Aujourd’hui à New York s’ouvre la conférence d’examen du TNP, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Cette conférence, qui va durer trois semaines, est probablement celle de la dernière chance.
Si, comme il y a cinq ans, les 189 pays signataires ne se mettent pas d’accord sur une déclaration commune visant à revigorer le TNP mis à mal par de multiples infractions (commises par des pays « dotés » ou non), ce traité considéré comme le pilier diplomatique de la sécurité internationale risque de devenir définitivement caduc.
Une telle mort du TNP déclencherait probablement une course à l’armement nucléaire – ce qui ferait entrer le monde dans une ère de grande incertitude géostratégique.
Barack Obama tente de sauver cet accord international, qui est entré en vigueur il y a quarante ans, en pleine guerre froide, et qui a été prolongé indéfiniment en 1995 quand le monde était encore unipolaire.
Peut-il y parvenir?
Le TNP est fondé sur un « deal » entre les cinq pays « dotés » et les autres.
Il prévoit que les « non dotés » renoncent définitivement à l’arme nucléaire en échange de quoi les « dotés » s’engagent 1/ à désarmer progressivement, 2/ à ne pas aider d’autres Etats à acquérir l’arme ultime et 3/ à fournir aux « non dotés » les technologies nucléaires civiles nécessaires à leur développement.
Après les errements de l’administration Bush, le nouveau président des Etats-Unis a multiplié les initiatives visant à redonner confiance aux Etats « non dotés » dans la validité de ce « deal » initial.
En avril 2009, Barack Obama a prononcé à Prague un discours consacré au désarmement nucléaire.
En septembre, il a obtenu des cinq pays « dotés » qu’ils signent une résolution des Nations Unies fixant comme but « un monde sans arme nucléaire ».
En avril 2010, il a adopté une révision de la posture nucléaire américaine qui réduit le rôle des armes atomiques dans la doctrine de défense des Etats-Unis et leurs emplois.
Puis, il a signé avec le président Medvedev un accord réduisant d’un tiers le nombre de têtes nucléaires stratégiques déployées par les deux superpuissances atomiques.
Tout à l’heure, à la tribune des Nations Unies, sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton va, selon le New York Times, prendre une nouvelle initiative et annoncer le niveau réel de l’arsenal nucléaire américain – ce qui n’a jamais été fait et était l’une des demandes exprimées par les « non dotés ».
Hillary Clinton va aussi peut-être, aujourd’hui ou dans les jours à venir, annoncer l’organisation prochaine d’une conférence sur la dénucléarisation du Moyen Orient.
Cette conférence, qui serait parrainée par les cinq Etats « dotés », viserait à calmer la colère de l’Egypte (pays clef dans ces négociations, du fait de son statut de président des pays non alignés et de son poids politique régional), qui exige qu’Israël qui n’est pas signataire du TNP le devienne.
Mais, aussi louables et nécessaires soient-elles, ces initiatives seront-elles suffisantes ?
Ce n’est pas du tout sûr.
A New York, pendant les trois semaines de discussion, les pays « non dotés » vont faire remarquer que, quinze ans après la prolongation indéfinie du TNP, la Russie et les Etats-Unis continuent de disposer de plus de vingt mille têtes nucléaires, que la Chine ne cesse d’accroître son arsenal et que la France, élève modèle à bien des égards, continue à moderniser sa force de frappe.
Ils diront aussi que, quand leurs intérêts économiques et géostratégiques sont en jeu, les pays « dotés » n’hésitent pas à bafouer les règles du TNP.
Ils prendront l’exemple de l’Inde, non membre du TNP et qui, malgré ses essais d’armes atomiques de 1998, a obtenu une aide dans le nucléaire civil de la part des Etats-Unis, de la France et de la Russie – ce qui est contraire au TNP !
Ils diront que le Pakistan, lui aussi non signataire, est sur le point de bénéficier de la même aide civile de la part de la Chine – ce qui est tout aussi contraire au TNP.
Bref, ils demanderont ce qui reste du « deal initial » – et si, en dépit des initiatives de Barack Obama, ils ont toujours intérêt à respecter ce traité -ou en tout cas à le renforcer.
Ce qui fera les affaires d’un homme: Ahmadinejad.
Vincent JAUVERT
Source : http://globe.blogs.nouvelobs.com le 03/05/2010
Les Etats Unis possèdent plus de 5000 têtes nucléaires opérationnelles :
Pour la première fois, les Etats-Unis viennent de rendre public le nombre exact de leurs armes nucléaires, qui se montent à 5113. Ce chiffre a été communiqué cette nuit, à l’ocassion de l’ouverture de la conférence d’examen du Traité de non-prolifération (TNP) nucléaire, qui se tient ce mois-ci à New-York. Ce chiffre correspond aux évaluations des experts.
Le chiffre communiqué par l’administration américaine (5113) correspond aux armes opérationnelles. Il ne comprend donc pas les armes retirées ou en cours de démantelèment – celui-ci évalué à 4500 n’ayant pas été publié.
« Nous pensons qu’il est dans l’intérêt de notre sécurité nationale d’être aussi transparent que possible. Cela construit la confiance » a affirmé la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Jusqu’au dernier moment, l’opportunité de cette publication a fait l’objet de vifs débats au sein de l’administration Obama, rapporte la presse américaine.
Jusqu’à présent, seule la France est allée aussi loin dans la transparence, lorsque le président de la République avait annoncé, dans son discours de Cherbourg en mars 2008, que notre pays possédait « moins de 300 têtes » nucléaires.
Le Pentagone a précisé qu’un maximum de têtes nucléaires opérationnelles avait atteint en 1967, avec 31.255 armes nucléaires ! Il était encore de 22.217 au moment de la chute du Mur de Berlin en 1989. Depuis son pic de 1967, l’arsenal américain a donc été divisé par six. Il reste néanmoins 17 fois supérieur à la force de dissuasion française.
Jean-Dominique Merchet
Source : http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/ le 04/05/2010