L’Aqmi a menacé de représailles la Mauritanie après l’attaque contre l’un de ses groupes tuant six de ses membres. Cet ultimatum est pris au sérieux par les autorités. Celles-ci pourront-elles exorciser les failles sécuritaires dont pourrait profiter l’Aqmi? La vigilance est de mise !
La Mauritanie comme tous les pays du Sahel est confrontée au terrorisme. Elle l’est aujourd’hui encore plus après l’attaque contre l’organisation terroriste. Toute la sous-région est effectivement aujourd’hui embrasée par ce phénomène que nourrit le trafic de drogue. Les représailles mijotées par l’Aqmi contre notre pays sont imprévisibles. Quand? Où? Comment? Personne ne peut répondre. Une situation qui interpelle tous les mauritaniens, sans exception. C’est peut être ici l’endroit de se féliciter du rapprochement enregistré avec l’Opposition démocratique et d’espérer le soutien agissant de la communauté internationale.
Genèse d’un lourd tribut
Dans l’œil du cyclone terroriste depuis l’établissement de relations diplomatiques en 1999 avec l’Etat hébreux, la Mauritanie semble avoir privilégié, sous l’actuel régime, une approche multidimensionnelle de lutte contre ce phénomène dont les bases arrières se situent dans les pays voisins comme l’Algérie et à un degré moindre, le Mali. Bien évidemment ce péché originel a été accentué par la pauvreté et les vagues d’arrestations qui ont suivi les attentats du 11 Septembre 2001. Depuis l’attaque contre Lemgheyti en 2005 au cours de laquelle 15 soldats mauritaniens ont été tués, la violence de l’Aqmi est allée crescendo notamment après l’annonce des manœuvres aux côtés des Usa dans le cadre des opérations «Flintlock 2005». La destitution de Ould Taya en août 2005 n’a pas pour autant tempéré les ardeurs des terroristes dont des cellules dormantes avaient été démantelées en Mauritanie. Le 24 décembre 2007, sous un régime civil, la Mauritanie renoue avec les attentats de l’Aqmi. Trois touristes français sont assassinés par les hommes de Al Qaeda en Mauritanie. Trois jours plus tard, 4 militaires sont également tués à Ghallawiya. L’attaque est signée Aqmi. Avec toujours les mêmes revendications : «rupture des relations avec Israël et libération des djihadistes ». La situation sécuritaire n’a jamais été aussi délétère. En janvier 2008, un autre attentat vise, cette fois, l’ambassade d’Israël à Nouakchott. Les choses s’accélèrent au courant du même mois, après la cavale d’un présumé terroriste, Sidi Ould Sidina. Jusqu’ici épargnée, Nouakchott connaît des combats de rue. Un officier de la police et un terroriste meurent dans la bataille. L’Emir du Qatar et son épouse, présents à Nouakchott, écourtent leur visite officielle. Mais les principaux terroristes, tous mauritaniens, sont finalement arrêtés. En août 2008, le Pouvoir de Sidioca est démis par l’Armée. Mais le Haut Conseil d’Etat fera face également, le 14 septembre 2008, à l’attaque la plus cruelle de l’Aqmi. Douze soldats mauritaniens sont retrouvés morts à l’arme blanche. Le massacre est revendiqué par le chef de l’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaab Abdelouadoud.
Nouvelle approche
En visite au Qatar, en janvier 2009, Ould Abdelaziz, tente de mettre fin au premier alibi politique de Aqmi, en annonçant une rupture des relations diplomatiques avec Israël, au creux des attaques meurtrières de Tsahal contre Gaza. La réaction de l’Aqmi plutôt favorable fait croire à une fin des opérations de l’organisation sur le territoire mauritanien. Mais Aqmi en avait décidé autrement et inaugure ses attentats kamikazes le 8 août 2009 contre l’ambassade de France. En Novembre 2009, à la veille de la saison touristique, l’Aqmi commandite le rapt de trois humanitaires espagnols dont les 2 restants battront, à partir de mercredi, le triste record de 247 jours de rétention, jusqu’ici détenu par les ex-otages autrichiens Andrea Kloiber et Wolfgang Ebner. Le principal auteur du rapt des espagnols, Omar Sahraoui, a, lui, été condamné à 12 ans de prison. En décembre 2009, un italien Sergio Cicala, 65 ans et sa femme d’origine burkinabé, Philomène Kabouree, 39 ans, sont enlevés à la frontière avec le Mali. Ces actes font franchement mauvaise publicité au pays.
Pourtant, concomitamment de ces prises d’otages, le Pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz engage en décembre 2009, un dialogue politique avec les Islamistes radicaux en prison. Des exégètes mauritaniens notoirement respectés y participent. Un colloque islamique international est abrité par la capitale. Le Pouvoir tente de donner des gages en initiant le dialogue et en légiférant en juin 2010, une loi qui prévoit le repentir. Parallèlement, les autorités tentent de réoccuper l’espace laissé longtemps à la merci des activités illicites. En février 2010, il installe un corridor de sécurité au Nord du pays avec des Check-points. Un millier de soldat y est affecté. Le redéploiement de l’armée vise une sécurisation de cette zone. Un premier accrochage avec des trafiquants armés jusqu’aux dents permet la saisie de plusieurs tonnes de cocaïne. 18 personnes sont faites prisonnières et trois sont morts dans l’attaque. Dans cet engagement tous azimuts, les autorités jouent la transparence. La grande muette s’ouvre aux journalistes dans des visites guidées dans cet espace vital. Dans la même logique de tenir à l’œil ses frontières, une nouvelle moughataa est inaugurée dans le Dhar. C’est le président de la République, Ould Abdelaziz qui l’inaugure en juillet. La maitrise de l’espace territorial contraint-elle l’Aqmi à un cantonnement particulier? Ce qui est sûr, c’est qu’il ne l’arrange pas. Alors elle tente de faire voler l’étau autour d’elle.
La loi du talion
On le sent ces derniers jours. Les forces de sécurité sont sur leurs nerfs après l’attaque contre l’Aqmi. Tous les édifices publics sont surveillés et les contrôles quoique timides encore trahissent les velléités de parer à toute éventualité. Mais il faut reconnaître que les citoyens, par leurs comportements, ne facilitent pas la tâche. Il y a deux jours, une scène opposait un citoyen enturbanné avec un soldat devant un bâtiment public. Il y eut une altercation verbale avec le soldat qui le dissuadait de franchir l’espace interdit. Il a fallu des moyens dissuasifs pour que ce citoyen ordinaire comprenne que quelque chose avait changé. Cette scène et bien d’autres que l’on rencontre tous les jours sur les réseaux routiers de Nouakchott montrent combien les mauritaniens sont récalcitrants aux respects des règles de civisme ordinaire. Mais si l’Etat peut compter d’abord aujourd’hui sur ses propres moyens de renseignements, les faits suspects doivent interpeller tous les citoyens face aux menaces terroristes. Ne rien laisser au hasard. Un réflexe qui devrait guider tout un chacun. Plus de place donc au fatalisme et la désinvolture citoyenne manifestes. Dans cette nouvelle guerre qu’on impose au pays, le renseignement en reste le nerf.
Dans la sous-région, on se félicite encore de la décision de l’UA d’interdire le paiement des rançons contre otages qui alimentent les caisses de l’Aqmi. Mais il semble de plus en plus évident qu’une alliance internationale pour nettoyer la sous-région de ce fléau soit incontournable, en dépit des désidératas des gouvernements en place. A moins que cela ne les arrange!
Jedna DEIDA
Source : www.quotidien-nouakchott.com le 02/08/2010