UPR: S’implanter ou se planter ?

L’Union Pour la République (UPR), un parti formé dans le sillage du putsch militaire du 6 août 2008, devenue, depuis lors, la locomotive attitrée de la majorité présidentielle, grâce à l’élection du président Mohamed Ould Abdel Aziz, le 18 juillet 2009, annonce le début des opérations d’implantation de ses différentes instances pour le 10 avril prochain, au plus tard.

 Ce test de la «grande peur» et, même, tous les dangers, dans une formation minée par des antagonismes individuels et, parfois, quelques querelles de chiffonniers, avec une structure provisoire très restreinte, au sein de laquelle chacun tente de tirer la couverture de son côté, aiguise, déjà, les appétits de tous les acteurs, désireux de montrer au «leader bien-aimé»  leur maîtrise de la base et leur popularité. Un baromètre auquel se mesure le poids politique et l’importance des retombées, dans le partage du «butin de guerre», représenté par les prébendes de l’Etat.

Avant d’entrer, réellement, dans la grande bataille, le bureau exécutif provisoire de la formation présidentielle a désigné les hauts responsables et cadres chargés de conduire les opérations d’adhésion et d’implantation des structures au niveau de Nouakchott, des régions et des départements. Une nouvelle rendue publique dans la soirée du lundi 15 mars, à l’issue d’une réunion du comité exécutif provisoire. Rencontre précédée d’une audience que le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, a accordée au président de l’UPR, le très contesté  Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. 
Se maintenant dans une vieille «tradition», au risque de passer, aux yeux de l’opinion nationale et internationale, comme adepte d’une «révolution conservatrice», le parti au pouvoir a jeté son dévolu sur les plus hauts responsables de l’administration publique pour réaliser le travail d’implantation du parti. Ministres, secrétaires généraux de départements ministériels, directeurs centraux, directeurs des entreprises publiques, etc., comme au bon vieux temps du Parti du Peuple Mauritanien (PPM), du Parti Républicain Démocratique et Social (PRDS) et, à un degré moindre, de la très courte parenthèse du Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL).
Partant du principe que le véritable nerf de la «guerre», dans toutes les sociétés, reste le «Roi Argent», la principale formation de la majorité va lever des fonds, en utilisant la formule des contributions volontaires. Des comptes ont été ouverts dans les livres de deux grandes institutions  bancaires de la place: la Générale de Banque de Mauritanie (GBM) et la Banque Mauritanienne pour le Commerce International (BMCI). Certaines grosses fortunes, même si  cela n’est formellement dit, par une de ces «pudeurs» de vieille fille rompue, pourtant, à toute les acrobaties du genre, les  membres du gouvernement,  les élus et tous les responsables de la galaxie au pouvoir sont sollicités pour un renvoi d’ascenseur. Une opération-collecte visant à réunir plusieurs centaines de millions d’ouguiyas et réussir le baptême de feu de l’implantation. Les jeunes plants, on le sait, ont besoin d’être beaucoup arrosés…

Les démons du passé
L’avenir qui se dessine pour le puissant parti au pouvoir ressemble, fortement et étrangement, au passé des rares formations politiques ayant tenu les commandes en Mauritanie, au cours des cinquante premières années d’indépendance (PPM, PRDS et ADIL).  Désolant constat que cette amnésie récurrente au sein de notre classe, du moins une partie de celle-ci,  toujours prête à foncer, tête baissée, pour accompagner tous les pouvoirs, à la fois dans ce qu’ils font de bien mais, aussi et surtout, dans leurs errements coupables, parfois criminels.  Terrible manque d’imagination qui nous pousse, toujours, à reproduire les mêmes modèles. Un copié-collé, répétant les mêmes erreurs, tant au plan stratégique que tactique. Du coup, le poids et les démons du passé continuent à rôder autour de nous, faisant, de temps à autre, irruption «accidentelle» dans la maison.
La plus grande faiblesse de ces opérations d’implantation de l’UPR est que le parti va les entamer très divisé, presque en lambeaux. Le cercle des soutiens de Mohamed Ould Abdel Aziz laissés en rade, dans le partage d’un gâteau manifestement insuffisant, grossit tous les jours. A titre d’illustration, le meeting, organisé le samedi 13 mars dernier, dans la commune d’Arafat, n’a attiré qu’un public clairsemé, en dépit de la grande mobilisation annoncée par le parti. Les mécontents mettront-ils la main à la poche, pour donner le maximum d’épaisseur à la cagnotte? Rien n’est moins sûr, dans un pays très commerçant où les calculs d’épicier restent une des caractéristiques de la mentalité nationale.
Mais au-delà des interrogations liées au contexte et aux circonstances, la grande équation restera celle du nouveau parti à s’organiser, efficacement et durablement. Une machine pour la postérité, capable de  rester  dans le paysage politique, au sein d’une majorité ou d’une future opposition. Avec suffisamment de repères et de capacités à se repositionner courageusement, en cas de coup dur. Le PPM de Moctar fut interdit par les militaires, quand ils ont pris en main le destin de la Mauritanie, le 10 juillet 1978.Le  PRDS de Taya est tombé comme un château de cartes, juste après la secousse putschiste du 3 août 2005. Peu fier de son passé, il a dû changer de nom, pour chasser les mauvais souvenirs. ADIL a tenté, courageusement mais avec peu de succès,  de résister au coup de force de Mohamed Ould Abdel Aziz. Le nouveau parti se forgera-t-il un destin différent de toutes ces formations?

Amadou Seck 

 

Source  :  Le Calame via www.lecalame.mr  le 24/03/2010

 

     

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