Axe Nouakchott – Paris – Madrid : La lune de miel perdure

Le Coup d’Etat du 6 août 2008, qu’avait perpétré le Général Mohamed Ould Abdel Aziz contre l’ex président Sidi Mohamed Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, était perçu comme ayant reçu la bénédiction de la France et de l’Espagne.

 

Au fil du temps, tout indique que ces deux pays ont bel et bien béni le pronunciamiento. Chacun pour des raisons qui lui sont propres.

 La France, ancienne puissance colonisatrice de la Mauritanie, voyait d’un mauvais œil la présence militaire américaine à Atar, plus précisément à un endroit proche des installations de recherche pétrolière de Total. L’Espagne, de son côté, avait besoin d’un régime qui répond éperdument à ses préoccupations sécuritaires liées à l’immigration clandestine. Les intérêts des uns et des autres font que la lune de miel perdure, au grand dam du camp de l’opposition.

La France sera le premier pays à ouvrir les portes de l’Europe au président Mohamed Ould Abdel Aziz. En effet, sur invitation de Nicolas Sarkozy, le raïs de la Mauritanie effectuera une visite en France, au cours de laquelle les autorités françaises lui apporteront leur soutien. A l’Elysée, Ould Abdel Aziz, comme tout président du « pré-carré françafricain », a ses hommes, notamment Claude Guéan, le Secrétaire général, et l’avocat franco-libanais Robert Bourgi. Ils lui assurent encore le lobbying. Tandis que la cellule africaine tente de recadrer la politique africaine de la France, car opposée à sa configuration actuelle. L’homme d’affaires mauritanien Mohamed Ould  Bouamatou assurerait, côté mauritanien, la logistique, au sens large du terme. L’affaire de l’otage français, Pierre Camatte, n’a, en aucun cas, créée une brouille entre Paris et Nouakchott, malgré la violence des attaques du pouvoir de Nouakchott contre le maillon faible… le Mali. Au contraire, l’ambassadeur de France en Mauritanie, Michel Vandepoorter, s’apprêtera de rencontrer Ould Abdel Aziz pour arrondir les angles. En annonçant, dans la foulée, la transformation de la dette mauritanienne auprès de la France en investissement, matérialisé par une cérémonie en grande pompe, histoire de tempérer la colère de Nouakchott opposé à tout « marchandage » avec les terroristes. La veille du jugement des assassins des touristes français aux environs d’Aleg, Alain Joyandet, le Secrétaire d’Etat français à la Coopération et à la francophonie, fera un passage remarqué en Mauritanie, porteur d’un message de soutien de Paris (de Nicolas Sarkozy ?) au pouvoir d’Ould Abdel Aziz. Avec, à la clé, une invitation pour ce dernier à assister au sommet Franco-africain de Nice. La suite est la condamnation à la peine capitale des accusés des crimes d’Aleg. La France, qui a aboli la peine de mort, s’était dite « reconnaissance », mais « opposée » à la peine de mort. Et, pourtant, l’on savait que son vœu était que les accusés soient sévèrement punis. Alors que le rescapé de la tragédie d’Aleg appelait à la « clémence » pour des jeunes qui avaient agi, selon lui, par « ignorance ». Le clou de l’embellie mauritano-française sera la participation de Mohamed Ould Abdel Aziz au sommet de Nice, les 31 mai et 1er juin. Pendant laquelle l’opposition mauritanienne s’est faite entendre à travers une déclaration clouant au pilori la Françafrique, dénonçant le soutien de Paris au régime « militaro-affairiste » d’Ould Abdel Aziz, tout en l’appelant à revoir sa position. Et une manifestation devant l’ambassade de France en Mauritanie dénonçant le « soutien » français aux  Coups d’Etat en Afrique. Peine probablement perdue. La France a choisi son camp.

 

Que reproche l’Espagne à Sidioca ?

Pour l’Espagne, la question qui se pose est que reproche-t-elle à l’ex président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi qui lui a consacré sa dernière visite d’Etat ? Un laxisme dans la lutte contre l’immigration clandestine ? Une négligence des relations hispano-mauritaniennes ? La réponse à ces deux interrogations apporterait des éclaircissements sur son choix  de soutenir l’auteur du putsch du 6 août 2008. La péninsule ibérique fait grand cas du déferlement d’immigrés clandestins dans son territoire, en passant par la Mauritanie qui lui est limitrophe. C’est pourquoi, Ould Abdel Aziz surfera sur ce point sensible en vue de s’attirer les grâces de Madrid. Le résultat est sûrement à la hauteur des espérances. L’Espagne sera parmi les rares pays européens, avec la France, à se féliciter des résultats de l’élection présidentielle de juillet 2009, bien que jugés truqués par les principaux candidats de l’opposition. Ould Abdel Aziz, en effectuant sa première visite de Chef d’Etat élu, en France, passera, sur le chemin de retour, par Madrid, où il sera reçu par le Premier ministre espagnol, le socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero. Et ce n’est pas cela seulement. Assurant la présidente tournante de l’Union européenne, l’Espagne fait des pieds et des mains pour que la réunion de consultation entre la Mauritanie et l’Union européenne, à Bruxelles, se tienne avant la fin imminente de son mandat. Dans ce cadre, son ambassadeur en Mauritanie avait rencontré l’opposition mauritanienne. Mais tout porte à croire qu’elle serait plus que jamais alignée sur les positions du pouvoir. Tout récemment, elle avait fourni des équipements de transport et de surveillance nocturne à la Gendarmerie mauritanienne, à Nouadhibou. Le passage de Joyandet aurait aussi apporté un coup de pouce aux espagnols. Ce n’est pas un simple hasard, qu’en ce moment même la Primature mauritanienne ait annoncé la tenue de la rencontre de Bruxelles dans la troisième semaine de juin courant. En prélude à celle-ci, décisive pour son pouvoir, Ould Abdel Aziz pourrait effectuer une visite d’Etat en Espagne. Certainement pour discuter de la question avec le Chef du gouvernement espagnol, président en exercice de l’Union européenne. La grande inconnue sera de savoir si les deux responsables espagnol et mauritanien conviendront de la nécessité pour l’opposition mauritanienne d’être présente à la table ronde de Bruxelles, conformément à l’accord cadre de Dakar et au protocole convenu entre le Premier ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, et le Directeur général du Développement à la Commission de l’Union européenne. En tout cas, la présence de l’opposition démocratique aura l’avantage de donner plus de crédibilité au régime de Nouakchott auprès des pays européens. Ould Abdel Aziz aura-t-il donc le courage et l’étoffe de franchir le rubicon pour briser le mur de glace qui maintient le pays dans une perpétuelle situation politique conflictuelle ?

IMA

Source : www.gps.mr le 07/06/2010

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