Rapt des espagnols:Procès “exceptionnel”

Le procès de onze personnes accusées de l’enlèvement de trois humanitaires espagnols, en novembre 2009, non loin de la capitale Nouakchott, est programmé pour ce mardi, 20 juillet. Sur les onze prévenus, six sont actuellement détenus ou sous contrôle judiciaire

 parmi lesquels Amar Ould Sid-Ahmed, alias Omar Sahraoui, un maure malien âgé de 52 ans, un ‘’mercenaire’’ considéré par les services de la police nationale comme le principal commanditaire de l’enlèvement. Il a été enlevé du nord de son pays lors d’une opération rocambolesque commanditée par les renseignements mauritaniens. Il clame haut et fort son innocence et soutient qu’il a subi toutes sortes de torture. Son arrestation a été mal perçue par les maures du nord du Mali qui entretenaient généralement de bons rapports avec l’Etat mauritanien.
Six autres personnes qui comparaîtront devant la cour criminelle sont des Maghrébins dont un Algérien, indique-t-on de sources proches de ce dossier. Il s’agit du nommé Laïd Ould Hbouss, originaire du Sud algérien. Trois autres accusés, parmi lesquels Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou Abbas “laouar”, ex-“émir” de katibat Moulathamine (les encagoulés) qui s’activait dans le sud d’Algérie, seront jugés par contumace, précise-t-on de sources judiciaires.
La programmation de ce procès a suscité plusieurs interrogations d’autant que le procès s’ouvrira devant la cour criminelle de Nouakchott, réunie en session extraordinaire, alors que les vacances judiciaires ont déjà commencé en Mauritanie.
Pourquoi la programmation de ce procès maintenant alors que plusieurs détenus salafistes réclamaient leur jugement depuis deux ans ? Selon des experts mauritaniens en matière sécuritaire, les autorités mauritaniennes veulent lancer un message pour confirmer leur maintien du rejet de toute négociation pour libérer ces détenus dont le GSPC exige la libération en échange des deux otages espagnols et un Français.
D’autant que la Mauritanie a déjà rejeté toute libération de présumés terroristes d’Al-Qaïda qu’elle détient pour obtenir celle des otages occidentaux. En revanche, d’autres observateurs n’écartent pas que les autorités ont cédé à la pression de l’Espagne et de la France, surtout que l’annonce du procès exceptionnel coïncide avec l’ultimatum lancé par le GSPC diffusé sur Internet où l’organisation terroriste menace d’exécuter l’otage français Michel Germaneau, enlevé fin avril dans le nord du Niger. “Nous avons vu sur un site Internet il y a quelques jours un ultimatum. Cet ultimatum est suffisamment inquiétant pour être pris très au sérieux”, avait déclaré lors d’un point presse le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard Valero. “Les autorités françaises n’ont reçu à ce jour aucune demande, aucune revendication des ravisseurs”, avait-il ajouté.
Interrogé pour savoir si un contact existait entre les ravisseurs et la France, le porte-parole du Quai d’Orsay s’est borné à répéter que son gouvernement n’avait reçu “aucune revendication”. L’AQMI, qui affirme détenir l’otage, a donné jusqu’au 26 juillet à la France pour obtenir la libération des prisonniers. Nicolas Sarkozy a évoqué “une inquiétude brûlante” au sujet de l’otage français retenu “quelque part dans le Sahel”. Le dossier a été abordé par le président Nicolas Sarkozy avec ses homologues nigérien, malien et mauritanien, réunis à Paris pour une participation de leurs troupes au défilé militaire annuel du 14 juillet.

Scénario à la malienne ?
Les autorités judiciaires mauritaniennes pourront, selon des observateurs de la scène sécuritaire, procéder à l’extradition du Malien vers son pays d’origine après l’avoir condamné ou bien libérer les détenus après les avoir condamnés à une peine déjà consommée. Donc le même scénario que le Mali qui avait déjà libéré deux Algériens, un Mauritanien et un Burkinabé qui ont été au préalable condamnés à neuf mois de prison ferme pour “détention illégale d’armes de guerre” pour être ensuite libérés en échange du Français Pierre Camatte. L’affaire avait provoqué à l’époque une mini-crise diplomatique entre le Mali d’un côté, l’Algérie et la Mauritanie, de l’autre. L’Algérie avait alors qualifié cette libération de précédent grave qui mettait en péril la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Les deux pays avaient, en signe de protestation, appelé leurs ambassadeurs à Bamako. Mais le dossier en instance de jugement ne concerne pas exactement les détenus salafistes. Il concerne en grande partie les membres de la caravane qui transportait une quantité importante de drogue et qui a été attaquée par l’armée mauritanienne, poussée par ses alliés occidentaux, à l’intérieur même du territoire malien et en a fait plusieurs prisonniers. Or la libération de ces derniers et de Omar Sahraoui en particulier n’est pas réclamée par AQMI. La nébuleuse terroriste demande l’élargissement de certains de ses membres qui ont du sang sur les mains et dont les dossiers ne sont pas programmés dans la présente session de la criminelle.
Il semble que le président de la République aurait pris l’engagement à certains notables maliens de libérer leurs parents auxquels on ne reproche, en grande partie, que le commerce de la drogue et non pas l’implication dans des actes terroristes. Seul Omar Sahraoui est accusé d’avoir facilité ou même commis, pour le compe d’AQMI, l’enlèvement des espagnols. Il faut donc attendre la fin du procès pour voir un peu plus clair dans cette situation.

Mohamed Mahmoud Ould Targui

Source  :  www.rmibiladi.com le 20/07/2010

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page