Immigration/visas américains. Le coup d’un redoutable réseau d’escroquerie

40 candidats au visa pour les Etats-Unis d’Amérique ont déboursé chacun entre 28.000 et 2.200.000 de nos ouguiyas pour obtenir le fameux sésame. Après toutes les procédures normales (le formulaire en ligne et le versement des frais du type de visa demandé à la banque) pour le dépôt du dossier, sauf qu’aucun candidat n’a franchi le poste de garde pour le consulat américain,

les candidats attendaient avec assurance leurs visas pour les USA. Aux dernières nouvelles, celui qui était sensé leur obtenir lesdits visas, un certain M.A.W., se trouverait dans un village sénégalais du nom de Agnam? Que s’est il passé réellement? Comment autant de personnes ont-elles cru à cet individu? Pourquoi les demandeurs n’ont-ils pas été alertés sur les agissements obscurs de cet homme?  Ont-ils demandé des informations au service des visas de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Nouakchott? Où sont les attaches mauritaniennes de l’homme en question? Cet homme est-il vraiment de Boghé, comme il l’a dit, et fils d’un grand dignitaire disparu de cette ville?

Le visa des Etats-Unis d’Amérique. Environ 40 jeunes gens étaient candidats pour l’obtention de ce sésame obligatoire pour voyager au pays de l’Oncle Sam. Ces candidats à l’immigration étaient approchés par un réseau très bien outillé pour le faux et l’usage de faux. La tête de pont de ce réseau serait un natif de Boghé qui se réclame être l’enfant d’un digne fils de cette cité qui n’est plus. Celui qu’il affirme être son père (paix à son âme) était un homme d’honneur et un intellectuel connu surtout du côté du MND (Mouvement National Démocratique) et le parti qui en sera issu, l’UFP (Union des Forces du Progrès). Alors, tous ceux qui pensent qu’il est le fils de son père n’ont aucune peine à croire ce qu’il dit. Mais on oublie souvent que l’adage ‘tel père, tel fils’ ne s’exprime pas toujours dans certains cas.

L’arsenal mis en place par ce réseau ne pouvait faire apparaître aucune faille pour un candidat obnubilé par l’immigration. Pour commencer, le donneur de visa ne réclamait rien aux candidats, juste 80.000 ouguiyas pour la constitution du dossier et la réservation d’hôtel. Ainsi, après constitution et remplissage du formulaire en ligne, il présente tous ces éléments aux candidats. Après cette épreuve, il demande à certains candidats de verser les frais du visa au compte du service des visas de l’ambassade des USA à la Banque BMCI et de lui apporter la quittance du versement des frais du visa.

Il dit alors aux jeunes qu’il y a deux possibilités, car à son niveau, le dossier est fini : soit les jeunes déposent eux-mêmes à l’ambassade alors si le visa est accepté on lui paye 350.000 UM ou bien que lui-même dépose le dossier et le montant sera de 600.000 UM car c’est certain qu’il n’échouera pas parce que c’est son représentant au consulat qui s’en chargera personnellement. Et que les jeunes devront comprendre que si c’est lui qui le dépose il peut leur garantir un résultat positif matérialisé par un reçu du consulat américain et à la présentation de ce papier on doit lui donner la moitié du montant. Les jeunes, craignant de voir leurs passeports rejetés, avaient choisi de lui confier leurs dossiers…

Un premier couac pouvait pourtant attirer l’attention des candidats : le service des visas exige la présence physique du demandeur de visa au consulat ; ce n’a pas été fait. Certains de ces jeunes ont eu tout de même à commencer à douter et ont pensé mener une enquête pour savoir s’il est possible que le dossier d’un demandeur de visa soit déposé au service des visas par une tierce personne. Pour ce faire, ils demandèrent à quelqu’un proche de l’ambassade qui leur répondit par l’affirmative et aurait même dit que lui-même est capable de le faire et même de leur trouver des visas car il suffit d’avoir des attaches solides au consulat et que lui en a. Cette personne était-elle de mèche avec le réseau de M.A.W? Ou bien serait-ce un animateur d’un autre réseau? En tout cas, il venait indirectement de convaincre des jeunes à accepter de se faire arnaquer.

Après cette petite enquête, les candidats continuaient à croire à leur consul ambulant car jusqu’à présent l’incroyable personnage n’a demandé aucune somme importante de nature à faire apparaître des soupçons autour de son projet d’arnaque. Jusqu’à ce niveau sur le chemin du voyage des Etats-Unis, les candidats n’ont déboursé que les frais du visa et les frais de constitution d’un dossier solide où le consul ne peut opposer un refus.

Une semaine après cette péripétie, les jeunes sont appelés par le numéro téléphonique 522.01.09 et la voix de l’autre côté se faisait passer pour quelqu’un de l’ambassade ou du consulat confirmant le dépôt de leur dossier et leur donnant rendez-vous pour récupérer un reçu d’acceptation du visa. Ensemble, tout ce monde se rendit au rendez-vous avec M.A.W jusqu’au poste de garde. M.A.W. appela quelqu’un qui serait sorti de l’ambassade. Ce dernier demanda au groupe de se retrouver devant l’Eglise de Nouakchott pour leur remettre leurs reçus. Le groupe s’exécuta et, au lieudit, l’homme qui serait un employé de l’ambassade remit une enveloppe à M.A.W. L’enveloppe contenait des reçus qui allaient coûter aux jeunes gens la moitié du montant prévu pour le visa. Un acompte que les jeunes gens ont déboursé sans hésiter, pensant que le sésame était acquis.

Le téléphone n°522.01.09 continuera d’être utilisé par M.A.W. pour continuer de mettre les jeunes en confiance et à les faire débourser des montants à intervalles réguliers. Les montants déboursés par les différents candidats oscillaient entre 28.000 et 2.200.000 ouguiyas et les victimes étaient au nombre d’une quarantaine.

Quand les jeunes gens ont commencé à réellement comprendre qu’ils ont été escroqués, le donneur de visa et son complice avaient fait leurs bagages pour se retrouver de l’autre côté du fleuve, au Sénégal, dans les environs de Matam, selon les sources. C’est après l’éclatement de l’affaire que les victimes se sont rencontrées et ce fut l’occasion à chacun de raconter son histoire.

Ces jeunes gens avaient été divisés en trois groupes par M.A.W. et chaque groupe ignorait l’existence de l’autre jusqu’à l’éclatement de l’affaire et beaucoup se sont rencontrés à la famille du désormais fugitif pour se rendre compte que leur consul a pris la poudre d’escampette. Les victimes ont porté plainte et croisent les doigts avec l’espoir de retrouver «leur» escroc.

 

Camara Seydi Moussa

 

Source  : Nouvelle Expression N°86  le 18/05/2010

 

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