Futur aéroport international de Nouakchott : Côté face et côté pile

Maquette du nouvel aéroport de NouakchottLe ministre de l’Equipement et des Transports Yahya Ould Hademine, qui était l’hôte des députés mauritaniens, le 17 octobre dernier, a annoncé que le projet de construction du futur aéroport international de Nouakchott sera finalement financé sur ressources propres de l’Etat.

Cette décision qui met un trait rouge sur des scénarios de financement antérieurs impliquant des investisseurs étrangers (Chinois puis Qataris) a été prise suite à l’examen en Conseil des ministres du jeudi 13 octobre 2011 des aspects techniques de ce projet.

Le document technique et financier du nouvel aéroport de Nouakchott, présenté devant les députés comme l’un des plus importants de la sous région, a été cosigné par le Ministre de l’Equipement et son homologue des Affaires économiques.

Le futur aéroport dont le délai d’exécution est de deux ans aura une capacité d’accueil de 2 millions de voyageurs par an.

La réalisation de ce projet que les autorités veulent à cent pour cent mauritanien, sera confiée à une entreprise locale, la Société  » Nejah «  pour les Travaux Publics. Elle s’engage à mener les travaux conformément aux normes internationales de qualité dan le domaine aéroportuaire, y compris les plans de levée topographique et architecturale, les services annexes et de services en plus des clauses portant respect des normes environnementales.

L’aéroport envisagé pourra accueillir les gros porteurs, types Boeing 747 et Airbus 380 A, avec un Terminal de 18.000 mètres carrés, une salle VIP de 3.000 mètres carrés et une Tour de 42 mètres de hauteur. L’aéroport, situé à 20 kilomètres de Nouakchott sur la route de Nouadhibou, permettra en outre la création de 600 emplois directs.

Des milliards d’Ouguiyas en jeu

C’est le côté face, très alléchant du reste, de ce que le gouvernement compte faire pour réaliser, enfin, un aéroport dont l’histoire remonte déjà à une dizaine d’années.

Dans les milieux spécialisés, l’on reste sceptique quant à la possibilité de réaliser, selon les normes internationales, et surtout dans la transparence requise, un tel projet.

C’est d’abord la société adjudicataire de ce  » projet du siècle «  et méconnue dans le milieux des Bâtiments et Travaux Publics (BTP) qui fait l’objet des premières interrogations. De quelle expertise dispose-t-elle pour réaliser un tel ouvrage ? Les futurs usagers de cet aéroport (grandes compagnies aériennes) n’émettront-ils pas des doutes sur la capacité d’un pays comme la Mauritanie de construire, seul, un aéroport international aux normes ?

Ensuite, les questions vont aussi aux sources de financement du projet.

Le fait même que le gouvernement ait annoncé que le projet sera financé sur ressources nationales n’exclut pas un revirement de dernière minute, qui poussera l’Etat à vouloir lever des fonds auprès des investisseurs étrangers. Dans ce premier cas de figure, l’appel d’offres international sera alors un passage obligé pour que la concurrence joue à fond et permette de s’assurer que le credo  » lutte contre la gabegie «  n’est pas un vain mot. Comme ne cesse de le répéter une opposition remise à bloc par les contreperformances d’un gouvernement qui, malgré quelques réalisations dans le domaine des infrastructures, fait actuellement du surplace.

Quels financements  » propres  » ?

Mais la première hypothèse de travail (le financement sur financements propres) reste aussi posée. Et même si tout le monde s’accorde à dire que les finances publiques sont structurellement déficitaires, rien n’empêche le gouvernement à emprunter les fonds nécessaires à la gestion quotidienne des affaires publiques et au financement de quelques projets dits de  » prestige  » (ou de propagande) en recourant au marché financier national. Le système de bons du Trésor n’a jamais été exploité à fonds que maintenant avec des émissions quasi hebdomadaires et des craintes qu’une telle démarche ne finisse par mettre à genoux un système à l’origine très fragile.

Selon des informations vraisemblables mais non confirmées, la société à laquelle le gouvernement a décidé de confier la réalisation du nouvel aéroport entrera en possession de l’espace de l’actuel aéroport de Nouakchott, de celui de l’Asecna, en sus d’une autre superficie allant du Centre émetteur jusqu’à l’emplacement du futur aéroport.

Si réellement c’est une telle offre foncière qui servira de  » financement «  à la réalisation du nouvel aéroport international de Nouakchott, alors toutes les hypothèques immobilières au niveau des banques vont fondre comme du beurre et un scénario de crise des subprimes à l’américaine serait inévitable.

Cette hypothèse de financement est, elle aussi, probable parce qu’elle reprend, à quelques différences près, le même montage que le gouvernement mauritanien avait convenu, en juillet 2005 (un mois avant la chute de Taya) avec les Chinois.

On se rappelle qu’à l’époque, la société China Metallergical Construction Corporation (MCC) avait donné son engagement de principe pour procéder à la construction d’un nouvel aéroport international à Nouakchott pouvant recevoir toutes les gammes de gros porteurs. La  » bonne nouvelle  » avait été livrée  » brûlante « , à l’opinion publique nationale lors de la traditionnelle conférence de presse du ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement (à l’époque Hamoud Ould Abdi).

Au titre de cette convention, la société chinoise devait mobiliser le financement à hauteur de 80%, les 20% restants étant à la charge de l’Etat mauritanien. Les travaux devaient être exécutés en 36 mois.

Il était prévu, dans ce savant montage financier, que la société consentira à la Mauritanie un crédit d’un montant de 136 millions de dollars qui sera remboursé en 16 ans avec un délai de grâce de trois ans et un taux d’intérêt annuel de 3%. Le remboursement du principal et des intérêts devait être effectué par tranches annuelles égales et successives. Similitude avec le nouveau montage, si l’hypothèse se confirme : Avec les Chinois, la Mauritanie devait rembourser les tranches annuelles échues, calculées en dollar américain, pour la contre-valeur correspondante en minerai de fer vendu au port de Nouadhibou au prix du marché international et aux conditions commerciales définies avec la clientèle de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) !

On se rappelle, pour la petite histoire, que le montage avec les Chinois, qui lui aussi n’est pas loin de la convention signée il y a un an dans le domaine de la pêche avec la société Poly-Hondong, a finalement foiré parce que les partenaires de la Mauritanie voulaient, une fois pour toute, fixer une sorte de  » parité «  qui les mettrait à l’abri de la fluctuation des prix du fer sur le marché international !

La formulation de la dernière hypothèse considère qu’il peut s’agir, tout simplement, de l’une de ces opérations de  » tieb-tieb «  (montage économico-financier) dont seuls les mauritaniens ont le secret : On surévalue un marché qu’on va attribuer à quelqu’un de la galaxie qui à son tour va le sous-traiter à une société véritablement spécialisée et engranger les dividendes. C’est déjà arrivée et les mauritaniens qui commencent à ne plus croire vraiment en la capacité de leurs gouvernants de changer pensent qu’il faut plus de fermeté – et de volonté – pour que de telles pratiques cessent d’un jour à l’autre.

Amar Ould Bija.

Source: L’Authentique

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