On commence à mieux comprendre la manière dont les choses se sont déroulées, jeudi matin, au cours de l’opération contre Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), grâce à une source proche du dossier.
Il s’agissait à l’origine d’une opération de l’armée mauritanienne, sur laquelle s’est greffée une intervention française. Début juillet, la Mauritanie a été avertie par des sources occidentales etpar leurs propres réseaux dans la région qu’un groupe d’AQMI préparait une opération contre un poste sur le territoire mauritanien, pour la fin du mois de juillet. Le président Abd el Aziz a alors prévenu Paris qu’il allait monter une vaste opération contre AQMI, en utilisant le « droit de poursuite » que s’accordent mutuellement la Mauritanie, le Mali et le Niger pour la lutte antiterroriste. Une première réunion a eu lieu à Paris le 13 juillet au soir et on se souvient que le président mauritanien a été reçu brièvement à l’Elysée, juste avant le défilé du 14 juillet. Les Mauritaniens, sans doute aidés par les Français, avaient repéré un camp d’AQMI en plein désert malien, à environ 150 kilomètres de la frontière entre les deux pays. Ce camp secret n’avait jusqu’à lors jamais été identifié. Il servait de point de ravitaillement pour la katiba de Yahia Abdulaman, qui dépend du groupe d’Abou Zeid.
Des photos semblaient indiquer que l’otage français Michel Germaneau pouvait être détenu sur ce site, mais les services français n’ont en jamais eu la preuve. Paris a alors décidé de se joindre à l’opération mauritanienne, au cas où… Les Français ne souhaitaient participer qu’à cette partie de la plus vaste opération d’attaque préventive menée par l’armée mauritanienne, qui visait au moins un autre site. Il s’agissait, pour la France, de pouvoir récupérer Germaneau dans les meilleures conditions possibles. Parallèlement, les Groupes spéciaux d’intervention (GSI) de l’armée mauritanienne voulaient empêcher le regroupement des 150 hommes environ de la katiba d’AQMI en détruisant leurs bases de ravitaillement.
Les militaires français connaissent bien les GSI, puisqu’ils sont formés par un détachement d’asistance opérationnelle fourni par le COS. Une opération qui dure depuis plusieurs mois dans la plus grande discretion. Plus de 400 « forces spéciales » de l’armée mauritanienne ont déjà été formés, ainsi que plus de 200 Maliens et bientôt des Nigeriens.
Pour participer à l’opération, des « militaires » français sont arrivés de métropole. Selon toute vraisemblance, il s’agissait d’hommes du Service action de la DGSE, qui connaissent bien le Sahel. La France fournissait un soutien en matière de renseignement, de transmissions et de santé. Un hélicoptère avait été prépositionné en Mauritanie, afin d’évacuer Germaneau si nécessaire.
Le point de départ a été une base située non loin de la frontière, où les forces spéciales françaises et mauritaniennes s’entraînent. Le raid a pris la forme d’une colonne de véhicules tout-terrain. Entre 20 et 30 militaires français accompagnaient quelques dizaines de Mauritaniens.La colonne a roulé de nuit et les derniers kilomètres, environ dix, ont été parcourus à pied pour ne pas donner l’alerte. L’attaque contre le camp a eu lieu à l’aube.
Contrairement à ce que nous écrivions sur la base d’informations partielles et erronées, il n’y a donc pas eu d’opérations aériennes. Par ailleurs, le site de Tessalit (nord-est du Mali) n’était pas concerné, contrairement ce qu’affirmaient des sources locales citées par l’AFP.
Six membres d’AQMI ont été tués et quatre ont pu prendre la fuite. Le chef de la katiba ne fait pas partie des morts. Aucune victime n’est à signaler côté français. Lorsque les commandos français ont fouillé le camp, ils n’ont pas trouvé trace d’un quelconque otage. En revanche, ils ont mis la main sur des armes (AK 47), des explosifs, des téléphones portables, divers documents, des pièces de rechange pour les véhicules, etc.
Faute d’otage, la colonne française est rentrée en Mauritanie et l’opération a été « pliée ». En revanche, les Mauritaniens ont poursuivi la traque d’AQMI jusqu’à ce samedi. Ils sont actuellement sur le chemin du retour.
Quant au sort de l’otage français, la plus grande incertitude demeure. Les autorités françaises n’ont eu aucune preuve de vie et son état de santé inspire la plus grande inquiétude comme nous le racontions précédemment. L’ultimatum lancé par AQMI court jusqu’à lundi minuit. « On ne sait rien », reconnait une source proche du dossier. Malheureusement, la chance n’était pas avec les Français : « Si l’otage avait été là, ça aurait été une bonne nouvelle… » nous confiait un peu plus tôt une autre source.
Jean-Dominique Merchet
Source : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/ le 24/07/2010