Dialtabé
Les paroles du PM Moulaye Ould Mohamed Lagdaf, défenseur de la langue arabe comme la langue de travail, d’échanges administratifs et de recherche scientifique continuent de créer des vagues, voire des réactions au sein de la communauté négro-mauritanienne.
Le point de presse tenu le 14 mars 2010 par huit partis politique dont l’APP, avec comme thème « La primauté de l’Arabe doit être absolue et perpétuelle» semble être la goutte d’eau qui a fait déborder la vase. Car en marge de ce point de presse, les huit partis « ont suggéré la mise en place d’une équipe parlementaire pour veiller sur l’application intégrale du contenu de l’article 6 de la Constitution et de faire de l’année 2010, une année où l’arabe sera la langue de l’administration et du travail. »
Des paroles qui n’ont pas manqué d’offusquer plus d’un. Comme en témoigne, cette volte-face de l’ancien ministre des Transports (période de la transition), Diop Cheikh Baidy qui s’indigne, qualifiant les paroles de terrorisme intellectuel et xénophobe.
Selon lui, les mauvais génies de la Mauritanie émergent d’une anesthésie imposée en partie par l’opinion internationale et une partie de l’opinion nationale suite aux exécutions extrajudiciaires et aux déportations menées entre 1989 et 1991. Ce qui est, selon ses dires, le plus grand crime qu’un Etat puisse infliger à des composantes de son peuple.
Les survivants de ces atrocités, indique-t-il, n’ont pas de répondant en droit international moderne. Pendant vingt ans, parler de ces atrocités était considéré comme un suicide ou une intolérable provocation. Témoignant par la suite qu’en 2007, un régime politique a voulu pour des raisons de justice et de cohésion nationale vider ce lourd passif humanitaire. Mais malheureusement dira t-il, ce sont les plus hautes autorités de l’Etat et un segment d’une certaine intelligentsia « arabophone » qui deviennent aujourd’hui, les thuriféraires ethnicistes et poussent à la confrontation des composantes nationales.
Poussant le bouchon plus loin, il affirme que ce sont quelques imams de mosquées et certains professeurs d’université qui poussent à l’exclusion ethnique en demandant une imposition brutale exclusive et sans nuance de la langue arabe. Selon lui, c’est juste une fuite en avant pour refuser ainsi aux autres composantes nationales du pays (halpularen, soninkés et wolofs), la légitimité et le droit à la différence et à la diversité linguistique et culturelle. Selon lui, un homme de bien ne peut dire des incongruités politiques, à fortiori, « des mensonges historiques ». Par la suite, il a indiqué que ceux qui connaissent l’histoire ou veulent d’une Mauritanie qui se construit, savent parfaitement, les cheminements historiques et le rôle joué par chacune des composantes nationales. Car, la Mauritanie, dira t-il, de par sa constitution, n’est ni un empire ni un Emirat, mais une République « Res publica », c’est-à-dire une « Chose publique » qui appartient à tout le monde, sans droit de préemption d’une classe, d’un lobby sur un autre.
Selon lui, cette incroyable mansuétude vis-à-vis de ceux qui revendiquent haut et fort leur xénophobie et poussent à la confrontation ethnique est intellectuellement explicable.
Pour y remédier, il a demandé à la puissance publique de sanctionner, conformément à la loi, toutes les fautes susceptibles d’engendrer des troubles graves, pour qu’elle puisse arrêter, rapidement, toutes dérives pernicieuses qui prônent l’exclusion et peuvent conduire à des implosions. Car ajoutera t-il, des revendications identitaires stériles et inopportunes risquent de continuer à paralyser le pays en neutralisant l’énergie de ses cadres et en passant sous le tamis de lessivage, ses efforts de construction et son tissu de valeurs.
S’indignant de ces paroles, il a demandé de ne pas traumatiser l’histoire. Il faudrait s’attaquer à des actes essentiels garantissant la stabilité et la sécurité du pays, l’égalité devant la loi, le droit à la différence et à la diversité, l’utilisation optimale de ses ressources pour l’épanouissement et le bonheur de ses enfants. « C’est ce rêve là que nous avions fait en aidant le 28 novembre 1960, à la naissance d’un Etat moderne ».
Source: Le Quotidien De Nouakchott du 17/03/2010 – 12:39