Isselmou Ould Abdel Kader, ancien ministre et consultant :

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‘’L’opposition a été piégée en acceptant le processus de négociations de l’Accord de Dakar, en signant ce dernier et en reconnaissant subrepticement les résultats des élections de 2009’’.

Ancien administrateur, juriste et ancien ministre, Isselmou Ould Abdel Kader est connu pour son franc-parler. Une qualité qui ne vaut pas, on le sait bien chez nous, que des amabilités. D’ailleurs, il en a déjà fait les frais. Il a été, plusieurs fois, arrêté ; la dernière en 2008, quand il évoqua tout haut, sur les antennes de la télévision nationale, ce que tout le monde pense, tout bas, du corps d’élite (BASEP) chargé de la protection du président de la République… Piqué par le virus du militantisme depuis son jeune âge, IAK dispose d’un important background, une grande expérience politique, intellectuelle et culturelle. Un de ses amis dira, pour tout résumer, que c’est très grand un militant convaincu dont les positions contribuent à éclairer notre scène politique. Il faut cependant reconnaître que, même s’il s’en explique dans cette interview, son adhésion à l’UNAD a dérouté certains observateurs. Cette capacité à étonner est, peut-être, une autre face de l’homme… Découvrons-la.

Le Calame : Pouvez-vous, pour commencer cet entretien nous expliquer les raisons pour lesquelles vous avez choisi d’atterrir à l’UNAD plutôt qu’à un autre parti de la place ?

Isselmou Ould Abdel Kader : Pourquoi avez-vous choisi d’atterrir au Calame plutôt qu’à un autre journal ? J’ai choisi d’adhérer à cette formation en gestation, car je me suis senti capable, du moins susceptible d’apporter une pierre au développement de mon pays en lui transférant ma modeste expérience. Le Président Abdel Koudouss Ould Abeidna est un jeune cadre universitaire de très haut niveau, plein d’enthousiasme et de patriotisme. Il est capable de se remettre en cause, et il a du temps devant lui. Il peut assumer des charges publiques d’une grande importance auxquelles je contribuerai à le préparer.

Ne risquez-vous pas de quitter votre parti un jour comme vous avez quitté le RDU ?

Je n’ai pas quitté le RDU ! C’est lui qui m’a quitté, prononçant sa dissolution et en adhérant en masse au parti ADIL. J’ai choisi quant à moi d’aller pécher à la ligne comme disait Edgar Pisani, en attendant que mes camarades du RDU se rendent compte que les partis au pouvoir ne sont que de la mousse. Pour ce qui concerne l’UNAD, je n’aurai pas besoin de le quitter pour lui signifier mon mécontentement. Il suffira de lui dire ce que je pense quand on n’est pas d’accord sur ce qu’il fait.

On a constaté que vous intervenez moins dans les meetings de la COD. Quelles sont les raisons de ce retrait ?

Ce n’est pas un retrait. Cela fait partie de ce qui doit être la stratégie de la classe politique actuelle. Je pense, sans viser personne, que la responsabilité de ma génération et de celle qui la précède est de former une nouvelle faune de jeunes cadres pour la préparer à assumer le destin du pays. Cette tache doit être considérée comme primordiale et discutée de manière franche. Je ne fais pas allusion à ce que, par ignorance de la politique et du phénomène du renouvellement des générations en général, certains, y compris M. Ould Abdel Aziz, appellent le renouvellement de la classe politique. Il faut que les partis politiques envisagent une stratégie qui leur permette de préparer leurs cadres à travers la formation et la pratique des responsabilités. Sans cela, ils ne cesseront pas de fonctionner comme des centres d’apprentissage de la dictature et du pouvoir personnel. Quant à moi, bien que deuxième personnalités après le Président de l’UNAD, je donne au secrétaire permanent M. Sidi Ould El Kory l’occasion de se former en abordant le public et en réfléchissant aux décisions capitales à travers la participation aux réunions des présidents de la COD. C’est cela l’Alternance dont le principe fonde notre parti.

La COD vient d’organiser sa énième marche avec pour slogan : « Aziz Dégage ! ». Le pouvoir, pour sa part, ignore cet appel. Jusqu’où peut ou doit aller la COD pour arriver à son objectif ? Avec ces marches qui n’ébranlent pas le pouvoir, la COD ne court-elle pas le risque de voir se banaliser cette forme de contestation ?

Il n’est jamais facile de déboulonner un homme qui a mis toutes les ressources de l’Etat au service de son règne personnel. Il est encore moins facile de mettre fin à un régime militaire qui dure depuis plus de trois décennies. La COD a organisé beaucoup de marches en exigeant le départ du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Elle en organisera davantage pour arriver à cette fin, mais cela peut durer longtemps comme au Yémen, en Syrie et même en Libye. Cela dit, je pense personnellement qu’à un moment ou un autre, la COD devra, soit payer le prix de son ambition, soit négocier la contrepartie de son allégeance au système. C’est cela, en fait, le sens véritable et ultime de la politique.

Pourquoi à votre avis la COD exige aujourd’hui le départ d’un pouvoir dont elle a jusqu’ici reconnu la légitimité et qui est élu pour un mandat de 5 ans ?

Vous avez raison d’insinuer que la COD, du moins certains des partis qui la composent, a été piégée en acceptant le processus de négociations de l’Accord de Dakar, en signant ce dernier et en reconnaissant subrepticement les résultats des élections de 2009. Il aurait été raisonnable d’attendre l’expiration du mandat de M. Ould Abdel Aziz, si le processus de Dakar avait continué à prévaloir en ce qui concerne les autres points qu’il stipule, à savoir la recherche des voies et moyens permettant de mettre fin à l’implication de l’Armée dans la vie politique nationale en tant qu’acteur principal de fait. Sous la pression de la France sarkosienne et de Mouammar Kadhafi, la communauté internationale a lâché les opposants au coup d’Etat par lequel le général Mohamed Ould Abdel Aziz a accédé au pouvoir et apporté à ce dernier un appui qui l’a encouragé à faire fi de toute exigence de bonne gouvernance du pays. En plus du fait qu’il a renié l’accord de Dakar qui est la base de sa propre légitimité, le général Ould Abdel Aziz instaure le régime le plus dictatorial et le plus personnel de l’histoire du pays. Sa gestion économique et financière est aussi opaque que moralement douteuse. La gestion politique ne fait appel à aucun mécanisme de partage de vision sur quoi que ce soit. L’enjeu immense du terrorisme est considéré comme une simple promenade où notre armée déplore des pertes chaque fois qu’elle sort de notre territoire sans l’aval du Parlement. L’appareil administratif se nécrose à tous les niveaux. Les institutions représentatives, en dépassant la durée de leurs mandats respectifs, sont devenues inconstitutionnelles. Vous voyez donc qu’en dépit de tout ce qu’il peut invoquer, M. Mohamed Ould Abdel Aziz doit partir et laisser aux Mauritaniens le soin de reconstruire leur Etat sur de nouvelles bases. S’il ne part pas et si la COD ne peut pas le déloger pacifiquement, il est très probable que le pays explose et qu’il ne soit plus possible de le maitriser.

Devant cette escalade, le président de l’Assemblée Nationale Messaoud Ould Boulkheir propose un gouvernement d’union pour décrisper la scène politique et organiser ensuite les prochaines élections municipales et législatives. Mohamed Ould Abdel Aziz n’aurait-il pas intérêt à accepter cette initiative ? Quelles concessions le pouvoir et l’opposition doivent se donner mutuellement pour donner une chance à un dialogue franc et sincère?

J’ai confiance en M. Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemble nationale dont je reconnais les sentiments patriotiques sincères. Je pense aussi que la scène politique a besoin d’être assagie. Mais ce à quoi je suis sceptique, c’est la possibilité de faire ménage avec M. Ould Abdel Aziz. L’homme a un déficit congénital de confiance en lui-même, au point qu’il ne peut jamais s’éloigner de la gestion quotidienne de l’Etat. C’est pourquoi ses ministres n’ont pas l’air d’exister à cause du manque d’initiative auquel ils sont condamnés. Dans ces conditions, à quoi servirait un gouvernement d’union nationale ? Le pays est dans une situation qui risque d’échapper à tous les acteurs. M. le président de l’Assemble a raison de penser que nous risquons de devenir la première victime du conflit de l’Azawad, ce qui nous recommande d’opter pour un changement avec le moindre coût économique et humain. Mais il ne semble pas avoir convaincu M. Ould Abdel Aziz de l’importance de cet enjeu. Si le gouvernement dont il parle est formé des meilleures compétences, agissant selon une vision partagée par tous les acteurs politiques et exerçant les pleins pouvoirs comme dans un système parlementarisé pour la circonstance, je pense que ça devient discutable. Mais si c’est un gouvernement où M. Ould Abdel Aziz fait office de président, de ministre, d’ordonnateur, de comptable, de secrétaire et de planton, ce n’est vraiment pas la peine d’en discuter.

Vous pensez sincèrement qu’il cumule toutes ces fonctions actuellement?

Allez demander à M. Thiam Diombar, le Ministre des Finances, pourquoi il refuse depuis deux ans de me payer mes honoraires.

Pensez-vous que le choix du directoire et des membres de la CENI est de nature à garantir l’indépendance de cette institution pour permettre à la COD de prendre part aux prochaines élections?

Qui vous a dit que la COD prendra part aux futures élections ? Je me garde d’entrer dans une polémique en ce qui concerne l’importance et l’efficacité réelle de la nouvelle CENI. Je ne veux pas énerver mes amis de l’opposition négociante, mais ils savent mieux que quiconque que la source de la fraude électorale n’a pas été l’inefficience de la CENI depuis qu’elle existe. En 2006 et 2007, cet organisme a été irréprochable. En 2009, il l’a été davantage avec la démission de son président M. Sid’Ahmed Ould Dey qui n’a pas voulu cautionner la fraude. D’ailleurs, après la carte d’identité infalsifiable utilisée depuis 2001, les doubles votes ont complément disparu. Le problème – et ils le savent bien – c’est l’utilisation des ressources financières publiques par le président-candidat, la pression des walis et des hakems sur les notabilités locales pour qu’elles donnent l’ordre de voter au président candidat. Enfin, ce qui s’est passé aux dernières élections grâce au génie de Karim Wade et ses acolytes locaux n’est plus un secret.

Voulez-vous dire que Karim Wade a contribué, par la fraude, à faire élire Mohamed Ould Abdel Aziz? Pour quel but? Et pourquoi il ne l’aurait pas fait pour son père battu aux dernières élections présidentielles sénégalaises?

Je ne veux pas entrer dans les détails. Les intéressés savent bien de quoi je parle et l’histoire en dira davantage lorsqu’elle aura son mot à dire à ce sujet. De toutes façons, les Sénégalais ne sont aussi dupes que nous et personne n’aurait pu leur faire avaler la pilule aussi facilement qu’elle nous a été ingurgitée en 2009. Les Sénégalais ont été capables de payer le prix de la délivrance alors que nous avons encore peur de nous mouiller les boubous.

En s’emparant du pouvoir, Mohamed Ould Abdel Aziz s’est autoproclamé président des pauvres et pourfendeur de la gabegie, ce qui lui a valu, il faut le reconnaître, un grand élan de sympathies du peuple mauritanien. Quelle évaluation faites-vous de cette croisade sur laquelle l’opposition le critique aujourd’hui ? La lutte contre la gabegie est une bonne option pour le pays, mais n’est-on en train d’assister à son essoufflement depuis l’arrestation de Mohamed Lemine Ould Dadde?

Au début, bien que je me sois opposé au coup d’Etat du 6 aout 2008, je me disais que M. Ould Abdel Aziz pouvait être un mal nécessaire qu’on appelle en arabe « keyetoun mina nari, fiha chifaoun ». Le pays a été effectivement dévasté par la mauvaise gestion, le détournement des biens publics, le népotisme. La société mauritanienne était devenue folle en vivant au dessus de ses moyens. Les Beidanes en particulier abusaient de ce qui apparaissait ou pouvait apparaître comme une rente du pouvoir. Je ne parle pas d’une tribu donnée ou d’un groupe particulier. Tous les cercles autour du pouvoir y compris mes anciens collègues walis ou ministres et moi-même furent responsables de cette vaste entreprise gabégique qui était historiquement compréhensible sans être moralement justifiable. L’élargissement de la couche moyenne, qui conditionne dans une certaines mesure la stabilité de l’Etat et l’émergence d’une véritable bourgeoisie, semblait recommander une marge de tolérance pour laisser s’épanouir le génie du Tieub tieub. A son accession au pouvoir, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui semble avoir eu à l’époque de bons conseillers en matière de communication, avait eu raison de choisir des mots d’ordre attrape-tout qu’il utilisait à loisir et qui lui ont donné le loisir de faire autant, sinon plus que les plus grands coupables de détournements des deniers publics. C’est, me semble-t-il, la logique de tout pouvoir qui profite de slogans pour faire pire que celui qu’il vient de destituer. En un mot, le pays aurait pu profiter d’un homme têtu comme Mohamed Ould Abdel Aziz pour se discipliner et rompre définitivement avec le passé. Mais, logiquement, il ne pouvait pas y arriver, car l’homme représente un pur échantillon du système contre lequel il vitupère. Il suffit pour s’en convaincre de lui poser la question de savoir l’origine de sa fortune et ce qu’il faisait de la prime journalière d’’alimentation des soldats qui étaient et demeurent sous son commandement. Néanmoins, il a raison de penser que les dernières décennies ont détruit tous les codes de comportements normés dans notre pays. Les villes sont construites de manière anarchique, les terres domaniales sont illégalement occupées, la circulation routière est le lieu des conciliabules et des réunions, les jugements ne sont pas exécutés, les faux diplômes se comptent par milliers, les faux médicaments tuent des centaines de milliers d’innocents citoyens. Bref, la bédouinité a submergé le lit de la normalité engendré par l’Etat et le général Ould Abdel Aziz aurait été un véritable héros s’il avait mis le pays en ordre comme l’avaient fait bien des hommes tels Moustapha Kemal en Turquie ou Saddam Hussein en Irak. On l’aurait cru s’il avait donné de manière incontestable le meilleur exemple qui soit. Mais « la grandeur et la gourmandise ne font pas bon ménage », dit un proverbe de chez nous.

Vous avez été arrêté comme un certain nombre de gens qui n’ont pas accepté de se faire « rectifier», au lendemain du 6 août 2008. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’état des libertés en Mauritanie ?

Aujourd’hui, personne ne peut porter atteinte aux libertés de manière flagrante, car ni la communauté internationale, ni même les citoyens ne l’accepteraient. Le respect formel des libertés n’est donc plus un indicateur évident permettant de juger un régime politique. Actuellement, la vraie demande des citoyens, c’est l’égalité des chances pour un partage équitable des ressources et des opportunités publiques. Or ce à quoi on assiste depuis l’accession de M. Ould Abdel Aziz est au pouvoir c’est l’aggravation des inégalités économiques. Aussi, assiste-t-on à une entreprise de domestication de la justice qui est le véritable garant des libertés. Certaines arrestations ont lieu, suivies de détentions prolongées sans jugements. Les communautés autochtones de la vallée du fleuve sont spoliées de leurs terres. Les recours gracieux, hiérarchiques, juridictionnels ou pour excès de pouvoir ne sont pas opérants dans l’immense majorité des cas.
Cela dit, il faut reconnaitre que M. Ould Abdel Aziz n’a pas révélé jusqu’ici une tendance caractérielle favorisant la violence ou le mal. C’est peut-être un trait permanent des sa personnalité, mais c’est peut-être aussi une fausse illusion qu’il entretient.

Certains de vos concitoyens pensent que vous pratiquez un franc-parler excessif, voire provocateur. Qu’en pensez-vous ?

Je ne veux être ni excessif ni provocateur, car je suis timide de nature. Seulement, je pense que ce pays n’avancera jamais tant que les gens préfèrent murmurer pour dire ce qu’ils pensent concernant les affaires publiques. Il faut que nous apprenions à parler à haute voix et à dire des choses qui ne plaisent pas nécessairement à tout le monde mais qui ne blessent aucun amour propre personnel. Quant à moi, je dis exactement ce que je pense à propos des affaires publiques, tout en estimant sincèrement que je peux avoir tort. Mais je n’applique pas cette règle dans mes relations privées où je me garde de respecter les valeurs cardinales de la bienséance des zawayas dont je fais partie jusqu’à preuve du contraire.

Il y a trois mois que le président de l’IRA, Biram Ould Abeid croupit en prison pour avoir incinéré des livres de rite malékite. Que pensez-vous de cette arrestation mais aussi des chefs d’accusations invoquées ? Demanderiez-vous comme le député Kane Hamidou Baba et d’autres organisations des droits de l’homme sa libération surtout après que le juge a évoqué le vice de forme ?

M. Birame Ould Dah Ould Abeid défend très mal une très juste cause. Je compatis à son sort et je pense que son geste aurait été banal si on l’avait occulté. Mais le gouvernement crut pouvoir y trouver un moyen de distraire l’opinion, de la diviser et même de réveiller des démons insoupçonnables. Je suis un juriste publiciste et donc je ne peux pas dire si l’acte est pénalement punissable. Sur un plan philosophique ou doctrinal, l’acte a une toute autre signification qui a été occultée pour des raisons politiques. La destruction des ouvrages de référentiel malékite pose la question de savoir si les Mauritaniens sont prêts ou non à adopter un autre rite, par exemple hanbalite. Le tollé que le geste de Biram a soulevé est une réponse claire et catégorique à cette question. En fait, sans le savoir, Biram a rendu un service immense au malékisme qui est le fondement de la pratique religieuse dans le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Alors, je vous laisse le soin d’en déduire ce que vous voulez. En ce qui concerne mon désir de le voir libre, je n’ai pas besoin de me joindre à quelqu’un, surtout pas à mon ami Kane Hamidou Baba qui n’a pas demandé ma libération lors de mon incarcération. Je voudrais que tous les militants des droits de l’homme fassent pression sur le gouvernement pour la libération de ce citoyen qui paie injustement le prix d’un quiproquo.

A votre avis, pourquoi la suppression du BASEP a été zappée du dialogue entre le pouvoir et les partis de l’opposition ?

Vous voulez que je retourne en prison ? Eh bien allons-y ! En réalité les questions purement militaires ne peuvent pas être discutées avec autant de facilité. Je pense aussi que le BASEP a beaucoup évolué dans le bon sens. Je voudrais préciser, car c’est la première que j’en parle, que mon intervention à la télévision à la suite de la quelle j’ai été mis en prison visait un objectif sain : celui d’attirer l’attention sur l’état de délabrement de notre Armée nationale qui est l’ultime gage de notre existence, indépendamment de sa position et de son rôle sur l’échiquier politique. Je crois avoir eu gain de cause, car aux dernières manifestations militaires, j‘ai eu l’heureuse impression que nous commençons de nouveau à avoir une armée.

Quels risques encourt la Mauritanie si la CEDEAO intervient au Mali pour chasser les terroristes islamistes du nord de ce pays voisin ?

D’abord je ne crois pas que la CEDEAO interviendra au Mali, car ce serait une erreur gravissime. Les Maliens sont les seuls à pouvoir, à moyen ou long termes, reconquérir leur territoire et en chasser qui ils veulent. Mais si une telle intervention a lieu – ce que je ne souhaite pas, l’une des premières conséquences pourrait être la déstabilisation de la Mauritanie. Ce pays est dirigé depuis plus de trente ans par une junte militaire qui s’est avérée incapable d’y réaliser le moindre consensus – sauf durant une brève période de transition entre 2005 et 2008 – ou de formuler une vision partagée. Dans son corps social, sont apparus des schismes aux contours ethniques qui mettent à nu les antagonismes d’une société plurielle féodale et esclavagiste hibernante sous le vernis d’un libéralisme économique mal géré et générateur de graves inégalités. Les groupes extrémistes opérant dans l’Azawad y ont de nombreuses attaches et utilisent la Mauritanie comme un centre d’hibernation, de recrutement et de formation. Les groupes agissant au nord du Mali auraient recruté des centaines jeunes issus des familles maraboutiques. La situation dans cette partie du pays est telle qu’il n’est pas exagéré de penser qu’en cas de guerre totale dans l’Azawad, les groupes extrémistes replieront inévitablement en territoire mauritanien pour y bénéficier du soutien logistique des populations. Comment notre armée qui n’est pas très motivé selon toute logique, pourra-t-elle extraire le poisson de l’eau ?

Propos recueillis par AOC et DL

Source  :  Le Calame le 01/08/2012

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