Le spectacle continue, la crise perdure. La Majorité conduite par l’Union pour la République (UPR) cherche à enclencher une nouvelle dynamique du dialogue par la
réflexion menée sur un thème aussi » porteur » que celui de la Gouvernance en Mauritanie depuis les 50 dernières années !
Sans rejeter le principe, de dialogue et de discution, l’opposition a émis une fin de non recevoir à la participation aux » nouveaux états généraux » du fait qu’elle n’a été invitée ni à l’établissement des sujets à discuter ni à la manière de rétablir le dialogue, (comme le stipulent les Accords de Dakar ayant présidé à la tenue de l’élection présidentielle de juillet 2009).
C’est donc à un véritable dialogue de sourds, dans la pure lignée des Etats Généraux de la Démocratie de 2009, que l’on assiste aujourd’hui.
L’on craint, dans le camp de l’opposition démocratique qu’une fois encore, tout ne soit fait, par le pouvoir et ses soutiens, pour » valider » le package de mesures de tout ordre qui ont été prises par le gouvernement et auxquelles la Coalition rassemblant l’ancien FNDD (Front national pour la défense de la démocratie) et le RFD d’Ahmed Ould Daddah n’ont pas voulu apporter leur caution. Une » résistance » intérieure qui risque, une fois encore, de fausser les calculs d’un pouvoir désireux de faire oublier ses origines putschistes.
Ainsi, les stratèges du système Aziz pensent au meilleur moyen de relancer la machine. Parmi les subterfuges, l’opposition cite l’entretien de la flamme autour de la lutte contre la gabegie, à travers d’abord l’arrestation d’hommes d’affaires opposés dans le passé au pouvoir et le limogeage de hauts cadres dont le dernier acte vient d’être inscrit avec le débarquement inexpliqué des hakem des 9 moughataa de Nouakchott !
C’est comme si l’euphorie des premiers moments commence à baisser, même s’il faut reconnaître que le président Mohamed Ould Abdel Aziz, en ancien général, maîtrise bien le terrain conquis. Comme au tout début de la crise consécutive au coup d’Etat du 6 août 2008, la donne essentielle du bras de fer opposant le nouveau pouvoir à l’opposition démocratique reste donc la position de la communauté internationale, notamment celle de l’Union européenne qui, tout en annonçant la reprise de la coopération avec la Mauritanie, est loin d’avoir atteint sa vitesse de croisière d’il y a deux ans, quand le Groupe Consultatif de Paris sur la Mauritanie avait délier la bourse.
C’est donc au retour au contexte favorable de 2007, à Paris, que la Majorité cherche, désespérément, à revenir. Mais l’on ne peut présager de la manière adopter actuellement pour que la communauté internationale qui avait accepter de venir en aide à notre pays, alors à la recherche de 387,8 milliards UM nécessaires pour boucler les besoins de financement globaux du PIP qui s’élèvent à 817,6 milliards UM au cours des trois prochaines années. C’est dire que l’essentiel de la gouvernance du pouvoir actuel tient encore aux retour des investissements, eux-mêmes liés à la pacification des rapports avec l’opposition.
Pour l’instant, les engagements du FMI (100 d’USD sur trois ans), de la Banque mondiale (16 millions d’USD) et de l’Union européenne (non encore chiffrés avec précision) ne sont pas de nature à redonner l’espoir aux Mauritaniens, qu’ils soient pro ou anti Aziz.
Un remake des EGD
C’est donc à cet aspect de la gouvernance qu’il faut regarder aujourd’hui à travers la tenue du conclave de la Majorité. Cette nouvelle version des EGD de 2009 se tient dans un contexte politique et économique déterminant pour l’avenir de la Mauritanie. Le pays vient d’achever en juillet 2009, une seconde transition démocratique « saluée par l’ensemble des observateurs », a précisé le Premier ministre dans sa Déclaration de Politique Générale mais il ne s’agit en grande partie que de paroles non d’actes.
Le pari à gagner, avant la fin de la première année du quinquennat du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, est de re-présenter la Mauritanie, comme en 2006 où elle avait bénéficié de l’annulation de la quasi-totalité de sa dette, en pays renouvelé, résolument engagé sur la voie démocratique, réconcilié avec lui-même, disposant de ressources additionnelles et libéré des pesanteurs de toute crise politique.
C’est loin d’être un pari gagné pour le nouveau pouvoir qui a placé la barre très – trop – haut.
Malgré les petites avancées sur le terrain de la lutte contre la gabegie, par le rapprochement des services de bases des populations et les sanctions infligées par à-coups aux fauteurs, la situation globale du pays demeure fragile et les atouts précités recèlent en eux des risques et défis importants : Les ressources pétrolières s’avèrent moins importantes que prévu, l’annulation de la dette multilatérale s’est traduite par une contraction sans précédent des enveloppes concessionnelles disponibles pour le financement du développement et l’espoir né de la réussite démocratique se trouve maintenant confronté à la dure réalité de la pénurie de ressources et à une attente populaire de plus en plus forte.
Pour toutes ces raisons et plus que par le passé, la Mauritanie a besoin de l’accompagnement de ses partenaires au développement durant cette phase critique de passage à une démocratie véritable et d’éradication de toutes les séquelles du passé afin d’éviter, d’une part, que l’acquis démocratique, ne soit remis en cause sous la pression du quotidien et, d’autre part, que des recettes pétrolières encore fluctuantes ne se substituent, dans l’esprit des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), aux ressources de l’APD dont le pays a encore besoin pour consolider sa stabilité macroéconomique et financer sa stratégie de développement qui vise à atteindre les OMD, à favoriser une croissance durable et équitable et à créer un climat attractif pour les investissements.
Un éventuel durcissement des positions de l’opposition démocratique risque d’aller dans le sens non désiré par le pouvoir : Une probable restriction de l’aide remettrait en cause tous les efforts du président Mohamed Ould Abdel Aziz qui, après avoir réussi à vendre sa « rectification », cherche maintenant à soigner sa nouvelle image de » président des pauvres « . Et là, la faute reviendrait à tous ceux qui ont conseillé à Ould Abdel Aziz de choisir la manière forte.
Les observateurs avertis pensent que le Président Ould Abdel Aziz a été entraîné dans cette noria de manœuvres politiques par sa Majorité désireuse de tirer profit de sa présence dans la plus haute sphère de l’Etat. Ould Abdel Aziz qui avait débarrassé les Mauritaniens de « l’affreux » Ould Taya pouvait très bien se contenter de l’estime et du statut de sauveteur qui valent bien une présidence de la République. Mais le retour des « fossoyeurs de la Mauritanie » l’a poussé à reprendre la main.
D’aucuns considèrent que l’homme est sincère quand il disait, au début, de sa » révolution » qu’il n’attachait aucun intérêt au pouvoir. Mais Ould Abdel Aziz peut-il imaginé, un instant que lui et les politiques qui le soutiennent agissent pour le même intérêt ? L’expérience avec le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est là pour prouver que l’homme politique mauritanien ne fait rien pour rien. On a encore à l’esprit les arguments mis en avant par les frondeurs reprochant au » président qui rassure » de ne pas trop s’occuper d’eux.
Au sens matériel du terme, puisque tout était question de nominations, de quotas, de privilèges et d’implication dans la gestion des affaires de l’Etat se traduisant, dans le langage cru des Mauritaniens, par le » partage du gâteau « . Malgré le discours ambiant, le rapport entre le président Mohamed Ould Abdel Aziz et ses soutiens est loin d’être différent de celui que l’un et les autres entretenaient, ouvertement ou à couvert, avec le président Sidi.
Il est impossible de ne pas penser, en effet, que les hauts postes de responsabilité occupés aujourd’hui par des proches de nombreux parlementaires n’ont pas quelque chose à voir avec cette façon de voir les choses. Finalement, Ould Abdel Aziz risque de se retrouver dans la même situation de tous ceux qui l’ont précédé au pouvoir : un entourage qui le pousse devant, se sucre sur son dos, lui fait endosser la responsabilité de tous les errements du pouvoir pour finalement l’abandonner quand le bateau prend eau de toutes parts.
Mais d’ici la prochaine élection présidentielle, le temps travaille pour lui. Après on verra. C’est typiquement mauritanien, non ?
Source : L’Authentique