En intégrant à son discours une proposition émanant du Front national – la déchéance de nationalité pour certains délits – Nicolas Sarkozy atteint le point d’orgue d’une année de glissements sémantiques et d’appels du pied en direction de l’extrême droite.
Le fiasco du débat sur l’identité nationale. Tout commence en septembre 2009. Après l’affaire de l’EPAD (le fils du président a un temps brigué la direction de l’établissement public d’aménagement de La Défense, avant de se retirer face au tollé provoqué par sa candidature), Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages. Même sa base électorale lui retire sa confiance. A quelques mois des régionales, il est urgent de réagir. L’Elysée relance alors les annonces sur la sécurité : un déplacement éclair en Seine-Saint-Denis, le temps d’aller dénoncer les « voyous », en novembre, mais surtout, le lancement d’un « grand débat sur l’identité nationale ».
Cette idée du ministre de l’immigration Eric Besson, qui souhaite définir ce qu’est « être français », donne lieu à une surenchère de postures nationalistes, voire xénophobes, et de dérapages autour de l’islam et des Français d’origine maghrébine. Il faut dire que Nicolas Sarkozy a demandé, en privé, à ses ministres, de faire « du gros rouge qui tache« . Mais devant le tollé suscité par le débat, le chef de l’Etat préfère laisser à François Fillon le soin d’assister au colloque prévu, le 4 décembre 2009, sur la question.
Quand Sarkozy cite Barrès. Le 13 novembre 2009, Nicolas Sarkozy profite d’un déplacement à La Chapelle-en-Vercors pour se lancer dans une longue tirade sur ce qu’est et n’est pas la France. Un discours qui emprunte à Maurice Barrès pour mieux exalter les valeurs du terroir et évoque à plusieurs reprises les racines chrétiennes du pays, tout en vantant le « métissage ».
L’appel à « la discrétion » des musulmans. Quelques jours plus tard, le 9 décembre, le chef de l’Etat publie une tribune dans Le Monde, en pleine polémique sur le référendum organisé en Suisse au sujet de l’interdiction des minarets. « Au lieu de vilipender les Suisses parce que leur réponse ne nous plaît pas, mieux vaut nous interroger sur ce qu’elle révèle », écrit le chef de l’Etat, qui promet de tout faire pour que ses « compatriotes musulmans se sentent des citoyens comme les autres », mais demande à chacun de pratiquer son culte avec une « humble discrétion ».
« Combat » contre l’immigration clandestine à Mayotte et en Corse. En janvier 2010, Nicolas Sarkozy profite d’un déplacement à Mayotte, où débarquent de nombreux immigrés illégaux, pour évoquer « le combat », « encore loin d’être gagné », contre ce phénomène. Quelques jours plus tard, en Corse, il promet : « Je ne laisserai pas de nouvelles filières d’immigration se développer en France. »
Retour à la sécurité. Lors de ses vœux aux « travailleurs de la Saint-Sylvestre », Nicolas Sarkozy se dit « choqué » par une fusillade qui a tué un adolescent à Lyon. « Nous allons nous occuper de ces bandes cette année. Nous devons repenser notre politique en ce domaine et adopter des mesures sévères pour combattre la possession et l’utilisation d’armes à feu par des voyous », promet le chef de l’Etat. Le 16 février, l’Assemblée adopte la loi Loppsi, qui renforce les mesures d’identification et de vidéosurveillance et autorise l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans.
Le Quick halal. Courant février, une polémique naît de la décision d’un restaurant Quick d’expérimenter la vente de burgers halal dans plusieurs de ses restaurants. Plusieurs politiques de droite et de gauche s’indignent, dont Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, expliquant qu’il n’est « pas un fana du communautarisme ».
La violence au secours de l’UMP aux régionales. Les sondages prédisent une défaite aux régionales pour le parti présidentiel. Dans les derniers jours de la campagne, Nicolas Sarkozy et François Fillon multiplient les discours sur l’insécurité et la lutte contre la délinquance, promettant une action rapide contre les « voyous » et des moyens renforcés pour la police.
La fin des régionales est marquée par l’affaire Soumaré. Sur la foi de mauvais renseignements judiciaires, des élus UMP accusent leur adversaire socialiste dans le Val-d’Oise d’être un « délinquant multirécidiviste ». Ils doivent s’excuser lorsque le procureur de Nanterre dément les accusations. Au premier tour de l’élection, et malgré ces mois de campagne sur les thématiques sécuritaires, le FN retrouve son niveau électoral de 2007. L’UMP a échoué à conserver les voix prises au parti d’extrême droite. Et une partie de son électorat du centre droit n’a pas cautionné ce discours trop autoritaire et s’est abstenu.