Pouvoir/Opposition:La rançon de Bruxelles ?

A la surprise générale et au moment le moins attendu, le président de la République a reçu hier matin deux grandes personnalités du parti ADIL. Au menu des discussions : les rapports entre le pouvoir et l’opposition. Le président a même informé ses interlocuteurs qu’il était prêt à rencontrer l’opposition, individuellement ou en groupe.

 Est-ce le début du dialogue sincère qu’appelle l’opinion de tous ces vœux ou s’agit-il d’une nouvelle astuce du pouvoir à la veille de la tenue de la table ronde des bailleurs de fonds de la Mauritanie à Bruxelles.

Le président Aziz a accueilli, hier, dans son bureau deux personnalités de la direction de ADIL : Yahya Ould Ahamed El-Waqf, président du parti, et Yahya Ould Sid’El Moustaph, ancien ministre sous la première transition et sous le magistère du président Sidi. La rencontre a été préparée par le président de l’UPR, Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. Celui-ci, discret dans le comportement et dans le style, était entré en contact depuis quelques semaines avec des personnalités du parti ADIL, considéré comme étant la droite ou même l’extrême droite de l’opposition. Poussé par son chef, l’objectif de Ould Mohamed Lemine était de pouvoir déclencher le dialogue avec l’opposition.
Dans ce cadre et eu égard à la position conciliante développée par ADIL à l’égard du pouvoir, il était tout à fait normal que le chef de l’UPR ait pensé d’abord à eux. D’autant plus qu’il s’agit d’anciens partenaires politiques au sein d’une même structure partisane et avec lesquels il partage presque les mêmes valeurs, le même tempérament et le même profil. Selon des informations concordantes, il avait tenu plusieurs réunions avec eux afin de mûrir leurs idées.
Une fois cette première phase franchie, ces personnalités devraient donc rencontrer le président qui détient le dernier mot. Rendez-vous a été fixé lundi (hier), 07 juin 2010, pour le lancement de cette opération que certains assimilent déjà à une amorce du dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Bien sûr, les pourparlers ou contacts entre l’UPR et ADIL étaient tenus secrets. Même les partenaires de ADIL au sein de la COD n’en étaient pas informés.

La rencontre

Hier lundi, 7 juin, il faisait beau temps à Nouakchott. Le ciel couvert d’une fine couche de nuages  qui empêchait les rayons du soleil d’atteindre le sol. Les premières pluies de l’année viennent de tomber la veille dans quelques endroits du pays. La température politique, jusqu’ici très chaude, connaît elle aussi une accalmie avec la rencontre du président Aziz avec des dirigeants d’un parti de l’opposition. Il était 10h30mn environ. Yahya Ould Ahmed El Waqf et Yahya Ould Sid’El Moustaph viennent chez le président, ils entrent dans son bureau. L’audience a duré plus d’une heure d’horloge.
Elle s’est déroulée, affirme-t-on du côté des invités, dans de bonnes conditions. Les échanges étaient paraît-il francs et ont porté essentiellement sur la nécessité du déblocage du climat politique.
Selon des déclarations rapportées par le site Sahara Media, Ould El-Waqf a expliqué que le président les a informé qu’il était disposé à rencontrer l’opposition et relancer le dialogue avec elle soit individuellement, soit collectivement. Une position qui tranche complètement avec ses déclarations au cours de son dernier meeting à Arafat dans lesquelles il s’était opposé à toute ouverture sur l’opposition.
De toutes les façons, les membres de la délégation de ADIL étaient satisfaits et même contents de l’entrevue à tel point qu’à leur sortie de la présidence, ils se sont précipités pour rencontrer leurs partenaires au sein de la COD pour leur faire le compte rendu de leur rencontre avec le président.
Ainsi, le président de ADIL était allé rencontrer les autres chefs de la coalition. Une réunion de la COD allait se tenir lundi après midi. Elle a été reportée finalement, sur la demande de ADIL, à ce mardi 8 juin. Mais déjà certaines personnalités de l’opposition, tout en se félicitant de ce pas, croient que le dialogue doit s’inscrire dans le cadre des clauses contenues dans l’accord de Dakar.
Une condition qui ne plaira certainement pas au camp présidentiel qui est allergique à la référence à ce document qui, comme l’avait déclaré Aziz, ‘‘ne nous concerne pas’’.

Un piège ?

Tout le monde s’interroge par rapport à ce qui a changé subitement chez le président pour être disposé à faire le dialogue avec l’opposition qu’il décrivait récemment en termes peu amènes. Certains estiment que le pouvoir, soucieux de réussir l’examen de Bruxelles, en est arrivé à la conclusion que l’apaisement de la scène politique est une donne importante chez les européens.
Ces derniers précisent en effet dans tous leurs documents, la nécessité d’engager le dialogue inclusif entre les partenaires politiques. La rencontre avec les dirigeants de ADIL pourrait bien rentrer dans le cadre de cette demande pressante ou exigence du partenaire européen. D’autant plus que le pouvoir n’a rien à perdre en s’arrêtant juste à de bonnes intentions à l’égard des forces de l’opposition.
Au contraire, il a tout à gagner. Surtout si la COD refuse son offre. Dans ce cas, elle sera indexée comme étant l’élément qui refuse ou bloque le dialogue. Ce qui permettrait au pouvoir d’engranger, dans les formes, le soutien des partenaires.
Autre avantage pour le régime, l’offre du dialogue pourrait bien diviser l’opposition à l’intérieur de laquelle certains partis ou personnalités se sentent à l’étroit et un peu loin de leur camp naturel. C’est là une occasion pour eux de prendre le large et de rentrer dans le rang.

Mohamed Mahmoud Targui

Source  :  www.rmibiladi.com  le 08/06/2010

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