L’opposition n’arrive pas, depuis plus d’un mois, à s’entendre sur une plate forme commune à présenter au pouvoir pour servir de base ou cadre du dialogue. Chaque formation de la coalition et parfois chaque tendance au sein du même parti tente de profiter de l’opportunité et faire avancer ses propres pions à tel point que certains ont oublié leur adversaire principal
et essaie de l’utiliser pour abattre un autre partenaire au sein de la COD. Le pouvoir se frotte les mains et se délectent de voir son opposition se déchirer pour avoir le premier ‘’morceau jeté’’…
Le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, a reçu en audience Ahmed Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et chef de file institutionnel de l’opposition, lundi dernier. Cette rencontre est la première entre les deux hommes depuis bien avant l’élection présidentielle du 18 juillet 2009, remportée par le chef de l’état et dont les résultats ont été contestés par ses principaux adversaires dénonçant « fraude et manipulation ».
Depuis le mardi après midi, un coin du voile est levé sur la teneur des sujets abordés à l’occasion de cette rencontre au sommet entre le patron de l’exécutif et un opposant historique. Des révélations rapportées à l’opinion nationale grâce au compte rendu fait par le président du RFD aux principaux responsables de la Coordination de l’Opposition Démocratique lors d’une réunion tenue mardi après midi.
Au cours de l’audience, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a exprimé le souhait d’une opposition au comportement républicain, avec laquelle il serait possible d’avoir une identité de vue minimale par rapport à certaines questions de haute importance nationale. En fait, une espèce de consensus à échelle très mesurée en adéquation avec le contexte sécuritaire et politique du pays.
Intervenant à son tour, le leader du RFD a développé un discours ramassé des griefs de l’opposition démocratique à l’encontre du régime : l’exclusion des cadres de l’opposition par rapport aux promotions dans l’administration publique, l’attribution exclusive des marchés de l’état aux seuls « soutiens » du pouvoir, la question lancinante de la pollution liée à l’exploitation minière et aurifère, avec pour illustration le cas d’Akjoujt et « l’absence » de moyens pour l’institution de l’opposition démocratique…
Cette dernière devant fonctionner conformément à son statut édicté par le texte. Daddah estimant qu’à défaut de cette option au plan pratique, le pouvoir devrait alors se résoudre à sa dissolution pure et simple.
A la lumière de ce jet, les responsables de la coordination ont posé un certain nombre de questions à Ahmed Ould Daddah. Notamment des interrogations relatives à l’évocation d’un certain nombre de problèmes tels que les résultats du scrutin présidentiel du 18 juillet 2009 et le dialogue politique inclusif sur la base de l’accord de Dakar du 2 juin 2009. De la réponse servie par l’opposant, il ressort que ces deux sujets n’ont pas été abordés au cours de sa rencontre avec Aziz.
Du coup, cette audience, qui aurait pu être « historique » pour un éventuel retour de la concertation démocratique en Mauritanie, est restée collée à quelques préoccupations moins nationales, mise à part la question de la pollution.
Au terme de la réunion du mardi, la COD a décidé de « réchauffer » le comité chargé de trouver une position consensuelle pour le dialogue proposé par le président de la République. Une structure née il y a déjà presque un mois, mais qui n’a pas jusqu’ici envoyé le moindre signal par rapport au processus de mise en œuvre de sa mission.
Autant que la fin est un constat d’échec du à des divergences internes qui freinent tout mais que personne ne veut en parler publiquement.
Le dialogue proposé par le président de la République continue donc à diviser une opposition de plus en plus écartelée et incapable de parler d’une seule voix.
A chaque chapelle son « intérêt »
Suite aux derniers développements sécuritaires dans la sous-région, le président RFD a proclamé sur Al Jazeera son soutien à l’armée qui, selon lui, n’est pas une approbation de la décision politique qui l’a décidé. Le Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL), a adopté une position plus prononcé en appelant à l’union sacrée contre un péril étranger.
Avant la sortie de ces deux formations, la coordination de l’opposition a publié une déclaration désapprouvant la politique sécuritaire du gouvernement. Quant à l’Alliance Populaire Progressiste (APP), elle fustigé l’attitude des autorités dans la gestion des mêmes événements mettant en avant le risque d’une « dégradation » des relations entre la Mauritanie et ses voisins.
La photo des divergences au sein du collectif apparaît au grand jour, avec des positions diamétralement opposées sur une question aussi importante.
Ainsi, le RFD serait prêt à traiter avec le pouvoir sur la base de certaines conditions, notamment d’un rapport en conformité avec le texte instituant le statut de l’institution de l’opposition démocratique. Le Bureau Exécutif (BE) du parti a donné mandat au président pour avancer dans cette direction.
Guidé par l’appel des postes et des ambitions parfois personnelles, c’est un euphémisme, le PNDD-ADIL continue la démarche de rapprochement avec le régime. Certains de ses membres s’entraînent déjà à la ‘’danse du ventre’’, argument important pour convaincre le pouvoir d’un soutien…
Du côté de l’APP, dont le leader, Messaoud Ould Boulkheir, également président de l’Assemblée nationale, se trouve du côté de Dakar pour des soins médicaux, on semble de plus en plus bouder un pouvoir qui a refusé la médiation du chef dans le dossier des hommes d’affaires, tout en restant « intransigeant » par rapport au cas du maire de la ville de Zouerate, issu des rangs de la formation. Un élu, employé de la SNIM, qui ne voulait plus lui verser de salaire pour cause de « cumul ».
Même si diviser l’opposition n’était forcément pas l’objectif visé par la proposition de dialogue du chef de l’état, le résultat est là pour montrer que celle-ci n’arrive pas à s’entendre. D’où une fragilisation de plus en plus prévisible. Ce qui naturellement doit réjouir le camp présidentiel et peut même lui donner de nouvelles idées en procédant au soutien d’un clan contre l’autre. Une aubaine et même une réussite pour un système de pouvoir semer et entretenir la discorde au sein de son opposition… pour l’affaiblir.
Cheikh Sidya
Source : www.rmibiladi.com le 29/07/2010