véridique : Que pensez-vous de la réaction d’un groupe de cadres et de personnalités Hratin contre votre organisation et vous même tout dernièrement dans la presse ?L’histoire

Biram ould Dah ould Abeid :  de toutes les bonnes causes nous enseigne que, dans les moments cruciaux, le camp des victimes, comme celui des dominants, ne pourra se prémunir de cette discorde, qui place les âmes les plus fragiles parmi la communauté des victimes, dans le camp de leurs bourreaux et projettent en même temps, les sublimes âmes issues des groupes dominants du coté de la justice et des humbles. Mais je voudrais vous dire à ce propos, que j’ai le devoir de défendre les victimes, qu’elles soient avec ou contre moi, qu’elle soit esclave dans son accoutrement et corvées traditionnels comme Moulkheir(affaire Viyah ould Mayouf), Hana mint Salem(affaire du colenel Sid’Ahmed ould Hamedy), ou que cette victime soit esclave à col blanc comme le groupe de cadres Hratin instrumentalisés par l’Etat et les groupes esclavagistes pour s’en prendre à nous ; donc autant les uns et les autres ont besoin de notre protection car ils sont tous moralement résignés et matériellement soumis aux forces qui les tiennent sous leur coupe.

Le Véridique : Une cassette circule aujourd’hui entre les mains des Mauritaniens. Dans cette cassette on vous entend proférer des menaces à l’encontre de la communauté arabe en Mauritanie et vous tenez des propos trop vulgaires à l’endroit de certains Ulémas.

Biram ould Dah ould Abeid :Cette cassette est un enregistrement frauduleux opéré par des individus proches de ould Dedew en collaboration avec les services de renseignements qui par le biais d’un membre de l’IRA se sont introduits dans mon domicile en abusant de sa confiance. Ils ont engagé une discussion trop provocatrice et tenu à mon égard des propos agressifs, je suis resté bien sur ferme sur les positions qui sont les miennes. Il y a des ajouts à mes propos, donc des passages montés de toutes pièces. Mais, concernant les passages authentiques, je ne me sens guère gêné parce que la confrontation à laquelle je me livre est une confrontation avec l’opinion publique esclavagiste et raciste envers laquelle je peux tenir tous propos vrai et/ou juste. Cette opinion là est composée d’une aristocratie tribale et religieuse parmi lesquels figurent certains soit disant Ulémas dont le plus en vue actuellement est Ould Deddew. A mes yeux ces gens là ne sont pas des symboles et mois je ne fais pas la compétition pour plaire à cette opinion dont les faiseurs et leaders sont les symboles de nos misères.

Nos adversaires, désespérés de ne pouvoir arrêter le déploiement des idées de IRA dans l’opinion, essaient de nous mettre en mal (par le mensonge et l’intoxication ) avec trois pôles qui représentent pour nous, des soutiens et alliés naturels : les hommes symboles de la lutte pour la démocratie et les droits humains( Messaoud ould Boulkheir, Boubacar ould Messaoud…), avec le commun des croyants en nous taxant d’ennemis de l’Islam, avec la communauté internationale en propageant que nous sommes adeptes de la violence. Je les défis de réussir de nous disqualifier aux yeux d’un seul de ses pôles et je persiste et signe : la décennie à venir sera celle de la refondation de l’Etat et de la société mauritaniens. Ce changement radical se fera soit par la renonciation du groupe dominant à sa domination et sa souscription au droit comme seul arbitre, soit par une révolution. Le choix reviendra au groupe dominant. Ceci est une demande populaire, c’est inévitable, car c’est la roue de l’histoire, c’est une fatalité imparable ou par l’intermédiaire de notre organisation. Il faut préciser ici que cela n’est pas consécutif à une action de violence que je compte projeter personnellement. Je tiens ici à préciser que la propagande à laquelle se livrent certains ne me gêne guère.

Source  :  leveridique.info le 14/08/2010

 

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