Pierre Camatte : « L’Algérie et la Mauritanie se plaignent

…de ma libération…mais la seconde va être placée face à la même décision. »
Pierre Camatte, 61 ans, a répondu brièvement aux questions des journalistes après avoir vu sa famille à sa descente du Falcon qui s’est posé, hier à 10 h 35, à Villacoublay.

Rentré en France hier, le Vosgien Pierre Camatte, ex-otage d’Al-Qaïda au Mali, a pris un quart d’heure pour raconter au Républicain Lorrain sa captivité. Au bout du fil, la voix paraît lasse. Il est 20 h 15. Pierre Camatte sort d’un hôpital parisien et semble au bout du rouleau.

Il bute sur les mots. «Je suis un peu fatigué, excusez-moi.Je vais essayer d’être le plus clair possible», lance-t-il, incroyable de lucidité après trois mois de détention au Mali et une journée épuisante à répondre aux sollicitations des médias et des services de l’Etat.

Donnez-nous d’abord de vos nouvelles. Après près de trois mois de captivité, comment vous sentez-vous ?

Pierre Camatte : «Physiquement, ça peut aller. Côté mental, il va me falloir du temps pour me reconstruire, ça va être très difficile. Mercredi, j’ai pris connaissance de tout ce qui s’est passé pendant ma détention et j’ai donc pris conscience de ce à quoi j’ai échappé. J’aurais très bien pu ne pas rentrer et je n’en avais pas conscience là-bas.»

Avez-vous pris des risques en allant dans cette région ?

«Absolument pas. Cela fait quinze ans que je m’y rends sans connaître le moindre problème. Je n’ai commis aucune imprudence.»

Vous avez vécu près de trois mois dans des conditions de détention très difficiles. Quelles étaient-elles ?

«Ce n’était pas une prison. Il n’y avait pas de barreaux. Juste le désert et une couverture sur le sable. Parfois à l’ombre, quand par chance il y avait un arbre. Le plus souvent en plein soleil. L’hygiène était épouvantable, je n’avais aucune affaire de toilette. L’alimentation n’était absolument pas variée. L’eau imbuvable. J’ai été malade et jamais soigné. Pas de médicaments.
Qui étaient vraiment vos ravisseurs ?

«J’ai découvert des fous furieux, pensant détenir une seule vérité et voulant la faire connaître par la contrainte au monde entier. Il s’agissait d’islamistes fanatisés et conditionnés par le Coran à leur manière. Ils sont très dangereux. J’ai pu aussi m’apercevoir qu’il y avait entre 70 et 80 % de jeunes, voire de très jeunes, autour de la vingtaine d’années. C’est très, très inquiétant.»

Votre libération a déclenché une crise diplomatique en Afrique et une polémique en France. Que répondez-vous à ceux qui sous-entendent que votre vie ne valait pas la libération de quatre dangereux islamistes ?

«Relâcher quatre islamistes dans la nature n’est pas vraiment important. Ça paraît peut être laxiste de dire ça, mais quand on en emprisonne quatre, ils en convertissent à la place 30 ou 40. A quoi aurait servi ma mort ? A rien, à part démontrer leur barbarie. Le problème est plus profond. Il faut plutôt voir comment organiser la lutte contre ces groupes dans le Sahara.
Propos recueillis par Philippe Marque.

J’avais constamment la peur au ventre parce que les agissements de mes accompagnateurs, si je peux les appeler comme ça (Rires…), n’étaient pas vraiment sympathiques. Il y a eu beaucoup de menaces, des canons de kalachnikov pointés vers moi, des gestes d’égorgement. Pendant mon enlèvement, j’ai résisté et j’ai été roué de coups. Je sors de l’hôpital et je viens d’avoir la confirmation que j’avais quatre côtes cassées.»

La réponse est technique et matérielle. Il faut donner les moyens d’agir aux gens qui veulent les contrer. L’Algérie et la Mauritanie se plaignent de ma libération. Mais la seconde va être placée face à la même décision. Des otages italiens pris sur leur sol font l’objet d’un ultimatum pour relâcher des prisonniers. On verra ce qu’ils feront. On voit toujours la paille qu’il y a dans l’œil du voisin et pas la poutre qu’il y a dans le nôtre.»

Source  :   Le Républicain Lorrain   via http://www.cridem.org le  27/02/2010

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